«Mon cher Manu,
Mon Roy,
Mais aussi:
Mon Chéri,
Je me permets en effet cette familiarité, mon cher Manu, car des photos t'ont récemment montré partout sur la toile aux Antilles enlaçant un beau black, bodybuildé en prison, luisant de sueur tropicale, ce qui semblait te ravir jusqu'au plus profond —si tu me permets l'expression…»
«Quoi qu'il en soit de ce fondement et de son propriétaire, c'est proprement manquer de doigté envers la République que de se laisser mettre de la sorte en arborant ce sourire radieux qui témoigne de ton contentement. Pareil goût relève de ta vie privée qui est celle du second corps du roi, elle ne devrait pas affecter ton premier corps qui est politique et républicain. Ce sourire, c'est le même que tu arborais sur les marches de l'Élysée le jour de la fête de la musique en compagnie d'une brochette d'individus, eux-aussi férus de ce très subtil langage des signes. On ne dira pas que tu caches ton jeu. Il n'y a que les crétins pour feindre que tu dissimules. Tu es du genre à nous le mettre bien profond, pour dire clairement ce qui ne devrait pas te choquer sous forme de mots, puisque la chose te ravit quand elle se trouve exprimée sous forme de geste.»
Ces envolées au vitriol ont choqué. Certains observateurs, qu'ils soient journalistes, éditorialistes ou simples quidams y ont vu une attaque homophobe. «Michel Onfray: sa lettre ouverte homophobe adressée à Emmanuel Macron» titrait le site Non Stop People. Quant à Maurice Szafran, ancien patron de Marianne, il a accusé le philosophe «d'homophobie latente» sur le plateau de «L'Heure des Pros», animé par Pascal Praud sur Cnews.
«Mais je rêve ou quoi? Est-ce que depuis tant de temps, j'ai écrit tellement de choses depuis 1989, est-ce qu'il y a un livre, une phrase qui permette de dire que je suis homophobe? (…) Pourquoi les philosophes n'ont-ils pas le droit à la satire?», a répondu le principal intéressé sur le plateau de BFMTV le 7 octobre.
Au Point, le philosophe caennais s'expliquait plus en détail: «Le problème n'est pas l'étreinte, mais le doigt d'honneur. Si le Président avait enlacé une femme, j'aurais dit exactement la même chose. Mais il se trouve qu'il a enlacé un garçon. Ce n'est pas de ma faute tout de même.»
Trop tard.
Accusation de censure
Sans surprise, Michel Onfray ne l'a pas entendu de cette oreille. Et des soutiens sont sortis du bois. Comme le rapporte Télé-Loisirs, l'ancien producteur historique de l'émission Christian Gerin a appelé la présentatrice du programme Marina Carrère d'Encausse pour lui signifier sa désapprobation:
«J'ai appelé Marina Carrère d'Encausse pour lui dire: "Tu déconnes à plein tube". Je trouve le texte de Michel Onfray graveleux et de mauvais goût, mais c'est au tribunal de juger s'il est homophobe. C'est lamentable de le décommander pour ces raisons. De quel droit on censure un philosophe?»
Le philosophe assure avoir été également évincé d'un programme de la chaîne cryptée: «Canal+ a été plus malin en m'expliquant qu'ils avaient changé de thème et donc d'invité…». Au-delà des pontes du paysage audiovisuel français, Michel Onfray pense que l'Élysée pourrait lui en vouloir personnellement.
«Je dis rien. Je dis juste qu'on ne me donne pas d'explication. Et que précédemment, dans le Journal du Dimanche ou dans Le Parisien, Sylvain Fort —qui est la plume du Président- avait fait savoir qu'un certain Éric Zemmour, qu'un certain Alain Finkielkraut et qu'un certain Michel Onfray défendaient des idées nauséabondes et que ça déplaisait en haut lieu à l'Élysée.»
Du côté de France Culture, on se défend de toute obéissance au pouvoir, comme l'a souligné Sandrine Treiner, directrice de la radio: «Il n'y a aucune pression politique, c'est ridicule. Nous l'avons énormément soutenu, mais il n'y a pas de passe-droit à France Culture et, en termes de pluralisme, la question se posait de diffuser chaque été un seul et même essayiste. Notre antenne est libre de tout pouvoir, du pouvoir politique, mais aussi du pouvoir de Michel Onfray.» Des explications qui n'ont pas convaincu le philosophe. Il écrivait récemment sur son site:
«Après France Culture, c'est donc France 5 qui me prive de micro. Cela confirme la censure dont je fais l'objet de la part du service public audiovisuel et dont je parlais dans ma satire.»
La censure, encore ce mot. Il est revenu le 8 octobre lors de son passage dans l'émission animée par le journaliste André Bercoff sur les ondes de Sud Radio: «On a une incapacité aujourd'hui à penser librement. Parce que si vous pensez librement, vous aurez droit à ça: homophobe, raciste, antisémite, compagnon de route de Marine Le Pen, etc. On ne peut plus débattre, on ne peut plus dialoguer», s'est désolé Michel Onfray. Avant de se livrer à une comparaison avec la dystopie de George Orwell:
«Il y a une criminalisation de la pensée d'opposition, qu'elle soit de droite ou de gauche. On n'a pas le droit d'être nationaliste si on aime la France, si on aime le drapeau bleu-blanc-rouge, si on aime la liberté, l'égalité et la fraternité, et j'ajoute la laïcité et le féminisme. C'est totalement orwellien. On est en plein dedans, cette façon d'écrire l'histoire, d'interdire la pensée libre.»
«Je t'annonce une bonne nouvelle: comme je dispose de plus de temps pour moi depuis que mes cours à l'Université populaire sont passés dans la moulinette de ton rectum citoyen, je me réjouis de pouvoir t'annoncer que je t'écrirai plus souvent que je ne l'avais prévu lors de ma première lettre. Cette perspective nouvelle me donne le même sourire que toi, mais pour d'autres raisons: je suis ravi!»
Car pour Michel Onfray «mettre ou ne pas mettre, là est la question…»/Il entend donner la réponse.