L'OMC «trahit» l'UE et soutient Moscou

L'Union européenne doit faire bonne figure malgré son mauvais jeu, et se réjouir d'avoir réussi à limiter les dégâts. Le comité d'arbitrage de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) pour les litiges internationaux a prononcé son verdict sur la plainte déposée en 2014 pour discrimination des exportations gazières russes en UE.
Sputnik

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Quand on connaît les tentatives agressives d'isoler Moscou sur le plan diplomatique, ainsi que les guerres de sanctions déclenchées contre la Russie par les USA et l'UE, la plainte déposée par Moscou à l'OMC en lien avec ses litiges gaziers avec l'UE pouvait sembler sans espoir et insensée, mais l'histoire en a décidé autrement.

Les deux adversaires célèbrent la victoire, mais leurs déclarations optimistes ont des explications bien différentes.

Les représentants russes soulignent que la décision du comité d'arbitrage de l'OMC influence positivement les perspectives du gaz russe sur le marché européen, alors que les diplomates européens (tout comme les médias européens) se réjouissent avant tout du fait que les Russes n'aient pas réussi à faire annuler le Troisième paquet énergie de l'UE. Un peu comme un boxeur heureux d'avoir perdu au score et non par KO. Par ailleurs, c'est la deuxième fois que les arbitres de l'OMC se rangent du côté de la Russie. Très récemment, l'Ukraine a également perdu son procès, et la position de la délégation russe avait même été soutenue par des représentants américains — ce qui avait beaucoup surpris tous les observateurs qui s'attendaient à un tout autre scénario.

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De plus, des représentants américains et ukrainiens ont également participé au procès «Russie vs UE» en tant que «tiers intéressés», mais les arbitres ont tout de même reconnu la justesse des arguments russes sur plusieurs éléments clés de la plainte.

Le plus important, d'un point de vue pratique, est la décision de la commission de l'OMC concernant la légitimité des restrictions liées à l'usage du gazoduc OPAL par Gazprom. Ce dossier est une pomme de discorde très ancienne dans les relations russo-européennes, et c'est précisément par le blocage à part entière d'OPAL et la création d'un précédent pour limiter les capacités du gazoduc Nord Stream 2 que des pays comme la Pologne espéraient compliquer au maximum l'activité de Gazprom sur le marché européen en le forçant à utiliser le transit ukrainien ad vitam æternam. OPAL, qui est le prolongement terrestre du gazoduc Nord Stream sur le territoire allemand, avait vu son chargement limité à 50% par les autorités européennes sous prétexte d'une "lutte pour la concurrence, mais en réalité uniquement par désir de saboter les fournitures de gaz russe.

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Cette restriction empêchait d'utiliser le Nord Stream à pleine puissance, et même si, en fin de compte, le tribunal allemand a temporairement autorisé à titre exceptionnel de charger entièrement OPAL, le "schéma" juridique de son fonctionnement à part entière (et le précédent que cela constituait pour le Nord Stream 2) nécessitait un règlement radical de ce problème. D'autant que la Pologne a tenté plusieurs fois de contester l'exploitation à part entière d'OPAL auprès des instances judiciaires européennes. Sur cette question, les arbitres ont soutenu la Russie. Comme l'a noté à juste titre le représentant du géant gazier russe, «Gazprom a toujours prôné la nécessité de tenir compte des intérêts des fournisseurs de gaz dans la mise en œuvre de la politique énergétique européenne, c'est pourquoi il s'attend à ce que l'UE fasse le nécessaire pour pallier aux infractions en mettant sa législation en conformité avec le rapport.»

Le comité d'arbitrage de l'OMC a également reconnu comme non conforme aux règles du commerce international l'exigence de la Troisième directive gazière de l'UE sur le règlement particulier de la certification des compagnies possédant les gazoducs européens liés à la Russie ou à Gazprom. C'est étonnant, mais dans le texte de l'analyse finale de la plainte les arbitres soulignent de manière assez cohérente le caractère inadmissible de toute discrimination des compagnies de l'UE, même s'ils critiquent la partie russe pour n'avoir pas suffisamment argumenté sa position.

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Sur le plan des principes, l'élément le plus désagréable pour l'UE de la décision du comité d'arbitrage de l'OMC sera la reconnaissance de l'illégitimité de ce qu'on appelle la TEN-E regulation — les termes du Règlement de l'UE sur les «réseaux énergétiques transeuropéens». Ce dernier créait des conditions pour discriminer les projets russes tels que Nord Stream 2 et, au contraire, favorisait tous les autres projets n'important pas de gaz russe en UE. Étant donné que la russophobie institutionnelle est depuis longtemps la norme pour la législation tant bien américaine qu'européenne, la décision du comité d'arbitrage de l'OMC soulignant que ces mesures discriminatoires enfreignent l'Accord général sur les tarifs et le commerce de 1994 paraît assez sensationnelle.

A présent, l'UE a trois options. La première: imposer à tous les projets de transport de gaz les mêmes conditions défavorables. La deuxième: reconnaître que le gazoduc Nord Stream 2 est dans l'intérêt des pays membres de l'UE (par tous, certes, mais que faire) et lui accorder les privilèges jusque là réservés aux projets antirusses. Et la troisième: déposer un appel et espérer que le nouvel examen de la plainte ne remettra pas en cause d'autres normes de l'UE importantes pour les Européens.

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En voulant bien, on peut toujours trouver un peu de fiel dans le miel: la Russie (à la plus grande joie des représentants des USA) n'a pas réussi à obtenir l'annulation des préférences pour les fournisseurs de gaz naturel liquéfié (GNL) en UE, à priver de leurs privilèges les «gazoducs industriels» de Norvège et, enfin, à annuler l'interdiction, pour les compagnies qui vendent du gaz, de posséder des systèmes de gazoduc en UE. Toutefois, étant donné que Gazprom a quitté ce secteur bien avant l'examen de la question au niveau de l'OMC, la compagnie russe ne comptait pas vraiment sur l'annulation de cette principale restriction.

L'exemple de la décision de l'OMC montre que si l'on travaille correctement avec les organisations internationales, il est possible d'en tirer un profit concret — allant jusqu'à l'utilisation de son verdict pour forcer les partenaires récalcitrants à renoncer aux pratiques discriminatoires et à faire preuve de bon sens. La plainte contre l'UE aura au moins servi à régler la question de l'usage à part entière d'OPAL (à présent, l'UE doit être très attentive aux règles et aux décisions de l'OMC, car Bruxelles espère l'utiliser pour combattre le protectionnisme de Donald Trump).

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D'ailleurs, le Président américain reconnaît également que les litiges portés à l'attention de l'OMC sont une puissante arme à prendre en compte. Par exemple, en mai 2018, Donald Trump a, par ultimatum, exigé du président Xi Jinping que la Chine retire immédiatement sa plainte contre les mesures protectionnistes américaines. Cela montre que même Washington, connu pour son attitude complaisante envers le droit international, ne peut pas se permettre de simplement ignorer les décisions de cette organisation.

Xi Jinping avait rejeté à l'époque cet ultimatum, et au final la guerre commerciale entre les USA et la Chine était passée au niveau supérieur. La pratique montre que les adversaires occidentaux perçoivent très négativement les situations où la Russie et ses partenaires chinois commencent à utiliser avec succès les outils de l'Onu ou de l'OMC à leurs fins. Ce qui prouve une fois de plus que c'est précisément ce qu'il faut faire.

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