Le 7 février 2016, le Parlement algérien a adopté une révision de la Constitution qui accorde à la langue berbère, le tamazight, le statut de langue nationale et officielle de l'État algérien au côté de la langue arabe. Cette reconnaissance est le fruit d'un combat politique non violent e toute une génération de berbérophones, qui a commencé le 20 avril 1980.
Aux origines du 20 avril 1980
Tout a commencé le 10 mars 1980, lorsque les autorités de la wilaya de Tizi-Ouzou ont interdit la tenue d'une conférence sur la poésie berbère ancienne qui devait être organisée à l'université de la ville et animée par l'anthropologue et écrivain kabyle Mouloud Mammeri. Après des manifestations et actions de protestations durant plusieurs jours, une grève générale a été décidée par les meneurs et les militants de la cause berbère le 18 avril dans toute la ville de Tizi-Ouzou. Dans la nuit du 19 au 20 avril, les forces de l'ordre ont donné l'assaut l'Université et repris son contrôle ainsi que de tous les autres sites publics (hôpitaux, lycées et usines) provoquant la mort de 32 personnes et l'arrestation de plusieurs dizaines d'autres.
Au cours des 36 années qui ont suivi, le combat pour la reconnaissance et l'officialisation de la langue et de la culture berbère s'est organisé dans toute la Kabylie. Partis politiques, syndicats et associations ont repris les revendications des militants du printemps 1980 et se sont joints au Mouvement culturel berbère, le MCB, formé après les événements et qui devenu le porte-drapeau de la cause.
Il faut noter que la lutte pour la reconnaissance de la langue et de la culture berbère s'est diffusée aux autres pays du Maghreb, comme la Tunisie, la Libye en plus de l'Égypte, après les événements du printemps arabe. C'est au Maroc que le mouvement est plus ancien. «L'amazighité (langue et culture berbère) est un facteur d'unité et d'homogénéité pour les peuples maghrébins, de même qu'elle constitue un élément fédérateur des composantes des peuples de la région», a souligné Nacer Djabi, sociologue dans un entretien donné ce vendredi au quotidien El Watan. «Mais on ne parle jamais de mouvement amazight unifié… La revendication est la même dans tous les pays d'Afrique du Nord. Les différents mouvements s'écoutent entre eux. Les mouvements algérien et marocain sont un exemple pour les autres, à l'exception de certains détails».
Après la reconnaissance, les défis à relever
L'enseignement de la langue berbère dans toutes les écoles à l'échelle nationale et son intégration dans les différentes administrations du pays est le plus grand défi auquel sont confrontés les spécialistes de cette langue dans les années à venir. Bien que depuis 1990 les autorités algériennes aient ouvert des départements de langue et culture amazighes à l'Université de Tizi-Ouzou, puis à Bejaïa, en 1992, qui forment les enseignants et qui mènent les recherches nécessaires pour le développement de la langue, on est encore loin des exigences de son introduction dans les institutions de l'État.
Un autre défi est celui de cimenter l'unité nationale en faisant de la langue et de la culture berbères un moyen de renforcer les liens entre tous les Algériens. Car en ce moment, des appels à l'émancipation de la Kabylie de la tutelle du pouvoir central d'Alger sont propagés par le Mouvement de l'autonomie de la Kabylie, le MAK, dirigé par Ferhat Mhenni, l'un des militants de la première heure de la cause berbère, et qui a créé un gouvernement provisoire kabyle en France pour revendiquer l'indépendance de la région. Pour l'instant ce mouvement n'a pas vraiment trouvé d'écho massif en Kabylie, cependant il continue à mobiliser et à poser la question de l'indépendance d'une façon de plus en plus accrue, bien que la majorité des Algériens soient pour une Algérie une et indivisible.
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