Le fusil d'assaut plaqué or offert en février par les sénateurs pakistanais au prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane fut probablement l'un des épisodes les plus mémorables de la tournée de ce dernier en Asie, écrit le site d'information Vestifinance. Le Pakistan, première escale sur le trajet du prince — avant l'Inde et la Chine — a instauré une fête nationale en l'honneur de Mohammed et a considéré l'Arabie saoudite comme son «meilleur ami».
Beaucoup de ces projets d'investissement ciblent l'infrastructure pétrolière de la région du Baloutchistan, qui partage une frontière avec l'Iran, principal rival de l'Arabie saoudite, sur 900 kilomètres.
«Mohammed ben Salmane suit une vision stratégique soulignant la nécessité de faire pression sur l'Iran. Le Pakistan pourrait lui permettre d'exercer cette pression des deux côtés», estime Gregory Gause, professeur de relations internationales à l'Université A&M (Texas).
Il s'agit d'un choix difficile pour les Pakistanais, qui ne considèrent pas l'Iran comme leur allié principal ni comme une menace sérieuse, bien qu'ils redoutent l'élargissement de sa coopération avec l'Inde, leur rival numéro un.
«Je doute que les Pakistanais veuillent proclamer l'Iran comme leur ennemi et le combattre, mais il leur faut bien trouver comment utiliser les fonds de l'Arabie saoudite», fait remarquer Gregory Gause.
Ainsi, les combattants sunnites de l'organisation terroriste «Armée de la justice» ont tué en février 27 pasdarans iraniens à la frontière. Téhéran a alors accusé les Pakistanais d'accueillir et d'héberger les combattants, et de leur permettre d'attaquer l'Iran.
Pourquoi les Saoudiens aident-ils le Pakistan?
Selon Gregory Gause, les contrats pakistanais représentent pour Riyad des intérêts plus stratégiques qu'économiques.
«L'Arabie saoudite n'escompte tout simplement aucun bénéfice économique au Pakistan. Appelons les choses par leur nom: le Pakistan est sans espoir et pauvre. Cependant, il constitue tout d'abord pour les Saoudiens un partenaire en matière de sécurité et un allié musulman fiable dans les litiges inter-islamiques».
Ces deux pays ont une longue histoire d'aide mutuelle. L'Arabie saoudite a notamment aidé le Pakistan avec son pétrole dans les années 1990, quand Islamabad faisait face aux sanctions internationales à cause de ses essais nucléaires. Selon les experts, plus de 70 000 ressortissants pakistanais servent actuellement dans l'armée saoudienne, tandis que des instructeurs pakistanais assurent depuis quelques années la formation des militaires saoudiens.
D'après des rumeurs, le Pakistan, puissance nucléaire, pourrait partager ses technologies militaires avec les Saoudiens qui veulent mettre en œuvre un programme nucléaire sans aucune limitation en matière d'enrichissement d'uranium — ce qui est nécessaire pour créer une bombe. Les experts estiment pourtant qu'une aide pakistanaise dans ce domaine est improbable.
«A mon avis, les Saoudiens espèrent que les Pakistanais les aideront en cas de nécessité», fait remarquer Gregory Gause.
Tout cela pourrait se solder par des répercussions désagréables pour les Pakistanais. Tout d'abord, l'Iran chiite pourrait provoquer des troubles interreligieux car les chiites constituent 20% de la population du Pakistan. Des milliers de Pakistanais ont perdu la vie depuis dix ans à cause des violences religieuses.
L'Iran pourrait également ouvrir un passage aux espions indiens qui veulent s'introduire sur le territoire pakistanais, ce qui a déjà été évoqué par certains responsables d'Islamabad.
«Le Pakistan pense probablement à l'Iran, car ce dernier renforce sa coopération avec l'Inde. Comme cette tendance a déçu les autorités pakistanaises, leurs relations avec l'Arabie saoudite visent certainement à faire contrepoids», estime Kamal Madishetty, expert d'Economist Unit, qui évoque le projet indien de plusieurs milliards de dollars dans le port de Chabahar.
Le nouveau théâtre d'une guerre par procuration?
Certains éléments indiquent pourtant que le Pakistan pourrait accorder indirectement un soutien considérable à la campagne saoudienne au Yémen, bien que cette guerre reste très impopulaire aux yeux de l'opinion publique du pays.
L'année dernière, quand le Pakistan a envoyé 1 000 militaires supplémentaires en Arabie saoudite, le ministre de la Défense a spécialement souligné que ces troupes ne participeraient pas à la guerre au Yémen.
«L'armée pakistanaise a cependant accumulé une expérience considérable en matière de lutte antiguérilla et partagera certainement son savoir-faire avec les Saoudiens», estime Kamal Madishetty.
La frontière yéménite est actuellement la seule région saoudienne à être le théâtre d'un conflit.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.