Le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, ex-chef d’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP) algérienne et vice-ministre de la Défense nationale, est décédé lundi 23 décembre. Le Président de la République Abdelmadjid Tebboune, chef suprême des armées et ministre de la Défense nationale, a décrété trois jours de deuil national et sept jours de deuil au sein de l’ANP.
Dans un entretien accordé à Sputnik, Brahim Zitouni, analyste politique et porte-parole de la compagne présidentielle du Président Abdelmadjid Tebboune, a affirmé que la relation qui lie les Algériens à leur armée «trouve son origine dans la lutte pour l’indépendance». Selon lui, l’avenir du pays «est dans la jonction entre industries militaires et civiles».
«À peine annoncée la nouvelle du décès du chef de l’Armée nationale populaire, Ahmed Gaïd Salah […] qu’ont fleuri immédiatement les sempiternelles analyses, en provenance des mêmes cercles d’influence culturelle, sur la prééminence du rôle des militaires en Algérie, pour dénoncer avec véhémence ce qui serait une dictature qui n’aurait rien à envier dans son contenu aux pires régimes confiscatoires d’Amérique latine», a affirmé M.Zitouni. «Les funérailles nationales et populaires réservées très justement au chef des forces armées algériennes, pour les accomplissements éminemment politiques qui furent les siens durant ces 10 mois de révolution populaire adressent un seul et unique message aux puissances de la castration: l’Algérie et son peuple sont encore debout», a-t-il ajouté.
Pourquoi cette offensive médiatique?
Pour ce spécialiste, l’offensive «agressive» orchestrée par les médias français, «notamment France 24», procède de «la volonté délibérée d’orienter nos devenirs vers des logiques de dilution de notre personnalité nationale, cherchant par tous les moyens à empêcher la jonction entre industries militaires et industries civiles». Selon lui, ces médias et «ceux qui leur commandent» ce genre de campagne tentent également «d’imaginer des fissures entre généraux du haut commandement prenant leurs désirs pour des réalités».
Expliquant le modus operandi, Brahim Zitouni indique que cette campagne s’appuie «d’une part sur l’immigration algérienne soumise à un bombardement idéologique de très grande intensité […] et d’autre part les élites francophiles des villes algériennes qui ont une longue habitude de la proximité culturelle du fait colonial». Il souligne par ailleurs que ceci se trouve à l’inverse de «l’ANP dont les membres pauvres ou désargentés sont dans leur écrasante majorité issus des villes de l’intérieur du pays, aux traditions encore marquées par la ruralité berbérophone et arabophone toutes deux empreintes de valeurs islamiques». Tout «comme le christianisme orthodoxe nourrit le patriotisme russe slave sans que cela ne soulève pour autant une telle réprobation», poursuit-il.
Aux origines révolutionnaires de la relation peuple-armée
Selon l’expert, les fondements de cette solide relation entre les Algériens et leur armée, malgré les oppositions, sont à chercher dans «les ressorts salvateurs et permanents qui menèrent à l’indépendance algérienne et qui expliquent aujourd’hui encore […] la posture défensive du peuple ainsi que l’organisation politique de la République algérienne démocratique et populaire délibérément assumée et revendiquée autour de son institution militaire et demain de ses industries militaires».
L’événement historique déclencheur est le fait que «systématiquement le colonialisme a assassiné les leaders charismatiques, essentiellement issus de l’aristocratie rurale et religieuse […] jetant dans l’ignorance, l’analphabétisme et la famine des générations entières dans un geste de "bienfait civilisationnel" à nul autre pareil», selon Brahim Zitouni précisant que «c’est ce moment-là que choisit la nation pour rassembler ses ultimes forces autour de l’ALN [Armée de libération nationale, ndlr] dans le but de bouter le colonialisme hors du pays».
Dans le même sens, il soutient que cela a marqué «d’un fer rouge sang indélébile la construction de l’État national, dans une posture populaire et un rapport à l’ALN puis à son prolongement étatique privilégiant d’abord l’institution militaire en tant que cœur battant de la volonté populaire nationale».
Évoquant l’opposition, M.Zitouni affirme que «ce sont ces acquis exceptionnels d’une société guerrière recroquevillée sur ses valeursles plus profondément enfouies, tournée vers la défense de sa société comme il n’en existe certainement pas dans le monde arabe […] qui gênent les tenants du slogan douteux "l’armée dans les casernes"». Ceux-là mêmes qui cherchent «aujourd’hui à "démocratiser" la vie politique à coups de slogans spécieux, comme hier la France coloniale tentait "de pacifier" le pays réel à coups de bombardements dans les campagnes et celui plus artificiel» dans les villes, conclut-il.