En l'espace de quelques mois, c'est le deuxième hommage national que reçoit Abdelaziz Bouteflika. Ou plutôt son portrait. En cette fin de mois de mars, à l'occasion de la journée nationale de l'avocat, son effigie trône sur un chevalet qu'on transporte pour l'occasion à l'intérieur du Centre International des Conférences d'Alger. On y voit un Bouteflika en robe d'avocat, rajeuni de plusieurs années. On se prend en photo avec la photo. De la pure mise en abîme. Abyssal selon beaucoup d'Algériens.
«Au moins, qu'on le ramène sur son fauteuil roulant pour qu'il reçoive cet hommage.»
Un nouvel hommage au portrait du premier avocat (du pays) Bouteflika.
Le barreau décore le portrait de Bouteflika, mais où va donc l'Algérie? se demande cet internaute, lequel, comme beaucoup, trouve qu'au-delà du procédé, c'est l'indépendance de cette organisation qui est mise en cause.
Pour étrange qu'il soit, cet hommage indirect n'est pas le plus baroque. A en croire cette vidéo, diffusée quelques années plus tôt, on voit des dizaines de Saoudiens, serrant de vraies fausses mains, pour prêter allégeance, selon la tradition, à des dirigeants qui n'avaient pas, eux non plus, le don d'ubiquité.
Mais cet hommage-allégeance n'est surtout pas le premier, sous les cieux algériens. En janvier dernier, au Congrès des maires d'Algérie, le portrait présidentiel avait été carrément «décoré» en présence du ministre de l'Intérieur et des collectivités locales. «Cela relève de la fiction», commente le site k-direct.info.
Au tour du site parodique El Manchar de railler à ce propos: «le portrait de Bouteflika annonce sa candidature pour la présidentielle de 2019.»
«Le portrait du Président s'est engagé également à être présent partout sur le territoire national: administrations publiques, entreprises, gares, aéroports, infrastructures sportives, évènements de tous types… etc. afin de montrer à la population sa grande disponibilité malgré les rumeurs qui courent sur lui», poursuit ce site satirique.
Depuis longtemps, les rumeurs les plus folles, comme les plus fondées, circulent, en effet, sur le compte du Président algérien. On attribue même certaines décisions à son entourage, comme son frère Saïd, qui disposerait du spécimen de signature. Des décisions qui seraient prises à l'insu du Président, mis devant le fait accompli, mais non moins validées par lui.
Dans le discours officiel, cependant, point d'allusion à ces magouilles se tissant à la faveur de l'état de santé de Bouteflika. Le Président est peut-être un peu fatigué. Ses (rares) apparitions, blème et face de carême, le démontrent amplement. Pour autant, il ne gouverne pas moins. Des propos corroborés par des sources diplomatiques.
«Si son état de santé physique s'est bien dégradé, Bouteflika garde une lucidité intacte. Il travaille pendant quelques heures par jour et arrive à parler plutôt normalement. Il n'y a, pour le vérifier, qu'à débriefer les ambassadeurs qui viennent lui remettre leurs lettres de créance lorsqu'il est en mesure de les recevoir. Un ambassadeur asiatique m'a dit une fois que l'entretien a tellement duré, Bouteflika livrant son analyse, ponctuée de nombreuses références historiques et géopolitiques sur la région asiatique en question, que cet ambassadeur s'en était senti gêné», a déclaré une source indépendante et bien informée à Sputnik.
Autant dire que cette vivacité d'esprit ne pourrait qu'accréditer la thèse d'un 5e mandat. À défaut, un désistement à prévoir au profit du portrait…. Pour le bonheur de ceux qui peuvent très bien encadrer le Président.