La France, l’Italie et... l’Allemagne

«J’aime tellement l’Allemagne que je préfère qu’il y en ait deux» (François Mauriac, 1885-1970, prix Nobel de littérature).
Sputnik

Les récents développements de l'actualité internationale ont été marqués par une nouvelle étape dans la germanophilie naïve des gouvernants français, avec la signature du traité d'Aix la Chapelle. Traité qui ne nous rapporte strictement rien, et dans lequel est proclamé rien de moins que l'intention de la France d'aider l'Allemagne à obtenir un siège permanent au conseil de sécurité de l'ONU (article 8 alinéa 2 dudit traité).

Diantre!

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Le postulat suivant lequel les intérêts de la France rejoindraient automatiquement ceux de l'Allemagne, implicite dans ce traité, est des plus contestable.

Pourquoi l'idée que l'Allemagne ait un siège permanent au conseil de sécurité de l'Onu devrait-il être un objectif — qui plus est, prioritaire — de la diplomatie française? Pourquoi, en ce cas, la France, puissance nucléaire, n'aiderait-elle pas d'autres pays européens, tout aussi honorables, à atteindre cet objectif? l'Italie par exemple, ou l'Espagne? En quoi l'Allemagne serait-elle plus digne de cette faveur insigne que d'autres pays européens? En poussant plus loin, pourquoi ne pas aider l'Inde qui, avec ses 1,4 milliards d'habitants, est la plus grande démocratie du monde, plutôt que l'Allemagne et sa démographie déclinante? En contrepartie de toutes ces belles intentions françaises proclamées dans ce traité, qu'offre donc l'Allemagne à la France?

Dans le même temps, les relations avec notre sœur latine, l'Italie, sont au plus bas. Le nouveau gouvernement, légitimement élu par le peuple italien, a été affublé de tous les noms d'oiseau par l'exécutif français. Et le fort médiatique M. Bernard-Henry Lévy, rivière céleste de la pensée que le monde entier nous envie, (surtout la Libye), qui a ses entrées dans tous les palais et les médias de la république, a cru bon d'insulter M. Matteo Salvini, (et donc les millions d'électeurs qui l'ont élu) le traitant de raciste, de xénophobe, d'homophobe, etc., etc….

Tout ceci est pitoyable, et nuisible aux intérêts de la France.

Une fois de plus, le pouvoir en France s'enfonce dans un des contresens historiques et diplomatiques dont il a le secret.

En tournant le dos à ce qui est la vraie nature de la France, sa culture, son identité, sa véritable civilisation: j'ai nommé sa latinité, vieille de deux millénaires, qui nous lie en réalité profondément avec les autres nations latines, avec tout ce qui en découle.

Monsieur Macron n'a semble-t-il jamais été très inspiré par les leçons de l'histoire, et voilà qu'il récidive.

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Charles de Gaulle avait certes tendu la main au rival héréditaire qui nous avait causé trois guerres en 70 ans avec leurs cortèges d'horreurs. Un acte sage et éclairé. Mais il s'agissait d'un mariage de raison, sûrement pas d'un mariage d'amour. Et surtout, Charles de Gaulle, qui lui était un véritable et grand chef d'état, n'est jamais tombé de le piège consistant à penser que les intérêts allemands coïncideraient, comme par magie, avec les nôtres, une fois la guerre terminée… il n'était pas dupe, d'ailleurs, du fait que s'il fallait choisir entre la France et les Etats-Unis, l'Allemagne choisirait toujours ces derniers, exactement comme la Grande-Bretagne.

C'est d'ailleurs ce que les Allemands feront toujours par la suite. En clair, l'amitié franco-allemande s'applique, tant qu'elle ne gêne pas l'amitié germano-américaine, autrement plus importante aux yeux des Allemands. Le traité fait d'ailleurs explicitement référence à l'OTAN (article 4 alinéa 1). L'Histoire se répète à un demi-siècle d'intervalle.

Les élites françaises, depuis 1945, sont littéralement hypnotisées par le "modèle" allemand.

A tel point qu'elles s'ingénient depuis 60 ans, droite et gauche confondues, à singer, en vain d'ailleurs, ce pays, véritable partenaire-rival mimétique de la France à leurs yeux.

L'idolâtrie monétaire notamment sera l'un des composants essentiels de cette vénération: ce fût le mythe du Franc fort, toute dévaluation étant vécue comme une humiliation nationale. Franc qui ne s'avéra d'ailleurs pas fort du tout, avec son cortège de dévaluations successives. En effet, le Franc est passé de 0,45 Franc pour un DM en 1945 à… 3,30 Francs pour ce même DM à la veille de sa disparition, soit une division par 7 en 60 ans… peu importe, car cela n'a jamais empêché, durant tout ce temps, l'économie française de fonctionner, et la France de devenir la 5ème puissance économique mondiale. Cela n'a jamais empêché non plus les Français de vivre correctement, voire même de s'enrichir, de partir en vacances et de devenir propriétaires de leurs logements, bien plus facilement qu'aujourd'hui!

Trêve de nostalgie. Avec l'Euro, les «élites» françaises ont eu, enfin, ce dont elles rêvaient depuis si longtemps: enfin une vraie monnaie forte, une monnaie qui donne l'air sérieux! Un véritable clone du Deutsche Mark tant révéré, tant jalousé. Alors, peu importe que cette monnaie, qui leur permet de jouer enfin les gros bras lors des forums économiques internationaux, loin d'être un stéroïde anabolisant pour notre économie et pour nos concitoyens, soit au contraire un véritable boulet qui plombe la France d'aujourd'hui.

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En cela, ils rejoignent, dans leurs errements, le gouvernement britannique qui, durant la grande dépression des années 30, se réjouissait de la solidité de la Livre Sterling, indexée sur l'or, pendant que des millions de chômeurs étaient dans les rues… Aujourd'hui, nous avons une monnaie forte, des taux d'intérêts à zéro ou presque, mais nous avons les gilets jaunes, et des millions de logements en dehors de Paris qui ne trouvent plus preneur, reflets d'une France rurale qui se paupérise chaque jour un peu plus!

Mais une fois de plus, les élites françaises vivent dans le fantasme et l'idéologie, pour le plus grand mal de leurs concitoyens.

Car, après 60 ans de prétendue «construction» européenne, qui ressemble de plus au plus au mythe biblique de la tour de Babel, une évidence devrait pourtant s'imposer: La France n'est pas l'Allemagne, ne ressemble pas à l'Allemagne, et ne lui ressemblera jamais. Et ce, en dépit des efforts frénétiques des européistes. Il suffit de se rendre dans ce pays pour s'en convaincre.

Ce qui n'empêche d'ailleurs pas d'avoir les meilleures relations du monde avec les Allemands: c'est même nécessaire. Mais comme il a été dit, c'est la raison, pas la passion, ni surtout la parenté, comme c'est la cas pour notre autre voisin, l'Italie.

Car, dans le même temps, ces mêmes élites ont toujours traité avec un certain mépris et une condescendance plus ou moins affichée l'Italie, pourtant notre «sœur latine». Alors, que ne nous en déplaise, nous sommes bien plus proches de l'Italie que de l'Allemagne. Tendance à son comble avec M. Macron, jamais en retard d'une remarque judicieuse (!) et qui a cru bon de qualifier de «Lèpre» l'équipe actuellement au pouvoir élue démocratiquement par le peuple italien. Les ministres italiens, à la langue bien pendue lui ont par la suite bien rendu. Mais il n'empêche, comme disent les enfants, c'est bien lui qui a commencé!

Un traitement bien ingrat, en vérité, que tout cela. Car, si il existe sur Terre une nation qui a beaucoup donné à la France, c'est bien l'Italie.

En tant qu'héritière la plus directe de l'empire romain, ses ancêtres nous a donné rien de moins que notre modèle de civilisation. Certaines de nos institutions, notre droit, notre langue, notre alphabet, et même certaines de nos routes actuelles, sont directement descendants de Rome.

Mais aussi, l'église catholique romaine, qui demeure le culte religieux majoritaire dans notre pays.

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Plus près de nous, l'Italie a donné à la France également, tant de ses fils. Moi-même, je suis d'origine italienne, comme des millions de nos concitoyens, qui se sentent par ailleurs profondément Français, et fiers de l'être, même s'ils n'oublient pas leurs racines. L'Italie nous a donné Léonard de Vinci et Mazarin, mais aussi Lazare Ponticelli. Car le dernier des combattants français survivant de la Première Guerre mondiale était d'origine italienne: j'y vois bien plus qu'un symbole…

Par rapport à l'Italie, l'apport civilisationnel de l'Allemagne à la France est bien mince. Ce qui somme toute est tout à fait normal. Ne voyez pas ici une appréciation anti-allemande, ou un jugement péjoratif: c'est la simple constatation objective d'un fait avéré. Ce pays est et demeure radicalement différent du nôtre, par son histoire, son peuple, sa langue, sa culture. En tant que peuples, les Français et les Allemands ne partagent à peu près aucune référence culturelle commune.

Cela remonte là aussi, essentiellement, à l'époque romaine. Contrairement à la Gaule, province majeure de l'empire romain durant près de cinq siècles, l'Allemagne ne fût que très peu de temps romanisée, et seulement sur une toute petite partie de son actuel territoire. Si les gouvernants s'inspiraient davantage des vérités historiques, ils verraient que l'empire romain a créé des frontières culturelles et de civilisation qui perdurent toujours aujourd'hui, et qu'ils feraient pourtant bien de reconnaître, pour s'éviter de nouvelles déconvenues.

Les dichotomies Latin/ Germanique, Orient/Occident, notamment, datent de cette époque. La frontière entre l'empire romain d'occident et l'empire d'orient passait par l'actuelle Serbie: elle marque aujourd'hui la frontière entre Catholiques et Orthodoxes, entre alphabet latin et alphabet cyrillique, quelque 1700 ans plus tard! Elle montre surtout une réalité qui déplaît aux européistes: l'Europe, en réalité, n'a jamais existé en tant qu'entité. Ni sur un plan culturel, ni sur un plan géopolitique. Nous Français, sommes beaucoup plus proches par notre culture d'un Argentin, que d'un Allemand ou d'un Estonien. C'est ainsi. Or, une politique étrangère, et une politique tout court, doit toujours être fondée sur des réalités, pas sur des illusions.

Pour toutes ces raisons, l'Italie mériterait beaucoup mieux que les derniers propos du Président de la République française au micro de la chaîne publique italienne RAI Uno, qui croyant rattraper les diverses bourdes faites avec notre voisine, a déclaré notamment, je cite:

«Moi, j'ai la conscience du tragique […] Nous avons besoin d'une vraie pensée philosophique complexe et de ré-inspirer nos peuples». 

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On risque de se perdre longtemps en conjectures sur la signification exacte de cette phrase… à supposer qu'il y en ait une, d'ailleurs. Qu'entend-il donc par «pensée philosophique complexe»? Y en aurait-il donc une simple? À quel «tragique» fait-il donc allusion? Encore un dévoiement dans l'interprétation des drames de l'histoire de la première moitié du XXème siècle, sans doute, dont le contexte n'a plus rien à voir avec celui d'aujourd'hui!

La relation entre nos deux nations latines, M. Macron, n'a rien de complexe. Elle est une évidence, une chose naturelle, fondée sur deux millénaires d'histoire. Il suffit pour cela de s'intéresser à la réalité des choses, de vouloir comprendre le peuple italien, comme le peuple français, ses aspirations, ses angoisses, ses valeurs.

La seule manière de «ré-inspirer» le peuple italien, et le peuple français, c'est de comprendre les vrais problèmes, et de les résoudre!

Cela ne s'apprend pas dans les salons dorés de la République, ni dans la résidence des ambassadeurs du Palais Farnese à Rome, mais sur le terrain, en rencontrant le peuple. Et pour finir, cesser de considérer l'Italie comme un partenaire de seconde zone, qu'on n'invite pas dans les "sommets" importants, mais reconnaître qu'elle a avec la France une proximité irremplaçable. Nous en sommes malheureusement très loin.

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