Attaque frontale: comment le Congrès a obligé Trump à signer la loi sur les sanctions

© AFP 2024 Brendan SmialowskiDonald Trump
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Le Président américain Donald Trump a apposé sa signature sur la loi relative aux sanctions contre la Russie. Dans le même temps, le locataire de la Maison-Blanche a fait une déclaration condamnant l'initiative du Congrès à l'origine de la proposition de loi

Cependant, le refus de signer ce texte aurait pu tourner à une destitution pour Trump, estiment les experts — les congressistes américains étaient disposer à tout pour faire adopter les nouvelles sanctions. Le secrétaire d'État américain Rex Tillerson, qui a également exprimé sa désapprobation à la position des faucons au Congrès, rencontrera prochainement son homologue russe, Sergueï Lavrov, en marge du forum régional de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE). Le chef de la diplomatie américaine espère tout de même «éviter les conflits» avec Moscou sur fond de sévères sanctions antirusses. Selon la chaîne RT.

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Mercredi 2 août, Donald Trump a signé la loi relative aux sanctions contre la Russie, l'Iran et la Corée du Nord approuvées par le Congrès. Dans le même temps la Maison-Blanche a diffusé un communiqué du chef de l'État évoquant la présence dans le document de «dispositions inconstitutionnelles». D'après Donald Trump, non seulement cette loi porte atteinte aux pouvoirs présidentiels exclusifs, mais elle est également en contradiction avec les décisions de la Cour suprême des USA. En outre, cette déclaration note l'impact négatif des nouvelles sanctions sur les relations de Washington avec les alliés étrangers.

Il est à noter qu'une rencontre entre les chefs de diplomatie des deux pays est prévue du 5 au 9 août en marge du forum régional de l'ANASE à Manille. Moscou compte sur un «entretien constructif sur l'ensemble des questions» qui compliquent les relations russo-américaines, a déclaré hier le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov.

De son côté, en mentionnant les pourparlers à venir avec son homologue russe, Rex Tillerson a indiqué que les deux parties étaient «attachées à l'amélioration» des contacts bilatéraux. Le département d'État espère que Moscou et Washington pourront éviter les conflits ouverts en dépit de tous les différends.

«Tillerson et Trump s'opposent tous les deux aux sanctions et voudraient poursuivre le dialogue avec la Russie. Mais après l'adoption de la loi sur les sanctions il sera très difficile de s'entendre», a déclaré Vladimir Brouter de l'Institut international d'études sociopolitiques. Les deux parties comprennent qu'il est dangereux de continuer de détériorer les relations, mais le fait est qu'il n'est pas facile de s'écarter du vecteur déjà choisi. La loi sur les sanctions déterminera le développement des relations russo-américaines pour des années à venir, car il est très difficile d'annuler ce document. Mais dans les conditions actuelles même un ralentissement de la dégradation des relations serait déjà une bonne chose.»

Les divergences sur le fond

Rappelons que le 27 juillet le Congrès américain a approuvé l'adoption de nouvelles sanctions contre la Russie, l'Iran et la Corée du Nord, la proposition de loi a été soutenue par la chambre haute du parlement américain. Moscou a réagi à cette démarche hostile de Washington en annonçant la réduction des effectifs de diplomates américains en Russie jusqu'à 455 personnes. De plus, l'exploitation des résidences diplomatiques à Serebriany Bor a été suspendue. Telle a été la réponse de Moscou aux mesures décrétées par les USA à l'encontre des diplomates russes fin 2016.

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Il n'y avait aucun doute que Donald Trump signerait la proposition de loi — c'est ce qu'a notamment déclaré le 1er août le vice-Président américain Mike Pence. Dans le même temps, Rex Tillerson a fait une déclaration très controversée sur le site du département d'État parlant de la volonté des USA à améliorer les relations avec la Russie — soi-disant c'est la raison pour laquelle les sanctions sont décrétées.

«Le vote pratiquement unanime sur la proposition de loi des sanctions (à la chambre des représentants et au sénat) reflète la volonté déterminante du peuple américain qui souhaite que la Russie fasse un pas vers l'amélioration des relations avec les États-Unis», stipule le communiqué.

Cependant, pendant une conférence de presse Rex Tillerson a declaré que ni Donald Trump ni lui-même ne se réjouissait de la décision du Congrès et du sénat concernant les sanctions antirusses.

Il existe également des contradictions dans l'interprétation par le chef de la diplomatie américaine des désirs du peuple américain: le vote au Congrès sur les sanctions a reflété la volonté de la population, a annoncé le diplomate. Or en même temps Tillerson s'est dit certain que les citoyens américains soutenaient les initiatives de la Maison-Blanche pour se rapprocher de la Russie. «Je pense que les Américains veulent que les relations entre les deux plus puissantes nations nucléaires s'améliorent», a déclaré Tillerson.

Moscou a pointé ces divergences dans les déclarations du chef du département d'État.

«Nous constatons effectivement une certaine contradiction dans les déclarations de la Maison-Blanche», a indiqué le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov aux journalistes. En évoquant plus tôt la préparation de nouvelles sanctions antirusses, Peskov a qualifié la situation d'aggravation de «schizophrénie politique».

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Après l'entrée en vigueur de la loi sur les sanctions toutes les restrictions seront fixées au niveau législatif. Par conséquent, le Président sera privé du droit de corriger lui-même les sanctions sans l'aval du Congrès. Auparavant les restrictions étaient adoptées par un décret du chef d'État.

La partie de la «loi sur la lutte contre les ennemis des États-Unis au moyen de sanctions» concernant la Russie parle de la réduction des délais de prêts pour les banques russes jusqu'à deux semaines. Les restrictions portent également sur le secteur énergétique. Le délai de financement des compagnies énergétiques est réduit à 60 jours.

Une attention particulière est accordée au projet Nord Stream 2 — le document exprime l'intention de Washington de s'opposer à la construction du gazoduc de Russie en Europe.

Donald Trump s'est retrouvé dans une situation sans issue et a dû signer la loi sur les sanctions. Aujourd'hui, le poids politique du Congrès est supérieur à celui de la Maison-Blanche, et une «rébellion» se serait soldée par de lourdes pertes pour le Président, allant jusqu'à la destitution, supposent les experts.

«Il n'avait pas d'autre choix — le Congrès aurait facilement surmonté le veto présidentiel, et s'il avait simplement refusé de signer la loi, le document serait tout de même entré en vigueur conformément aux lois américaines, a déclaré Ivan Tsvetkov, maître de conférences à la faculté des relations internationales de l'Institut d'État de Saint-Pétersbourg. Et en même temps le chef de la Maison-Blanche se serait montré comme un politicien faible et impuissant n'ayant pas de position.»

D'après l'expert, auparavant le Congrès avait porté plusieurs fois atteinte aux pouvoirs de différents Présidents en politique étrangère, et en général ils ne s'opposaient pas à cette pression.

Le chantage gazier

En évoquant la détérioration des relations de Washington avec des alliés internationaux, Donald Trump faisait avant tout allusion à Bruxelles.

L'UE a réagi avec indignation à l'attaque de Washington contre Nord Stream 2. Les arguments des USA que le gazoduc russe nuirait à la sécurité énergétique de l'UE n'ont pas convaincu le Vieux Continent. Plus tôt Bruxelles a mis en garde la partie américaine contre une éventuelle guerre commerciale entre les USA et l'Europe à cause des sanctions préparées.

Le ministre allemand des Affaires étrangères Sigmar Gabriel a déclaré que l'UE était prête à prendre des mesures de protection contre la politique des USA menée sous couvert de sanctions sous la devise «l'Amérique au-dessus de tout».

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Vienne a adopté la même position: le ministère autrichien des Affaires étrangères a fait part de son intention de défendre les intérêts nationaux s'ils étaient menacés par les sanctions américaines. En parallèle, la cour de Düsseldorf a décidé de lever les restrictions sur le chargement du gazoduc OPAL en gaz russe.

Une telle attaque de front pourrait parfaitement conduire à l'effet inverse, en éloignant les alliés traditionnels de l'Amérique — les Européens ont l'intention de résister aux tentatives non dissimulées de monopoliser le marché gazier de l'UE entreprises aujourd'hui par les États-Unis.

L'inertie politique

Ces attaques agressives de Washington n'ont pas d'effet sur Moscou, qui n'a manifestement pas l'intention de faire des concessions sous pression. Au contraire, la rhétorique conflictuelle des USA ne fait que convaincre la Russie dans la justesse de sa propre ligne.

Les experts parlent de Donald Trump comme d'un politicien pragmatique qui ne voit aucune raison de poursuivre la pression de sanctions qui a prouvé son inefficacité. Rex Tillerson est également de cet avis et n'approuve pas les démarches insensées contre la Russie. Par exemple, d'après la revue Politico, le chef de la diplomatie américaine n'a pas l'intention de dépenser 80 millions de dollars pour combattre la «désinformation russe», même si le pouvoir législatif y insiste. Tillerson ne souhaite pas provoquer une réaction négative de Moscou, écrit la revue se référant à ses propres sources à la Maison-Blanche.

Mais le Congrès refuse de comprendre la logique parfaitement pragmatique du chef de l'État. Le fossé entre le pouvoir exécutif et législatif continue de se creuser. Des frictions surviennent même avec des républicains, alors qu'il serait bénéfique pour le parti de montrer sa cohésion, estiment les experts.

«Bien sûr, s'assoir à la table des négociations avec la Russie serait une tactique plus efficace pour les USA. Mais le fait est qu'en 20 ans les Américains se sont habitués à leur statut dominant dans le monde, ils ne sont pas prêts à coordonner leurs actions avec qui que ce soit. Pendant longtemps Washington ne considérait pas la Russie et l'Europe comme des entités politiques, et aujourd'hui les politiciens américains sont prisonniers de cette logique, en ignorant le fait que de plus en plus d'acteurs autonomes font leur apparition dans le monde», a conclu le politologue Leonid Kroutakov.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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