L’un des plus célèbres tournois internationaux, le tournoi Saint-Georges de Moscou –organisé dans le cadre du festival "Les temps et les époques" qui vient de s’achever-, a accueilli des chevaliers venant de tous les recoins de notre planète.
Pourquoi la Russie?
Pour Alain Minoux, chevalier de l’Ordre de Saint-Michel, adoubé en 2016, qui vient en Russie pour la 4e fois, le public russe se distingue de celui des autres pays:
«Ils sont très impliqués. Quel que soit l’événement, que ce soit la joute ou un autre événement, on s’aperçoit qu’ils sont dedans, ils sont présents».
À son tour, Marc Hamel, venu du Canada et chevalier de l’Ordre de Saint-Michel lui aussi, espère transposer certaines idées du tournoi moscovite dans son pays. Il a préféré «la mêlée à plusieurs, à la façon russe» qu’il a trouvé «très intéressante», ainsi que le mode de changer de coéquipiers entre les rondes. Selon lui, «le côté immersif, […] les détails, l’esprit de communauté à Moscou est très spécial», il y a «beaucoup de gens qui s’entraident».
Valeurs actuelles ou chevaleresques?
Bien que l’époque de la chevalerie ait pris fin il y a environ sept siècles, les chevaliers interviewés sont certains que les valeurs d’antan peuvent être pertinentes dans le monde contemporain. Selon Marc Hamel, «c’est une question de choix, une question de dire qu’est-ce qui nous rejoint dans notre cœur». Néanmoins, ces valeurs «sont toutes bafouées», déplore Alain Minoux:
«Tout ce qui est respect, honneur, civisme, cela tend à disparaître».
Pour lui, il s’agit aujourd’hui d’«un monde très impersonnel où c’est chacun pour soi. Et on le voit ne serait-ce qu’avec les portables et les selfies où chacun se montre. C’est du narcissisme à l’extrême. On pense d’abord à soi avant de penser aux autres».
Quant à l’idée générale de la chevalerie, «c’est penser d’abord aux autres, à ses frères d’armes, à s’inquiéter pour eux, après on pense à soi. […] Si les autres vont bien, nous-mêmes, on va bien», a-t-il souligné.
Les devises de ces deux chevaliers font écho à leurs propos concernant les valeurs. Pour Marc Hamel, la formule «Allons-y» explique tout: «Allons-y, malgré qu’on ait mal. Allons-y, malgré le danger. Allons-y, parce qu’il le faut».
Les démarches d’Alain Minoux sont guidées par une phrase en latin: «Fortis in anima, fortis in vitae» (Fort dans l’âme, fort dans la vie), qui considère que «si on arrive à croire en nous, alors on pourra affronter tout ce qui arrive, que ce soit en joute ou dans la vie de tous les jours».
Risque d’accidents
Bien que la participation aux festivals historiques puisse paraître un divertissement anodin, les joutes s’avèrent dangereuses pour la santé et la vie parce qu’elles se produisent en temps réel, sans que le déroulement de combat soit programmé en amont.
Le risque d’accident est élevé, comme le confirme Marc Hamel qui a fait une commotion cérébrale lors d’un tournoi australien. Malgré le traumatisme reçu seulement une semaine avant le festival de Moscou, il y a participé pour tenir la parole donnée aux organisateurs du tournoi: «Je m’étais déjà engagé à venir ici, j’ai décidé de participer quoi qu’il en soit».
Gagner ou ne pas gagner?
«Je n’ai jamais cherché la victoire en bout de ligne. C’est surtout le surpassement, c’est de se dépasser malgré les blessures, malgré la difficulté. Si le cheval ne va pas bien, y aller quoi qu’il en soit. Bien réussir à rester droit», a affirmé M.Hamel, en précisant qu’«il faut être un grand jouteur, mais il faut être un grand chevalier avant tout».
Alain Minoux partage le point de vue de son pair:
«La victoire est secondaire, voire tertiaire. Avant tout, c’est le beau geste, c’est la précision, donc, c’est être bien avec son cheval, bien dans la lice, avoir une lance bien placée. […] La victoire, elle vient après». Selon lui, il vaut mieux perdre «mais en étant bien avec [son] cheval et avec [soi-même] et avec [sa] position».
Dans la joute, il n’y a pas de place pour se servir de la faiblesse de son adversaire si ce dernier éprouve des difficultés. Le jouteur doit dans ce cas se comporter en bon chevalier et relever sa lance.
Le tournoi Saint-Georges s’est achevé sans apporter la victoire à nos deux jouteurs canadien et français, non plus qu’à Thomas Menou, de l’Ordre de Saint-Michel, le deuxième participant français à l’événement. Cependant, comme les passionnés de joutes équestres l’ont déclaré, la victoire ne revêt pas la plus grande importance.