De la Catalogne au Kosovo: l’Union Européenne face à son histoire

© AP Photo / Emilio MorenattiPartidario de la independencia de Cataluña
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L’Union Européenne n’avait vraiment pas besoin de cette nouvelle crise en son sein. Elle qui était jadis pensée comme une utopie au sens premier du terme, c’est à dire comme la fin de tout processus historique, un aboutissement politique définitif et idéal.

L'Union Européenne apparaît désormais comme secouée par des processus historiques contre lesquels elle ne peut rien, et qui amènent son affaiblissement progressif. Toutes ces contradictions internes, toutes ces forces centrifuges entraîneront sa disparition à terme.

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Dans la crise catalane, le gouvernement espagnol se retrouve, bien sûr, en première ligne. Force est de constater que sur une affaire similaire, la question écossaise, les anglais ont été bien plus rusés…

Mais, sur cette affaire catalane, L'Union européenne, une fois de plus, montre qu'elle ne sert à rien. Elle n'a rien vu venir, n'a rien anticipé, alors que le processus était à l'oeuvre de manière parfaitement visible et depuis de nombreuses années. Tous ceux qui connaissent bien la Catalogne, dont moi même, le savent fort bien. Or, comme dit le dicton, gouverner, c'est prévoir. A aucun moment, elle n'apparaît dans cette crise comme un élément moteur, de nature à rétablir la stabilité.

Si, voici quelque années, les responsables de l'Union Européenne avaient adressé une mise en garde claire aux séparatistes, expliquant qu'une Catalogne indépendante n'y serait pas admise, ne serait-ce qu'à cause de la règle de l'unanimité pour l'admission d'un nouveau membre, cela les aurait amené à y réfléchir à deux fois. Bien au contraire, l'UE est en partie à l'origine de ces événements. En particulier à cause d'une politique irréfléchie favorable au concept d'"Euro-régions" et des langues dites régionales, qui a donné des ailes aux séparatistes de tous bords, notamment catalans, comme l'explique fort bien François Asselineau, président de l'Union Populaire Républicaine, sur le site de l'UPR1.

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L'UE est également en partie responsable à cause du quiproquo qui a été entretenu sur le sujet. Les indépendantistes catalans étaient persuadés que le jour ou ils déclareraient leur indépendance, Elle les accueillerait à bras ouverts. C'était faire preuve d'une incroyable naïveté, mais c'est ainsi. Il y a fort à parier, maintenant que les indépendantistes ont compris que l'Union Européenne, non seulement ne les aidera pas, mais qu'elle ne les reconnaîtra pas, que leur ferveur européiste va fortement se rafraîchir… C'est bien là une des contradictions fondamentales de l'Union Européenne: les naïfs pensent que les nations adhèrent à l'Union par un idéal de fraternité avec les autres peuples, alors qu'ils ne songent qu'à leur propre intérêt. Et pour beaucoup d'européens, l'Europe est avant tout un moyen de modifier les rapports de force en sa faveur afin de régler de vieux comptes avec ses voisins.

Le séparatisme Catalan, ou l'histoire manipulée.

Comme de coutume, dans ce genre de situation, l'histoire est réécrite dans le "bon" sens par les tenants de la "bonne" cause.

Ainsi les indépendantistes catalans vous expliquent que sous Franco ils étaient opprimés (en fait pas vraiment plus qu'ailleurs en Espagne), alors qu'au "bon temps" de la république espagnole, la Catalogne marchait vers l'indépendance avec la bénédiction du gouvernement de Madrid. Qu'en fait donc, on ne faisait que reprendre un processus brutalement interrompu par la dictature franquiste.

C'est totalement faux.

La république espagnole (1931-1939) n'aurait jamais accepté l'indépendance de la Catalogne:

Extrait d'une déclaration prononcée en Juillet 1938, en pleine guerre civile espagnole, par Juan Negrin Lopez2 (1892 — 1956), chef du gouvernement de la république espagnole de 1937 à 1939, (c'est à dire jusqu'à la chute du régime) à propos du séparatisme catalan:

"Je ne combats pas Franco pour qu'un séparatisme stupide et puéril réapparaisse. Je fais la guerre pour L'Espagne et au nom de l'Espagne. (…) Il n'y a qu'une nation: L'Espagne!"3

Sans commentaire!

Le gouvernement républicain s'est toujours méfié, en réalité, des indépendantistes catalans. En 1938 justement, la république met fin à l'autonomie de la "Generalitat de Catalunya". Ceci à la suite, notamment, des événements de Mai 1937, qui avaient vu communistes pro-staliniens d'une part, et communistes anti-staliniens et anarchistes d'autre part, s'affronter dans les rues de Barcelone au fusil et à la mitrailleuse. Ces affrontements urbains avaient causé plus de 200 morts et plongé la ville dans le chaos pendant plusieurs jours. Des affrontements suicidaires entre partisans du même camp, pendant que la république affrontait les troupes franquistes ailleurs en Espagne au cours de sanglants combats… On se méfiait naturellement aussi de Luis Companys, Président de la région Catalogne4  de l'époque.

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Rappelons que la Catalogne a été rattachée à la couronne d'Aragon dès le moyen âge, vers l'an 1137, par mariage princier. Si indépendance il y eut jamais, c'était il y a vraiment très, très longtemps, dans un contexte historique ou les états modernes n'existaient pas, et qui n'a absolument rien à voir avec la réalité politique d'aujourd'hui…

Quant à l'Union Européenne, il faudra bien qu'un jour elle explique, devant le tribunal de l'histoire, pourquoi ce qui n'est pas bon pour L'Espagne et la Catalogne, a été jugé merveilleux et "historique" pour le Kosovo, le Monténégro et la Serbie, et auparavant pour la mise en pièce de la Yougoslavie, état reconnu par les Nations Unies et toutes les nations du monde. Pour le Kosovo, on ne s'est même pas embarrassé d'un référendum: le parlement Kosovar, formé dans des conditions discutables (c'est une litote!), a tout simplement proclamé son indépendance au terme d'une simple délibération… Malgré la pression américaine, même en Europe (et mis à part bien sûr la Serbie, la Russie, L'Inde, la Chine, et quelques dizaines d'autres…) des membres de l'Union ont refusé de reconnaître cette mascarade: citons notamment la Grèce, Chypre, la Roumanie, la Slovaquie, mais aussi… l'Espagne. Des nations aux prises avec diverses revendications séparatistes et autres problèmes de "minorités", voire coupées en deux (Chypre), situations qui empoisonnent leur vie politique intérieure depuis des décennies. Prémonition? ou plutôt connaissance de l'histoire?

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Enfin, ne faisons pas de parallèle entre le séparatisme catalan et ce qui s'est passé pour la Crimée et le Donbass. Non seulement ça n'est pas la même chose, mais c'est même exactement l'inverse. D'abord parce que les populations concernées ont d'abord réagi au renversement d'un gouvernement légitimement élu par ce qui apparaît aujourd'hui comme un putsch, alors que le gouvernement espagnol lui est légitime. Mais là n'est pas l'essentiel. Le Donbass et la Crimée ne sont pas des séparatistes, mais au fond des unionistes. Car en réalité, ils n'aspirent qu'à retrouver le grand ensemble dont ils ont été séparés, et dont ils faisaient partie depuis des siècles : l’ensemble de la civilisation et de la culture russe. En ce sens, les séparatistes, ce serait plutôt l’Ukraine, après la proclamation de l’indépendance en 1991…  


1https://www.upr.fr/entretiens-actualite-upr entretien d'actualité N°50, la crise catalane.
2Exilé lors de la chute de la république espagnole, il mourra à Paris.
3Antony Beevor, La Guerre d'Espagne, page 496. Editions Calmann Levy, 2006.
4Exilé en France comme Negrin, il sera arrêté par la GESTAPO en 1940 sous le régime de Vichy. Ramené en Espagne à la demande de Franco, il sera fusillé le 15 octobre 1940 à Montjuich. Il est depuis lors célébré comme martyr de la cause indépendantiste catalane.
5Le Royaume d'Espagne, Tome 1, Jean-Fred Tourtchine, Editions du CEDRE, 1995.

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