L'organisation caritative Nochlezhka, qui travaille à Saint-Pétersbourg depuis 1990, vient d'organiser à Moscou une conférence consacrée à l'aide aux sans-abri. Sputnik a saisi cette occasion pour prier Eva Bertrand, directrice du Samu social Moscou, de comparer les systèmes d'aide aux sans-abri à Paris et à Moscou, et de parler de la coopération entre la France et la Russie en la matière.
L'expérience française dans ce domaine n'est donc pas beaucoup plus longue qu'en Russie. Cependant, il existe des différences notables sur certains aspects.
«Les situations des sans-abris en Russie et en France sont différentes en termes de profils de personnes que l'on voit dans la rue, de raisons pour lesquelles elles y sont arrivées. L'histoire de ces personnes est différente, les origines de ces gens sont différentes».
«Aujourd'hui à Paris, le profil type de la personne sans-abri change. Une très grande partie de la population prise en charge, ce sont des familles, des personnes avec enfants et on est donc de plus en plus sur les profils de famille et aussi sur des femmes». Qui plus est, il s'agit souvent de familles de migrants, ajoute Mme Bertrand.
Or, il se trouve qu'actuellement à Paris, les structures adoptées pour l'accueil de familles sont complètement dépassées, on n'y a plus de place. Et c'est un hébergement en hôtel qui se développe au niveau du Samu social de Paris, poursuit la militante. Des hôtels partenaires accueillent ces familles à la rue. C'est quelque chose qu'on ne voit pas du tout à Moscou.
30% des personnes qu'accompagne le Samu social sont aussi en conflit familial (divorce, dispute avec les parents). Et ce sont souvent des personnes qui ont perdu leur logement en raison d'une vente frauduleuse, une chose qu'on trouve très rarement en France, selon la militante.
Quant à la dernière catégorie de personnes qui se retrouvent dans la rue, elle représente environ le même pourcentage en France et en Russie. Il s'agit des personnes qui sortent de prison ou d'un établissement psychiatrique, soit environ 10% du total dans les deux pays.
Le Samu Social n'est pas la seule ONG qui travaille en Russie, note Mme Bertrand. Caritas, par exemple, est une organisation caritative catholique qui travaille à Moscou et à Samara. Il s'agit plutôt d'accompagnement psychologique, d'art-thérapie. Alors que les équipes de Samu social sont pluridisciplinaires: on y trouve un médecin, un psychologue et un travailleur social.
Le secteur d'aide aux sans-abri se développe en Russie également, ajoute l'experte. Outre Nochlezhka, on compte, entre autres, une organisation qui s'appelle Dom Drouzei (la Maison d'amis). C'est une équipe de médecins et d'infirmières qui font du travail de rue, des pansements, des soins dans la rue auprès des SDF. Il existe également un réseau de maisons, Noï (Noé), où les personnes hébergées doivent travailler en échange de la possibilité d'être logés et nourris. Il y a aussi Milosserdie (Miséricorde), qui offre des repas, des boissons chaudes, distribue des vêtements et propose même les services d'un coiffeur.
«Depuis le début des années 2010, il y a une vraie prise de conscience au niveau des personnes sans-abri, un vrai développement des structures, de centres mais aussi de brigades mobiles, principalement de travailleurs sociaux qui sont à Moscou et vont à la rencontre des personnes qui sont à la rue, et des brigades mobiles ont vu le jour en 2011», se réjouit Eva Bertrand.
«Je pense qu'il y a une vraie prise en compte qui n'est pas seulement le fait des ONG, qui est également le fait de la municipalité», a-t-elle encore fait remarquer. Au niveau de la municipalité, il existe à Moscou un réseau de centres d'accueil d'urgence et d'accueil sur le long terme pour les personnes qui n'ont plus nulle part où aller.
Pour ce qui est de l'influence de la situation politique souvent tendue au niveau international, elle n'empêche pas la coopération avec la mairie de Moscou, avec laquelle le Samu social Moscou a un partenariat. «Le dialogue se poursuit».
«Je pense que les principales lignes d'action des ONG, qu'elles soient à Paris ou à Moscou, c'est un devoir d'humanisme auprès des populations qui sont les plus vulnérables. C'est la motivation qu'on retrouve dans les deux pays», conclut Mme Bertrand.