Marche contre l’islamophobie: «le choix de la date, des mots, on se demande où est Charlie»

© AFP 2024 DOMINIQUE FAGETMusulmans de France contre l'islamophobie
Musulmans de France contre l'islamophobie - Sputnik Afrique
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Malgré de vives controverses, la manifestation contre l’islamophobie a été maintenue par ses organisateurs ce dimanche 10 novembre à Paris. Sputnik a interrogé Julien Aubert, député LR du Vaucluse, qui ne mâche pas ses mots à l’égard de cette mobilisation.

Ira? N’ira pas? La marche pour «dire Stop à l’islamophobie», organisée ce dimanche 10 novembre par une partie des forces de gauche, tourne au vinaigre. Certains ont d’ores et déjà fait savoir qu’ils avaient «foot» ou qu’ils ne pouvaient s’y rendre pour raisons personnelles. En cause? L’appel à la mobilisation a notamment été lancé par le CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France), très controversé pour sa proximité avec les Frères musulmans. Il est également soutenu par certaines personnalités peu fréquentables, dont le sulfureux imam Nader Abou Anas, avant que son nom ne soit retiré de la liste des signataires, le 6 novembre.

​Le texte de l’appel fait lui-même débat au sein des Verts et de la France Insoumise. En cause, le concept de «racisme d’État», sous-entendu dans plusieurs passages, ainsi que la définition même de «l’islamophobie» donnée par cet appel. Dans son blog, Jean-Luc Mélenchon a dénoncé «la diabolisation» de cette initiative et a confirmé sa participation. Le Parti socialiste s’est lui démarqué, estimant «ne pas se reconnaître dans ses mots d’ordre qui présentent les lois laïques en vigueur comme liberticides». Le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, est allé encore plus loin en qualifiant cette manifestation de «lamentable» et «contre la laïcité».

Une polémique qui continue avec la publication le 6 novembre d’un sondage réalisé par l’IFOP, commandé par la fondation Jean-Jaurès et la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), sur les agressions et les discriminations visant les musulmans. Selon l’étude, 42% des musulmans en France vivant en France affirment avoir fait l’objet d’au moins une forme de discrimination liée à leur religion. Au rebours de cette enquête déclarative, la DILCRAH faisait aussi le bilan 2018 «des actes racistes, antisémites, antimusulmans et antichrétiens». Fondée sur les statistiques de différents ministères et remontées du terrain, elle fait état de résultats nettement plus nuancés, avec 100 actes ou menaces antimusulmans en 2018. Les auteurs de l’enquête soulignent toutefois que, comme pour les autres formes de racisme, différents biais (non-dépôt ou retrait de plainte, absence de condamnation, etc.) font que ces chiffres sont forcément sous-évalués.

Un contexte très polémique sur lequel Julien Aubert, député Les Républicains du Vaucluse, réagit de façon engagée. L’auteur récent de l’ouvrage Emmanuel, le faux-prophète, (Éd. du Rocher) déplore la tenue de cette marche, symbolisant l’abandon de la laïcité par une grande partie de la gauche. Il appelle en outre à restreindre le port du voile à l’université.

Sputnik France: Une grande partie de la gauche organise une manifestation contre l’islamophobie ce dimanche 10 novembre à Paris. Qu’en pensez-vous?

Julien Aubert: «Je pense qu’il y a plusieurs gauches et que malheureusement la gauche qui était attachée à la nation et à la République est en train de disparaître, gangrenée de l’intérieur par une gauche qui s’accommode très bien du communautarisme, voire de l’islamisme. C’est honteux. D’abord le choix de la date. Le 10 novembre, on se rappelle que les attentats du Bataclan ont eu lieu le 13 novembre. Donc, défiler à côté de gens qui sont des islamistes notoires, c’est quasiment une insulte par rapport à ceux qui ont perdu la vie lors de cet attentat. Deuxièmement, le choix des mots: ce n’est pas une marche contre le racisme, parce que c’est vrai qu’il y a des Maghrébins qui sont victimes d’attaques racistes, c’est une marche contre l’islamophobie. L’islamophobie, ça veut dire littéralement la peur de l’islam. Donc on a le droit d’être islamophobe, de la même manière qu’il y a des gens qui sont cathophobes ou judéophobes, c’est-à-dire d’avoir peur de telle ou telle religion. Mais le terme d’islamophobie a notamment été utilisé par ces mêmes islamistes pour justifier les attentats contre Charlie Hebdo. Donc là encore, le choix de la date, le choix des mots, on se demande où est Charlie.»

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Sputnik France: Selon une enquête IFOP commandée par le gouvernement, 40% des musulmans sondés ont déclaré avoir subi des comportements racistes au cours des cinq dernières années. Pensez-vous qu’il est compliqué aujourd’hui d’être musulman en France?

Julien Aubert: «Je pense que oui, c’est compliqué. Parce qu’être musulman, aujourd’hui en France, c’est être mis dans le même sac que plein de gens qui se revendiquent musulmans, mais qui peuvent être des excités ou des idéologues, ou même parfois des voyous qui se revendiquent d’une religion pour commettre des méfaits. Je crois qu’aujourd’hui, c’est compliqué parce qu’on parle beaucoup de cette religion à longueur de journée, parfois en la méconnaissant. Donc il y a des gens qui se sentent sincèrement ostracisés, alors qu’eux ne demandent qu’à s’intégrer et qui ne font pas d’ailleurs de leur appartenance le premier paramètre de leur vie personnelle.»

Sputnik France: Le discours de la droite semble peu audible sur la question. Quelle est la position des Républicains sur la laïcité?

Julien Aubert: «On sait très bien que la laïcité est un mot à l’origine qui a été formé par la gauche. La droite était beaucoup plus sensible au sujet des écoles privées, au sujet notamment de la place du christianisme dans la société. Aujourd’hui, par un retournement idéologique incroyable, la droite défend mieux la laïcité que la gauche. On l’a vu, c’est la droite qui a proposé l’interdiction des listes communautaristes. Moi, je crois qu’il ne faut pas que la laïcité tourne à l’attaque contre telle ou telle religion, quelle qu’elle soit. En revanche, il est inadmissible que l’on instrumentalise la religion –comme le font les islamistes–, la liberté de culte, pour en réalité vendre une idéologie politique qui est la supériorité de cette religion par rapport à la loi de la République. De ce point de vue-là, la droite est assez claire et unanime pour dire que le voile en tant qu’étendard politique doit être interdit et que l’on doit arrêter d’instrumentaliser le fait religieux.»

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Sputnik France: Donc vous êtes pour l’interdiction du voile dans l’espace public?

Julien Aubert: «Pas dans la rue, parce que là, on est sur la liberté vestimentaire. En revanche là où c’est possible et notamment dans les espaces qui relèvent de l’État –je pense aux administrations et plus particulièrement à l’université–, je suis pour. Après, je ne crois pas que c’est ça qui éteindra le problème fondamental qui est derrière, qui est le malaise d’une partie de la population d’origine étrangère naturalisée depuis deux ou trois générations et qui retourne vers des racines qu’elle n’a pas connues, vers une religion –ou une version de la religion d’ailleurs– qu’elle connaît mal, pour en réalité, faire sécession.

On ne pourra vaincre ce sécessionnisme qu’en faisant aimer la France et en insistant justement sur le retour de la nation et la nécessité d’avoir des citoyens qui soient indépendants de liens ethniques ou de liens religieux. C’est la seule manière de pacifier la sphère civile. Ça, c’est pour l’aspect républicain. Ensuite, nous sommes un pays qui a une tradition d’assimilation, mais aussi une culture d’accueil. Cette culture d’accueil doit être respectée, c’est une culture de tradition judéo-chrétienne.»

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