La République serbe de Bosnie: «Nous sommes ouverts à la coopération avec toute la Russie, Crimée y compris»

© Sputnik . Alexey Malgavko / Accéder à la base multimédiaLe détroit de Kertch
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La République serbe de Bosnie est prête à nouer des relations d'affaires avec la Crimée, a déclaré au quotidien russe Izvestia Milorad Dodik, président de la présidence de la Bosnie-Herzégovine, dans le cadre d'un grand entretien en marge du SPIEF 2019.

Dans une interview au quotidien Izvestia, Milorad Dodik explique pourquoi il a décidé de participer au Forum économique international de Saint-Pétersbourg, évoque son intention d'inviter Vladimir Poutine dans la république, sa coopération avec la Fédération de Russie dans la lutte contre le terrorisme et le risque d'un conflit armé dans les Balkans, avant d'exposer les raisons pour lesquelles la Bosnie-Herzégovine ne pourra pas adhérer à l'Otan.

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La Bosnie-Herzégovine se compose de deux entités principales, la République serbe de Bosnie et la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine, ainsi que du District de Brčko sous surveillance internationale. La présidence de la Bosnie-Herzégovine est l'organe collectif suprême du pouvoir exécutif: elle est composée de trois personnes issues de chaque groupe ethnique: les Serbes, les Croates et les Bosniaques.

Question: La tension s'est à nouveau aggravée dans les Balkans à cause de la situation au Kosovo. Suite aux altercations entre la police de la république autoproclamée et la population serbe ce 28 mai, plusieurs personnes ont été blessées  - notamment le Russe Mikhaïl Krasnochtchekov, collaborateur de la mission de l'Onu. A quel point un conflit armé dans la région est-il plausible?

Milorad Dodik: Il est évident que les Albanais du Kosovo cherchent aujourd'hui à faire pression sur les Serbes par la force. Nous assistons, de facto, à une blitzkrieg. Les gens qui prennent les décisions à Pristina sont très nerveux parce qu'ils veulent clore au plus vite la question kosovare et adhérer à toutes les structures occidentales. Cependant, la Serbie est prête à utiliser la force militaire et la police pour protéger son peuple au Kosovo. La situation est effectivement tendue, et il ne reste plus qu'à espérer que les choses n'iront pas jusqu'à un conflit armé d'envergure. Pristina doit être conscient du fait que le problème ne peut pas être réglé sans dialogue.

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Il faut savoir que les récents événements dans la région résultent des décisions irréfléchies et de la politique erronée des pays occidentaux, qui consiste à soutenir un camp - c'est-à-dire les Albanais. Au final, le dossier du Kosovo est devenu l'un des problèmes les plus complexes sur la scène internationale. La Serbie tente de préserver son territoire, alors que les États-Unis encouragent constamment les Albanais qui considèrent le Kosovo comme un pays indépendant. Malgré la pression de Washington, la Serbie, la Russie et d'autres pays refusent de reconnaître la souveraineté du Kosovo.

Le plus regrettable est que les négociations avec la médiation de l'UE n'avancent pas, parce que les Albanais ne respectent pas les accords de Bruxelles. Dans l'ensemble, l'UE est de plus en plus faible dans le règlement du problème kosovar, tandis que la population albanaise refuse de facto la médiation de Bruxelles et regarde du côté des États-Unis. La Serbie n'a aucune raison de croire l'UE, qui est incapable de garantir la mise en œuvre des accords de Bruxelles. C'est pourquoi je pense que la Russie doit participer plus activement au règlement de ce problème.

Question: L'Otan continue d'imposer à la Bosnie-Herzégovine d'adhérer à l'organisation par le langage des ultimatums. Quelle est la probabilité que ce pays adhère tout de même à l'Alliance?

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Milorad Dodik: Mon accord est nécessaire pour entamer le processus d'adhésion de la Bosnie-Herzégovine à l'Otan. Et je ne le donnerai pas. La République serbe de Bosnie a décidé de mener une politique de neutralité militaire. Le parlement a adopté ce décret: nous sommes contre l'adhésion à l'Alliance. En tant que représentant de la République serbe  de Bosnie, je n'ai pas l'intention de changer d'avis. C'est évidemment une situation inhabituelle pour les États-Unis et leurs alliés. Car la question de l'adhésion à l'Otan était toujours réglée très rapidement avec les autres petits pays. Nous l'avons vu sur l'exemple du Monténégro et de la Macédoine.

Les Serbes se souviennent bien des bombardements de l'Alliance dans les années 1990. Notre peuple ne soutient pas l'idée d'adhérer à l'Otan. De plus, nous ne voulons pas faire partie d'une organisation ayant des relations inamicales avec la Russie. Malgré les menaces et la pression, il ne fait aucun doute que nous ne changerons pas d'avis. Nous admettons la coopération avec l'Alliance pour la paix, mais il n'y aura pas d'adhésion à part entière à l'Alliance.

Question: Dans quel but êtes-vous venu au Forum économique international de Saint-Pétersbourg?

Milorad Dodik: L'objectif principal de ma visite est d'évoquer la coopération bilatérale avec la Russie. Par exemple, il est actuellement question de l'achat d'hélicoptères russes pour la police de la République serbe de Bosnie. La décision à ce sujet a été prise au niveau du gouvernement et n'a plus qu'à être mise en œuvre. De plus, un projet de gazéification de la République serbe de Bosnie est à l'étude avec Gazprom.

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Pendant le forum, j'ai également l'intention d'avoir un échange d'avis sur les problèmes globaux, notamment les questions liées aux Balkans, non seulement avec la Russie mais aussi avec les politiciens haut placés d'autres pays. D'ailleurs, je voudrais remercier Vladimir Poutine pour cette invitation et la possibilité de participer au forum. Nous tenons en grande estime les bonnes relations avec Moscou et serons ravis si le président russe et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov visitaient la République serbe cette année. Nous enverrons évidemment des invitations officielles.

Question: En parlant de la coopération économique, est-ce que les compagnies de la République serbe souhaitent coopérer avec la Crimée?

Milorad Dodik: Nous sommes ouverts à la coopération avec toute la Russie, Crimée y compris, et je le dis au nom de la République serbe de Bosnie. La Crimée fait partie de votre pays, et si j'avais cette possibilité, je serais prêt à visiter la péninsule.

Question: Avez-vous toujours l'intention de faire reconnaître la Crimée au niveau de la Bosnie-Herzégovine?

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Milorad Dodik: Je pense que la communauté internationale doit reconnaître les résultats du référendum criméen. Bien sûr, si le statut de la péninsule était évoqué à l'ordre du jour en Bosnie-Herzégovine, je soutiendrais forcément la Russie. Hormis ma voix, il faut toujours l'accord des deux autres membres de la présidence. Mais pour nous il est très important que le problème criméen soit réglé et que les relations entre la Russie et l'Occident se normalisent.

Question: Les Balkans ont évoqué plusieurs fois le problème de retour des combattants de Syrie. Quelle est la pertinence de ce problème aujourd'hui pour la Bosnie-Herzégovine?

Milorad Dodik: Il est très sérieux. Actuellement, plus de 150 membres de Daech devraient revenir dans notre pays. Cela représente une grande menace pour la sécurité de l’État. C'est le chiffre que nous connaissons aujourd'hui. Il est possible qu'il augmente. De plus, certains terroristes reviendront dans leur pays via notre territoire. C'est pourquoi le ministère de l'Intérieur de la République serbe coopère activement avec la Russie dans la lutte contre le terrorisme.

Question: Une bagarre a éclaté cette semaine en Bosnie-Herzégovine entre des migrants au centre d'accueil Miral. Les réfugiés ont également attaqué les policiers arrivés sur les lieux. Il faut noter aussi que dans ce même établissement un incendie s'était déclaré le 1er juin, qui avait fait 29 blessés. Le pays est-il apte à gérer l'afflux de réfugiés?

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Milorad Dodik: Non. Dans un premier temps, nous ne disposons pas de ressources pour approvisionner ces gens en argent et en logement. Tout le problème avec les migrants est apparu à cause de la volonté de l'Occident d'attirer une nouvelle main d'œuvre bon marché. Mais quand le processus a échappé à tout contrôle, ils ont fermé leurs frontières. Ainsi, les réfugiés restent chez nous, ce qui représente une menace directe pour la sécurité du pays. La situation va encore s'aggraver parce que nous attendons une nouvelle vague cet été.

Question: Le gouvernement autrichien a démissionné à cause des provocations visant l'ancien vice-chancelier Heinz-Christian Strache. Il s'avère que dans cet «assassinat politique» aurait été impliquée une jeune femme bosniaque, qui a joué le rôle de la nièce d'un oligarque russe. Que pensez-vous de cet incident?

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Milorad Dodik: J'ignore qui y a participé. Néanmoins, il est évident qu'il s'agit de structures sérieuses qui voulaient compromettre des forces politiques concrètes à l'approche des élections européennes. De plus, quelqu'un n'appréciait probablement pas les bonnes relations entre Moscou et Vienne ces dernières années, et voulait réduire «l'influence russe».

Car c'est déjà devenu une tradition en Occident de crier à la trace russe et à la menace émanant de Moscou. Des centres de renseignement spéciaux ont même été créés à Podgorica, à Tirana et à Sarajevo. Des millions sont alloués pour contenir «l'influence russe» dans les Balkans. Rien que le Royaume-Uni a alloué 6 millions de livres pour cette région. Cet argent est destiné à certains médias et individus qui exécutent les ordres et font certaines déclarations.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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