La campagne pour la collecte des signatures de soutien au projet de referendum visant à sanctuariser le caractère public d’Aéroport de Paris a été lancée le jeudi 13 juin à minuit. Le démarrage de cette campagne a été excellent et plus de 400.000 signatures ont été collectées dans les premiers jours.
Bref, nous sommes plus devant une course de fond, une course avec obstacles, que devant un sprint. Mais, la procédure du Referendum d’Initiative Partagée (RIP), car c’est de cela qu’il s’agit, est bel et bien lancée.
Une procédure alambiquée
La procédure est aussi alambiquée du fait du texte même de la loi. Ce dernier précise en effet que: «l’objet de la proposition de loi (doit) respecter les conditions posées aux troisième et sixième alinéas de l’article 11 de la Constitution, c’est-à-dire que la proposition:
· ne porte que “sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions”;
· n’a pas pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an;
· ne porte pas sur le même sujet qu’une proposition de loi rejetée par referendum il y a moins de deux ans;
· que la proposition de loi n’a pas pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique.
· qu’aucune disposition de la proposition de loi n’est contraire à la Constitution.»
On mesure ici les différences entre le RIC (referendum d’initiative citoyenne), mis en avant par le mouvement des Gilets jaunes et le RIP existant actuellement. Mais, faute de RIC, c’est avec le RIP qu’il faut donc procéder.
Une procédure antidémocratique?
Alors, il est clair qu’il y a dans cette procédure un enjeu politique considérable qui dépasse en réalité l’enjeu concret de ce RIP.
· Il y a en premier lieu un enjeu démocratique. On l’a dit, en réussissant à activer la procédure du RIP, en dépit de tous les obstacles mis sur le chemin par un législateur particulièrement hypocrite, c’est bien de créer un précédent pour le RIC dont il s’agit.
· Il y a ensuite un enjeu économique et social. Si cette privatisation est rendue impossible, c’est en réalité toute la logique de privatisation des services publics qui sera remise en cause. Le succès de cette campagne, et du referendum auquel elle doit donner naissance, apparaît donc aujourd’hui comme un instrument pour bloquer la politique néolibérale qui est actuellement à l’œuvre. Ce qui va se jouer dans cette campagne, c’est l’opposition entre ceux qui pensent qu’une logique de marché doit nécessairement s’imposer partout et ceux qui considèrent au contraire que le politique, la souveraineté du peuple, a une primauté sur les règles économiques.
· Il y a enfin un enjeu politique. Alors que le mouvement des Gilets jaunes est en train de s’essouffler, il faut impérativement trouver des formes nouvelles d’expression à la colère qu’il porte. La campagne pour la collecte des signatures, parce qu’elle impliquera rapidement la constitution de comités de base pour ce faire, le site électronique devant les recueillir s’avérant souvent difficile d’accès et au minimum lourd à utiliser, pourrait ouvrir de nouvelles perspectives à la mobilisation, une mobilisation qui impliquera des militants provenant des courants politiques les plus divers. On l’a dit, l’instrument de cette campagne doit être des comités de base ouverts à tous, sans a priori et sans exclusives.
Une réponse à l’essoufflement des Gilets jaunes?
Le referendum contre la privatisation d’ADP en fournit une excellente. Son thème rejoint les revendications exprimées par les Gilets jaunes. Le slogan qui pourrait alors être proposé à la campagne serait «Contre la Privatisation d’ADP, par le RIP, pour le RIC». La forme que prendra cette campagne, des milliers de comités locaux, œuvrant à la base, collectant les signatures, faisant du porte-à-porte, peut être la forme nouvelle des «ronds-points» où se manifesta le cœur du mouvement des Gilets jaunes. Avec cette campagne, il est donc possible d’offrir à ce mouvement, dont l’enracinement en France reste profond, un débouché politique concret, mais aussi la possibilité de porter haut et fort ses revendications et de renouer avec son côté massif et populaire.