«Leto»: liberté, égalité, fraternité du rock russe

La 16e semaine du cinéma russe à Paris, «Regard de Russie», a débuté avec la projection du film «Leto», de Kirill Serebrennikov. La salle de cinéma «L'Arlequin» a refusé du monde pour ce film qui plonge le spectateur dans un océan de musique. Sputnik y est allé pour vous.
Sputnik

Il fait l'ouverture de la 16ème semaine du cinéma russe, mais il a déjà été primé à Cannes pour la meilleure bande originale: «Leto» a attiré les foules.
Les cinéphiles se pressaient au premier jour du festival «Regard de Russie», s'inscrivant même sur liste d'attente pour avoir une chance d'assister à la projection du film de Kirill Serebrennikov.

Bien connu des cinéphiles «russian friendly» depuis des décennies, le cinéma «Arlequin» à Paris accueille donc le festival, à l'affiche très riche cette année avec des nouveautés et des classiques: «Dovlatov» d'Alexei Guerman Jr., «Le Brouillon» de Sergey Mokritsky, «L'Ange a une angine» d'Oxana Karas, «Spitak» de Alexandre Kott, «Histoire d'une nomination» d'Avdotia Smirnova.
Mais peu d'œuvres ont suscité une telle attente que «Leto». À raison, puisque le film plonge le spectateur dans un océan de musique!

«La musique rock est une entrée plus universelle que les autres formes de création en général, affirme Charles-Evrard Tchekhoff, le producteur du film. Et, plus que les autres arts, elle vous emporte tout de suite.»

On voit Leningrad du début des années 1980, avant la Perestroïka. Et les héros du film, Mike et sa femme Natacha, rencontrent le jeune Viktor Tsoï. On suit la bande de copains, une fratrie musicale qui devient une nouvelle génération de musiciens qui changeront le cours du rock'n'roll en Union soviétique.

«Le spectateur européen, non-russe, a peut-être entendu parler de cet univers, mais ne le connaît pas comme un Russe qui l'a vécu, explique le producteur. Mais la force du film est qu'il nous y fait entrer par une porte d'entrée universelle, la musique, et son procédé de création.»

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Il est facile pour le spectateur de se projeter dans ces personnages débordant de vie: on peut rêver d'être avec ses copains, de faire sa musique, son art. De plus, durant cette période soviétique de minimalisme forcé, on se débrouille avec peu de moyens… rien de superflu ne vient dissuader les musiciens.

«La façon dont le réalisateur aborde ces thèmes est très communicative, confirme Charles-Evrard Tchekhoff. On se laisse emporter et on veut être parmi cette bande d'amis, on s'imagine avec eux sur la plage, à boire un verre, à jouer de la guitare, à chanter et à flirter.»

Mais effectivement, une fois que l'on a franchi cette porte, «il y a plusieurs étages et plusieurs niveaux de lecture.»

«de prime abord, on peut y voir le récit d'une époque révolue, explique le producteur, mais on peut aussi y lire un traité sur la création: qu'est-ce que cela veut dire d'«être un créateur», d'être libre? Cette question résonne toujours autant aujourd'hui.»

Et le film montre que dans tous les contextes, à toutes les époques, dans tous les endroits du monde, on peut être créateur, «si on l'a au fond du soi, si on a cette jeunesse». C'est aussi un film sur la jeunesse. Sur son esprit, son souffle, son égalité dans l'insouciance et l'obstination.
Même si on ne connaît pas beaucoup ces groupes en dehors de Russie, ni «Kino» de Viktor Tsoï, ni «Aquarium» de Boris Grebenchtchikov, on plonge dans les sonorités universelles de du rock russe.

«L'une des forces principales de ce film, c'est de créer cette invitation à travers la musique, affirme Charles-Evrard Tchekhoff. Tous les gens qui la découvrent se laissent emporter et en redemandent.»

La bande-son paraîtra en même temps que le film, qui doit sortir en France le 5 décembre, distribuée par Warner Bros. et par Universal. Elle va comprendre les musiques qui ont inspiré la génération des jeunes Soviétiques des années 1980, de David Bowie, Lou Ride, T-Rex, avec les reprises que l'on voit dans le film. Vous écouterez aussi les reprises de «Kino» et des morceaux de rock russe qui ont été réenregistrés pour le film par une équipe dirigée par le musicien Romain Zver, qui interprète Mike, l'un des principaux protagonistes du film.

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Avant la projection, une voix en russe a retenti dans la salle: «Dites, où est le réalisateur?… On sait qu'aujourd'hui, il se présente au tribunal. Toutes nos pensées vont au réalisateur», suivis par les applaudissements de la salle.

«On ne peut pas remplacer le discours du réalisateur, c'est un film d'auteur et je ne le ferai jamais en son nom, affirme à Sputnik le producteur. Avec «Leto», le talent de Kirill Serebrennikov a été de savoir s'adresser public très large, tout en faisant quelque chose de très personnel, qui lui ressemble. Et ce film est fort et universel, il existe par lui-même maintenant, et parle pour son réalisateur.»

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Le programme du festival comprend également un film de Renat Davletyarov, «Donbass. Les confins», «Casse-cou », d'Ivan I. Tverdovsky et d'autres encore. La Semaine du film russe à Paris est organisée par «Interfest», «Propeller Production», avec le concours du ministère de la Culture de Russie et la participation «Écrans de Paris», en collaboration avec l'Association du dialogue franco-russe.

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