Si un phénomène politique n'a pas de marque, c'est comme s'il n'existait pas dans la conscience sociale. Par exemple, Trump est une marque en soi, et cette marque a même un slogan: «Rendons sa grandeur à l'Amérique».
«La version la plus radicale des sanctions, qui frapperaient les transactions avec toutes les banques publiques russes, aurait de graves conséquences pour toute l'économie russe. Ce qui pourrait être plus douloureux que les sanctions contre la dette publique souveraine russe», a déclaré à l'agence Bloomberg Lisa Ermolenko, économiste de Barclays Capital à Londres.
La note analytique de Barclays souligne que le «projet de loi montre clairement la détermination à aller plus loin qu'auparavant dans l'aspiration à nuire à la Russie». Mais personne ne doutait déjà plus de la détermination des sénateurs russophobes à nuire à Moscou. La question était seulement de savoir dans quelle mesure les représentants rationnels de l'élite américaine pouvaient ralentir les initiatives de sanctions destructives et nuisibles pour les USA-mêmes de ceux qui sont prêts à tout pour assouvir leur haine envers la Russie et Donald Trump.
«Notre rôle central (dans le système financier mondial) ne doit pas être considéré comme allant de soi. Si les juridictions et les compagnies étrangères sentaient que nous étions susceptibles de recourir aux sanctions, notamment secondaires, sans fondements suffisants et pour des raisons impertinentes, nous ne devrions pas nous étonner qu'ils cherchent alors à éviter les transactions aux USA ou en dollars. Et plus nous associerons l'usage du dollar ou de notre système financier à la soumission à la politique étrangère américaine, plus sera élevé le risque de migration au profit d'autres monnaies et systèmes financiers. Cette issue n'est pas dans l'intérêt des États-Unis et nous devons essayer de l'éviter.»
Ce n'est pas la propagande du Kremlin qui dit que les sanctions nuiront aux USA eux-mêmes: ce sont les thèses du principal conseiller financier de Barack Obama. D'un homme qui a réussi à en persuader en 2016 les politiciens hystériques après la claque criméenne. L'argument ne perd pas de sa valeur si l'on s'interroge sur le fait que son successeur Stephen Mnuchin puisse être aussi persuasif, ni si Washington voulait effectivement, par un à-coup puissant, pousser à la dédollarisation l'un des plus importants exportateurs de pétrole et de gaz sur la planète, sachant que les complications pour le système financier russe seraient éphémères (ou à moyen terme, dans le pire des cas), alors que le préjudice pour le système du dollar serait définitif.
Et nous verrons la situation iranienne, où Washington place son principal espoir dans les sanctions secondaires. Malgré certains succès, les pays européens ont organisé aux USA une véritable fête de désobéissance. Par exemple, l'agence Reuters rapporte que l'«Allemagne continuera de fournir des garanties d'exportation et d'investissement pour les projets iraniens en dépit de la pression des USA».
Des informations encore plus intéressantes sont relayées par le fleuron de la presse d'affaires, le Wall Street Journal: «Les gouvernements de la France, du Royaume-Uni et de l'Allemagne ont annoncé à l'Iran qu'ils étudiaient l'activation des comptes de la Banque centrale iranienne dans les banques centrales de leur pays pour ouvrir le canal financier afin de soutenir l'accord nucléaire iranien.»
Dans ces conditions, les chances que l'UE accepte de participer à l'isolement financier de la Russie (avec le risque de geler l'hiver, par exemple) juste pour satisfaire les ambitions russophobes d'un groupe de sénateurs américains sont insignifiantes. D'autant qu'une partie des politiciens européens anti-américains, comme Jean-Claude Juncker, pourrait prendre la possibilité de dédollarisation totale des flux financiers euro-russes comme un cadeau du ciel. Et comme un bon moyen de saper le moral de Washington.
Les «sanctions infernales» sont indéniablement une marque politique très efficace, mais leur efficacité réelle vis-à-vis de Moscou peut être mise en doute. Même les analystes occidentaux n'y croient pas vraiment.
Comme l'a déclaré à Bloomberg une analyste de l'agence de notation Moody's: «La Russie est prête à amortir le coup des nouvelles sanctions américaines. Les mesures pour réduire les investissements dans les obligations américaines et diminuer la dépendance envers le dollar ont rendu l'économie moins vulnérable aux restrictions américaines plus fortes.»
Dans ce cas précis, il est difficile de ne pas être d'accord avec l'avis de l'agence de notation américaine.
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