«L’aboutissement et le succès du processus électoral qui a permis d’élire un Président de la République, nous le devons pour une grande partie à feu le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah [chef d’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP) et vice-ministre de la Défense nationale, ndlr]», a indiqué dans une interview accordée à Sputnik le docteur Abdelkader Soufi, enseignant à l’université de Blida et expert en études stratégiques et politiques de défense.
«Sous son commandement, l’ANP a accompli un travail crucial de sécurisation de l’élection présidentielle sur deux fronts», explique-t-il. «D’abord sur le plan interne, en encadrant le Hirak lui-même et en empêchant tout débordement, en plus d’un déploiement des forces de sécurités tous corps confondus sur tout le territoire national», ajoute-t-il, précisant qu’à «ceci s’ajoute un quadrillage hermétique de toutes les frontières du pays grâce à un déploiement massif des forces de l’ANP pour éviter toute intrusion ou menace sur le pays». «C’était une tâche colossale que le général Gaïd Salah, âgé de 80 ans, a payé de sa vie».
Quid de la fracture au sein de l’armée?
«Il faut savoir que la direction de l’armée algérienne est collégiale aussi bien au niveau de son haut commandement qu’au niveau de ses différents corps [Armée de terre, Armée de l’air, Marine, Forces aériennes de défense du territoire et gendarmerie, ndlr] et de ses six régions militaires», a-t-il expliqué, soulignant que «c’est la collégialité des décisions prises démocratiquement après débats et délibérations aux seins de ses structures qui est la source de sa cohésion et de sa force».
L’expert en est persuadé: «Il n’y a donc aucune crainte à avoir sur la cohésion de l’ANP et sur ses capacités à assumer sa tâche de défense du territoire et des intérêts nationaux qui lui est assignée par la constitution du pays».
Le Hirak, quel chemin vers la solution?
Malgré l’élection d’un Président de la République le 12 décembre avec la participation de plus de 40% du corps électoral, les manifestations populaires n’ont pas cessé pour autant et ce, bien que le chef de l’État ait appelé à un dialogue sans exclusion.
«À cet effet il est important de signaler que ceux qui continuent dans les manifestations sont des groupuscules qui font de l’activisme pour leurs intérêts personnels tout en servant des agendas étrangers, comme celui de l’ex-puissance coloniale et d’autres, dans le cadre de ce qui est désigné comme les guerres de 4e et 5e générations en liaison avec des organisations comme Otpor et Canvas», a-t-il insisté. «Ces puissances cherchent à asseoir leur domination sur toutes les ressources et les richesses de la région».
Sur la même lancée, M.Soufi a ajouté que «concernant la main tendue du Président de la République pour un dialogue national inclusif, il me semble que la meilleure façon de lui donner une chance de réussir est de le mener dans un cadre institutionnel». Car, «après dix mois de manifestations, le Hirak n’a pas réussi à se faire représenter et à dégager une direction».
«À l’issue de cette réforme, le Président de la République devrait appeler à l’organisation d’élections anticipées à tous les niveaux: locales, régionales, législatives et sénatoriales. Ainsi, le peuple élira ses représentants à tous les niveaux et c’est avec eux que le dialogue doit être amorcé dans un cadre institutionnel légitime et organisé. Dans ce cadre, ces représentants pourront également exercer leur rôle de contrôler le travail de l’exécutif et d’asseoir un réel contre-pouvoir».
Abdelkader Soufi estime que la période de vide institutionnel qui s’est installée dans le pays à la suite de la démission de l’ex-Président Abdelaziz Bouteflika le 2 avril a permis aux «oligarques de l’argent sale d’en profiter au maximum pour transférer des sommes colossales d’argent détourné vers l’étranger».