«J'étais très choqué de voir que Syria Charity était invité. On connaît les connexions de Syria Charity avec les Frères musulmans, notamment son président Mohammad Alolaiwy, proche de l'UOIF, et ceci est assez inquiétant. Il faut prendre cette annonce des 50 millions d'euros avec beaucoup de pincettes, on doit être sûr que cela ne soit pas pour d'autres projets plus politiques plutôt que de servir à une stricte aide humanitaire.»
«J'ai réuni ce soir les ONG qui agissent sur le terrain en Syrie. Face à la situation humanitaire, la France met en place un programme d'urgence de 50 millions d'euros.»
Si la députée, qui a œuvré pour dénoncer les Frères musulmans, se félicite de cette aide de la part de l'État français, elle met donc en cause la présence, au côté d'une vingtaine d'ONG comme Médecins du Monde, la Croix-Rouge ou encore Action contre la Faim, de l'association caritative Syria Charity et l'absence de SOS Chrétiens d'Orient.
«C'est inadmissible que les Chrétiens d'Orient n'aient pas été conviés. C'est invraisemblable, on ne peut même pas comprendre.»
Le cofondateur de SOS Chrétiens d'Orient, Charles de Meyer, association très présente sur le terrain en Syrie depuis plus de quatre ans, n'a pas tardé à répondre directement sur un réseau social à l'annonce du Président Macron:
L'autre fondateur de l'association, Benjamin Blanchard, qui a effectué de nombreux séjours en Syrie, et qui revient de quelques jours passés dans les régions nord-syriennes a lui aussi réagi à cette réunion. S'il se félicite de l'annonce d'aide aux ONG, il déplore l'oubli de SOS Chrétiens d'Orient:
«Je le regrette, parce que je ne pense pas que nous soyons totalement inconnus. L'administration française sait que SOS Chrétiens d'Orient travaille en Syrie depuis quatre ans. Et en fait, j'approuve l'initiative. Je crois que dans les associations sélectionnées, une bonne partie fait du bon travail et travaille pour tous les Syriens. Cependant, je déplore que cela ne soit pas le cas pour toutes les associations invitées.»
«C'est une organisation très idéologique, qui ne va travailler que pour une certaine catégorie de Syriens, que pour une partie de la Syrie qui a une position politique très déterminée.»
Le coprésident de SOS Chrétiens d'Orient tient donc un discours prudent. Cette association est réputée proche du pouvoir syrien, selon certains médias comme Libération. Est-ce d'ailleurs pour cette raison que l'ONG n'a pas été conviée à l'Élysée? Benjamin Blanchard n'a pas souhaité s'exprimer à ce sujet, préférant développer sa pensée sur Syria Charity. Il fait remarquer à propos de cette volubile ONG, qui commence réellement à être en plus médiatique:
«Visiblement, Syria Charity a un agenda politique et travaille en étroite collaboration avec les groupes qui contrôlent la province d'Idlib. C'est assez troublant. Il faut se réjouir que la France s'engage pour aider la Syrie, sous réserve que ces fonds n'aillent pas pour des organisations dévoyées, qui sont au service de causes religieuses fondamentalistes.»
Syria Charity, association caritative, ONG humanitaire? Si pour le moment, les dirigeants de cette association n'ont pas souhaité nous répondre, la question reste en suspens. Mais certains n'ont pas hésité à réagir pour la dénoncer. Ainsi, Mohamed Louizi, citoyen franco-marocain, auteur de Pourquoi j'ai quitté les Frères musulmans: Retour éclairé vers un islam apolitique, aux éditions Michalon, paru en 2016, s'est exprimé clairement sur un réseau social
«Cette organisation dite "caritative", très controversée y compris en Syrie, fait partie de la nébuleuse des Frères musulmans, une organisation classée "terroriste" par de nombreux États souverains (pas par la France): les services de l'État français ne peuvent l'ignorer.»
Dans son long post, il ajoute:
«Ils ne peuvent ignorer que la Syria Charity est soutenue par le Hamas palestinien, classé "organisation terroriste" par l'Union européenne. Mais que fait la France de Macron? Elle lui déroule le tapis rouge de l'Élysée et semble prête à lui offrir quelques dizaines de millions d'euros…»
On pourrait ajouter surtout que Syria Charity s'est affiché avec l'Armée Syrienne Libre, des rebelles opposants à Bachar —el-Assad, qui aujourd'hui, si elle existe encore, est composé exclusivement de salafistes radicaux.
La députée au Parlement européen, qui pourtant soutient fréquemment les initiatives d'Emmanuel Macron, est bien plus réservée sur ces liaisons dangereuses entre L'Élysée et l'ONG controversée:
«On a l'impression que tout d'un coup, on a fait un retour en arrière, au début du mandat de François Hollande, où il aidait tous les groupes d'opposition syrienne, qui était une vraie opposition au début, mais qui a très très vite été récupéré par les islamistes.»
Patricia Lalonde, qui a donc précédemment lié Syria Charity aux Frères musulmans, soupçonne que ce type d'association, présente en Syrie pour des missions humanitaires et très active sur les réseaux sociaux, ne soit utilisé à des fins politiques. En effet, Syria Charity relaie la communication des White Welmets, les Casques blancs, dont le rôle actif aux côtés du Front Al-Nosra et les éléments de langage controversés laissent peu de place au doute quant à leur engagement militant.
Ainsi, l'eurodéputé craint que les fonds promis à ces ONG, et spécialement à Syria Charity, ne servent des desseins politiques. Et quand on connaît la position de l'État français dans cette guerre, on peut en effet s'interroger:
«C'est peut-être de la naïveté, le Président a été mal renseigné. Lorsque vous regardez le site Syria Charity, vous voyez des photos d'enfants qui vont mal, donc cela émeut tout le monde. Donc si on lui a présenté les choses en lui disant ils sont formidables…»
Patricia Lalonde conclut:
«On le sait bien, les Frères musulmans, par exemple en Égypte, ils ont beaucoup œuvré dans les quartiers pauvres, ils sont très forts dans le domaine de la charité, on ne peut pas nier cela. Mais ce qu'il faut savoir, c'est que c'est à des fins politiques et pas uniquement à des fins de charité, dans le sens chrétien du terme. Derrière, il y a de grosses ficelles politiques que l'on trouve partout.»