Les tensions entre les États-Unis et la Chine ne semblent pas s'apaiser. Au contraire, depuis les deux dernières semaines, le conflit présenté comme «commercial» s'est doublé de crispations dans les domaines militaire et politique: un grave incident en mer de Chine méridionale ainsi que des accusations d'ingérence du géant asiatique dans les élections américaines n'ont fait qu'exacerber cette confrontation.
Erreur de calcul
«La guerre commerciale n'a pas donné le résultat escompté par les États-Unis», estime Sergueï Sanakoev, directeur du centre analytique russo-chinois, dans une interview à Sputnik. «Trump pensait que la Chine, comme avant, se mettrait à la table des négociations pour trouver un compromis» poursuit-il, avant d'ajouter: «Je crois que c'est là qu'il s'est trompé dans ses calculs».
«Trump a eu recours à sa pratique privilégiée […], il a laissé entendre qu'indépendamment de l'issue de ces négociations, il envisageait d'augmenter les tarifs douaniers», explique M. Sanakoev.
Selon l'expert, cet échec dans leur tactique a conduit les États-Unis à des démarches chaotiques, mais les a également incité à recourir aux «mesures d'un autre type, celles qui ont fait leur preuves sur la Russie, soit accuser de tous les maux en vue de justifier des actes ultérieurs».
Jusqu'où peut aller l'offensive américaine?
À quoi peut-on s'attendre encore alors que deux puissances mondiales s'embourbent déjà dans une guerre commerciale sans merci, s'imposant de part et d'autres des tarifs douaniers punitifs sur des centaines de milliards de dollars de marchandises?
Pour Sergueï Loukonine, responsable du secteur Économie et politique de la Chine au sein de l'Institut de l'économie mondiale et des relations internationales (IMEMO), le passage de la confrontation sur le terrain politique a été sans surprise. Il prévoit dans ce contexte l'emballement autour des droits de l'homme en Chine, surtout par rapport aux Ouïgours, minorité musulmane de la région du Xinjiang, à l'extrême nord-ouest du pays.
«Les accusations de cybercriminalité ne sont pas non plus à exclure», poursuit-il, ajoutant: «C'est une stratégie générale des États-Unis et il est fort probable que le nombre de ces accusation ira croissant».
«Toute démarche américaine aussi bien que chinoise aura des répercussions mutuelles», estime Sergueï Loukonine. Et de poursuivre: «En agissant contre les sociétés américaines, la Chine expose au choc un secteur de son économie. Des atouts contre Washington, Pékin en dispose, mais leur utilisation peut avoir des conséquences pour la Chine aussi».
Sergueï Sanakoev évoque pour sa part l'éventualité d'un conflit militaire, rappelant les disputes frontalières maritimes en mer de Chine méridionale, notamment avec le Vietnam, mais il rejette tout de suite cette hypothèse. «J'estime que les Américains n'oseront pas», rassure-t-il.
Riposte chinoise
À long terme, Pékin dispose tout de même de quelques atouts dans sa manche, et le plus important d'entre eux concerne le yuan. «Le plus effrayant pour les Américains, mais aussi une démarche que le Chinois ne sont pas en mesure de réaliser en solo […], c'est le passage aux transactions dans les monnaies nationales», affirme M. Sanakoev.
«C'est certainement impossible à réaliser tout de suite, car l'économie chinoise en serait sérieusement affectée, mais ils y procèdent étape par étape, dans les échanges russo-chinois on a commencé à y recourir depuis 2008», ajoute le sinologue.
«Il peut s'avérer que plusieurs pays du monde forment des blocs contre l'actuel modèle de globalisme», admet Sergueï Sanakoev.
Et de conclure: «Il pourrait s'avérer aussi qu'ils s'insurgent contre l'hégémon, qui ne respecte pas les règles qu'il a écrite lui-même».