Dans une interview au quotidien Izvestia, Milorad Dodik explique pourquoi il a décidé de participer au Forum économique international de Saint-Pétersbourg, évoque son intention d'inviter Vladimir Poutine dans la république, sa coopération avec la Fédération de Russie dans la lutte contre le terrorisme et le risque d'un conflit armé dans les Balkans, avant d'exposer les raisons pour lesquelles la Bosnie-Herzégovine ne pourra pas adhérer à l'Otan.
Question: La tension s'est à nouveau aggravée dans les Balkans à cause de la situation au Kosovo. Suite aux altercations entre la police de la république autoproclamée et la population serbe ce 28 mai, plusieurs personnes ont été blessées - notamment le Russe Mikhaïl Krasnochtchekov, collaborateur de la mission de l'Onu. A quel point un conflit armé dans la région est-il plausible?
Milorad Dodik: Il est évident que les Albanais du Kosovo cherchent aujourd'hui à faire pression sur les Serbes par la force. Nous assistons, de facto, à une blitzkrieg. Les gens qui prennent les décisions à Pristina sont très nerveux parce qu'ils veulent clore au plus vite la question kosovare et adhérer à toutes les structures occidentales. Cependant, la Serbie est prête à utiliser la force militaire et la police pour protéger son peuple au Kosovo. La situation est effectivement tendue, et il ne reste plus qu'à espérer que les choses n'iront pas jusqu'à un conflit armé d'envergure. Pristina doit être conscient du fait que le problème ne peut pas être réglé sans dialogue.
Le plus regrettable est que les négociations avec la médiation de l'UE n'avancent pas, parce que les Albanais ne respectent pas les accords de Bruxelles. Dans l'ensemble, l'UE est de plus en plus faible dans le règlement du problème kosovar, tandis que la population albanaise refuse de facto la médiation de Bruxelles et regarde du côté des États-Unis. La Serbie n'a aucune raison de croire l'UE, qui est incapable de garantir la mise en œuvre des accords de Bruxelles. C'est pourquoi je pense que la Russie doit participer plus activement au règlement de ce problème.
Question: L'Otan continue d'imposer à la Bosnie-Herzégovine d'adhérer à l'organisation par le langage des ultimatums. Quelle est la probabilité que ce pays adhère tout de même à l'Alliance?
Les Serbes se souviennent bien des bombardements de l'Alliance dans les années 1990. Notre peuple ne soutient pas l'idée d'adhérer à l'Otan. De plus, nous ne voulons pas faire partie d'une organisation ayant des relations inamicales avec la Russie. Malgré les menaces et la pression, il ne fait aucun doute que nous ne changerons pas d'avis. Nous admettons la coopération avec l'Alliance pour la paix, mais il n'y aura pas d'adhésion à part entière à l'Alliance.
Question: Dans quel but êtes-vous venu au Forum économique international de Saint-Pétersbourg?
Milorad Dodik: L'objectif principal de ma visite est d'évoquer la coopération bilatérale avec la Russie. Par exemple, il est actuellement question de l'achat d'hélicoptères russes pour la police de la République serbe de Bosnie. La décision à ce sujet a été prise au niveau du gouvernement et n'a plus qu'à être mise en œuvre. De plus, un projet de gazéification de la République serbe de Bosnie est à l'étude avec Gazprom.
Question: En parlant de la coopération économique, est-ce que les compagnies de la République serbe souhaitent coopérer avec la Crimée?
Milorad Dodik: Nous sommes ouverts à la coopération avec toute la Russie, Crimée y compris, et je le dis au nom de la République serbe de Bosnie. La Crimée fait partie de votre pays, et si j'avais cette possibilité, je serais prêt à visiter la péninsule.
Question: Avez-vous toujours l'intention de faire reconnaître la Crimée au niveau de la Bosnie-Herzégovine?
Question: Les Balkans ont évoqué plusieurs fois le problème de retour des combattants de Syrie. Quelle est la pertinence de ce problème aujourd'hui pour la Bosnie-Herzégovine?
Milorad Dodik: Il est très sérieux. Actuellement, plus de 150 membres de Daech devraient revenir dans notre pays. Cela représente une grande menace pour la sécurité de l’État. C'est le chiffre que nous connaissons aujourd'hui. Il est possible qu'il augmente. De plus, certains terroristes reviendront dans leur pays via notre territoire. C'est pourquoi le ministère de l'Intérieur de la République serbe coopère activement avec la Russie dans la lutte contre le terrorisme.
Question: Une bagarre a éclaté cette semaine en Bosnie-Herzégovine entre des migrants au centre d'accueil Miral. Les réfugiés ont également attaqué les policiers arrivés sur les lieux. Il faut noter aussi que dans ce même établissement un incendie s'était déclaré le 1er juin, qui avait fait 29 blessés. Le pays est-il apte à gérer l'afflux de réfugiés?
Question: Le gouvernement autrichien a démissionné à cause des provocations visant l'ancien vice-chancelier Heinz-Christian Strache. Il s'avère que dans cet «assassinat politique» aurait été impliquée une jeune femme bosniaque, qui a joué le rôle de la nièce d'un oligarque russe. Que pensez-vous de cet incident?
Car c'est déjà devenu une tradition en Occident de crier à la trace russe et à la menace émanant de Moscou. Des centres de renseignement spéciaux ont même été créés à Podgorica, à Tirana et à Sarajevo. Des millions sont alloués pour contenir «l'influence russe» dans les Balkans. Rien que le Royaume-Uni a alloué 6 millions de livres pour cette région. Cet argent est destiné à certains médias et individus qui exécutent les ordres et font certaines déclarations.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.