34% des juifs se sentent menacés aujourd’hui en France. C’est le constat alarmant dévoilé par Le Parisien, dans une étude que dresse l’IFOP pour la Fondapol et l’American Jewish Committee. Un sentiment chiffré à mettre évidemment en rapport avec l’augmentation de 74% de faits à caractère antisémite en 2018, avec 541 cas officiellement recensés.
Emmanuel Macron aura l’occasion d’en débattre à Jérusalem avec ses homologues lors du Forum Mondial de la Shoah, marquant le 75e anniversaire de la libération d’Auschwitz, qui se tient le 23 janvier. De nombreux autres dirigeants internationaux, dont Vladimir Poutine et Mike Pence, le vice-Président américain, seront également de la partie pour échanger sur l’antisémitisme, mais aussi des récentes tensions entre l’Iran et les États-Unis. Décryptage avec Gil Mihaely, historien et directeur de la publication des revues Causeur et Conflits.
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Cet évènement «intègre la contribution importante de l’URSS, de l’Armée rouge dans la Seconde Guerre mondiale et surtout dans la libération des camps, dont la plupart étaient en Europe de l’Est, en Ukraine, en Biélorussie et en Pologne.»
L’antisémitisme musulman
Dans un message destiné au mémorial israélien sur la Shoah de Yad Vashem, Emmanuel Macron a défendu son «combat de chaque jour» contre l’antisémitisme. Après avoir rencontré le Premier ministre israélien, ce mercredi 22 janvier, il devrait s’adresser à la communauté juive française, de plus en plus inquiète face à cette montée des actes antisémites en France. Pour Gil Mihaely, l’antisémitisme en France a changé radicalement de forme. L’antisémitisme traditionnel, catholique ou d’extrême droite, serait résiduel par rapport à une nouvelle forme d’antisémitisme:
«L’antisémitisme racial de l’extrême droite à la sauce nazie existe évidemment, mais c’est assez limité. Dans la plupart des cas, il s’agit d’actes commis par des gens de culture ou d’origine musulmane contre des juifs, dans un contexte d’antisémitisme de nouvelle génération.»
Israël face à l’Iran
Sputnik a également interrogé Gil Mihaely sur la façon dont Israël a vécu la récente crise régionale entre les États-Unis et l’Iran, alors que certains dirigeants iraniens menaçaient clairement l’État hébreu. Ce fut notamment le cas de Mohsen Rezaï, qui a déclaré: «Si l’Amérique prend la moindre mesure après notre riposte militaire, nous réduirons Tel-Aviv et Haïfa en poussière». Selon le journaliste, ces tensions n’ont pas eu de conséquences particulières. Le niveau d’alerte a effectivement été relevé dans le pays, mais le gouvernement israélien n’a fait aucun commentaire pouvant embraser la situation. Et surtout, les réservistes n’ont pas été rappelés.
«Il y a toujours une forme de tension […] Je n’ai pas l’impression qu’on se préparait à une guerre avec l’Iran autour de l’assassinat du général Soleimani.»
Pourtant, l’hostilité de Téhéran vis-à-vis de Tel-Aviv n’est un secret pour personne. Gil Mihaely propose sa grille de lecture à ce sujet:
«Cette affaire iranienne est très surprenante, sauf si on se dit que pour des raisons géostratégiques, l’Iran souhaitant mobiliser ce qu’il reste comme pays non affiliés, une sorte d’axe de résistance à l’Occident, a choisi une forme d’antisémitisme et d’antisionisme, un rejet total d’Israël. Ils sont plus royalistes que les Palestiniens sur cette question comme pivot stratégique.»
Le directeur de la publication de la revue Conflits se montre relativement élogieux vis-à-vis du général iranien tué par une frappe américaine en Irak. Célébré en héros par de nombreux Iraniens, il est conspué aux États-Unis comme un terroriste. Comment était-il perçu à Tel-Aviv?
«Pour les Israéliens, Soleimani est le symbole de l’expansionnisme agressif et anti-israélien de l’Iran […] Je ne pense pas qu’en Israël, on utilise le terme de terroriste contre lui. Il est clair que c’était un homme d’exception, c’est un chef militaire talentueux. Il me fait penser d’ailleurs à ces généraux et maréchaux de l’armée de Napoléon, qui étaient des sergents ou des lieutenants de l’armée de l’Ancien régime, et à qui la Révolution a permis de faire des carrières brillantes.»
Pourtant, il estime que Qassem Soleimani, chef de la Force al-Qods –les Gardiens de la Révolution– responsables des opérations extérieures de la République islamique, ne reculait pas «devant des méthodes de terroriste, de cibler une population civile, mener une guerre presque totale contre les ennemis de son pays.»
«Une certaine présence iranienne en Syrie peut être tolérée sous certaines conditions par Israël, mais pas ce que souhaite l’Iran. Donc Israël ne tolérera pas une Syrie qui est une plateforme iranienne comme aujourd’hui l’est le Liban […] Israël ne se laissera pas enfermer dans une sorte de nasse “Made in Iran” qui risque de submerger les capacités israéliennes d’absorber le feu.»
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