Identité, religion, laïcité... au Québec, la bataille du crucifix pourrait prendre fin

Jamais un symbole religieux n'aura fait couler autant d'encre au Québec. Il ne s'agit pas du voile islamique, mais bien du crucifix. La Ville de Montréal a annoncé qu'elle retirerait sa croix de la salle du conseil. L'Assemblée nationale pourrait aussi retirer la sienne du Salon bleu. Est-ce la fin de la bataille du crucifix? L'analyse de Sputnik.
Sputnik

Les Québécois n'ont pas fini d'entendre parler de laïcité, mais une grande étape pourrait bientôt être franchie dans ce débat. Le mouvement écologiste a beau occuper de plus en plus d'espace, les signes religieux continuent d'alimenter la discussion. Dans la Belle Province, il n'existe rien de comparable à la Loi de 1905 en France. L'État québécois se dit indépendant des religions, mais aucune politique n'officialise cette position.

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Le 20 mars dernier, la Ville de Montréal a annoncé qu'elle allait retirer le crucifix de la salle du conseil municipal. Une annonce qui a rapidement retenu l'attention des Québécois. Installé en 1937, ce crucifix servait à rappeler aux élus leur serment prêté devant Dieu. C'est la conseillère de ville et responsable de la démocratie, de la gouvernance et de la vie citoyenne au comité exécutif, Laurence Lavigne-Lalonde, qui en a fait l'annonce. Le crucifix incarne selon elle une époque révolue:

«On vit maintenant dans une société qui a énormément évolué et qui est représentée par des institutions qui sont démocratiques, qui se doivent d'être laïques, d'être neutres et d'être ouvertes à l'ensemble des citoyens», a déclaré Mme Lavigne-Lalonde lors d'un point de presse.

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Le même jour, le Premier ministre François Legault a annoncé qu'il ouvrait la porte à un possible retrait du crucifix de l'Assemblée nationale. C'est une autre annonce qui en a surpris plus d'un, car M. Legault a toujours assuré que le célèbre crucifix resterait à sa place. Aux yeux de ses électeurs, le parti de M. Legault, la Coalition Avenir Québec (CAQ), incarne un nationalisme respectueux de l'histoire.

​Pour défendre le maintien du crucifix à l'Assemblée nationale, la CAQ l'avait défini comme un «objet patrimonial» et non comme un symbole religieux. Cette distinction lui permettait de prôner une plus grande laïcité tout en se défendant d'avoir une position contradictoire. En octobre 2018, peu après sa victoire, François Legault répétait que le crucifix «était là pour rester». Sa nouvelle position, qui se veut plus conciliante, est donc considérée comme une volte-face.

«Nous allons déposer bientôt un projet de loi sur la laïcité et la question du crucifix au Salon bleu fait partie des discussions que nous avons. Il y a de bons arguments pour, il y a des arguments contre et présentement, nous avons un débat. Nous devons trouver un compromis», a déclaré M. Legault en réponse aux questions des journalistes à l'Assemblée nationale.

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Il est encore trop tôt pour dire si le gouvernement Legault décidera de retirer le crucifix du Salon bleu, où siègent les députés. Depuis son arrivée au pouvoir en octobre 2018, le gouvernement a souvent utilisé la stratégie du dialogue pour se montrer ouvert à la critique. Plus d'une fois, le gouvernement Legault a annoncé qu'il ouvrait la porte au compromis, tout en revenant par la suite sur sa position initiale. Une stratégie de communication qui semble bien fonctionner.
Toutefois, s'il advenait que le gouvernement Legault retire vraiment le crucifix, on peut anticiper de fortes réactions, aussi bien positives que négatives.

Retrait du crucifix: des réactions fortes à prévoir

Le retrait du crucifix satisferait d'abord les demandes des militants laïcs, qui y voient un symbole strictement religieux et non patrimonial. Le crucifix a été installé en 1936 par le Premier ministre Maurice Duplessis, dont le gouvernement était très proche de l'Église catholique. Les laïcs québécois associent donc ce symbole à une forme de théocratie. En conservant ce symbole dans ce haut lieu de pouvoir, la CAQ défendrait plutôt une «catho-laïcité» et dévoilerait son hypocrisie.

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Quant à eux, les plus nationalistes seraient très déçus par la décision de François Legault, car le crucifix rappelle les origines catholiques du Canada français. Dans une perspective conservatrice, retirer le crucifix équivaudrait à effacer le passé. Dans le contexte de la mondialisation, il s'agirait d'un pas de plus vers l'abolition de la mémoire collective. Ironiquement, ce courant est très bien représenté au sein même du gouvernement.

Enfin, en cas de retrait de ce symbole, les partisans du multiculturalisme salueraient la décision de la CAQ, y voyant le signe d'une plus grande ouverture aux autres cultures. Dans le cas de la Ville de Montréal, il est évident que le retrait du crucifix vise à conforter la métropole dans sa vocation multiculturelle. Dans tous les cas, François Legault ne pourra pas faire consensus.

 

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