Depuis deux semaines, les yeux des Tunisiens sont braqués sur les développements insoupçonnés de la situation en Algérie. Les manifestations quotidiennes hostiles au cinquième mandat du Président Abdelaziz Bouteflika impressionnent tant par leur ampleur que par leur fulgurance.
Les moins jeunes ne gardent pas de souvenir d'un soulèvement aussi spectaculaire chez «la grande sœur».
Mais «le pouvoir algérien qui a refusé le Printemps arabe n'a pas proposé d'alternative crédible et durable pour autant. Ce qui fait que le boomerang lui est revenu à la figure», regrette Abdeljalil Bouguerra, historien tunisien, dans un entretien avec Sputnik.
Les Tunisiens semblent divisés sur l'attitude à observer quant à ce qui se passe en Algérie. La discordance chronologique avec la vague des «Printemps arabes», désormais passés de mode, la complexité du pouvoir algérien, mais aussi une présumée immunité algérienne contre les soulèvements en queue de poisson empêche de franchement rattacher ce mouvement à la vague des bouleversements sociopolitiques des années 2011. Certains se lancent tout au plus dans quelques analogies, à la pertinence approximative, quand elles ne sont pas sciemment dérisoires. Le fantasque Rachid Nekkaz rappelle ainsi aux Tunisiens son «homologue» populiste Hechmi Hamdi, ou encore l'opposant Mohamed Larbi Zitout, exilé à Londres, qui évoque par sa véhémence et son positionnement idéologique, le droit-de-l'hommiste tunisien Moncef Marzouki, élu Président de la République par l'Assemblée constituante en décembre 2011.
La projection acquiert une tonalité plus grave quand il s'agit d'aborder de présumés «agendas dictés de l'extérieur», ou «une main étrangère» s'activant en secret pour porter atteinte à l'intégrité de l'Algérie. En Tunisie, une grande partie de la population estime que des puissances étrangères ont joué un rôle déterminant dans le bouleversement qu'a connu le pays en 2011. D'abord marginale, l'idée a fait son chemin depuis, à la faveur de développements régionaux et internationaux. Désormais banalisée, elle est défendue publiquement dans les tribunes médiatiques ou scientifiques. Le fait que ces derniers temps, elle soit particulièrement mise en avant par le pouvoir algérien pour discréditer ses opposants n'enlève rien à sa pertinence pour beaucoup de Tunisiens.
Pragmatique, l'écrivain tunisien Ahmed Nadhif, spécialiste des mouvements islamistes, estime toutefois que
«Les complots ont toujours existé, dès lors, le tout est de ne pas favoriser les conditions propices à leur développement. C'est en cela qu'a résidé la faute de l'actuel pouvoir algérien, ou tunisien d'avant 2011. Je crains, pour ma part, que ces manifestations qui ont commencé, comme on a vu, avec la militante Djamila Bouhired, une figure nationale respectée, ne finissent avec l'islamiste Ali Belhaj», a-t-il déclaré à Sputnik.