Algérie: à un an de la présidentielle, Bouteflika réduit à «des lettres et des portraits»

© AFP 2024 Ryad KramdiAbdelaziz Bouteflika
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À un an d’une présidentielle à laquelle sa candidature n’est pas exclue, le président algérien est malade, absent. Dès lors, pour faire allégeance, l’astuce est toute trouvée: si le Président ne peut pas venir pour recevoir sa distinction, on le voit très bien en peinture…

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Retranché dans son sanctuaire de Zéralda, dans la banlieue d'Alger, le Président observe un silence olympien. Il communique exclusivement par voie d'oracles, ou intervient en Deus ex machina. Des messages tombant à point nommé pour rappeler à l'ordre, mettre ou démettre. Parfois transmettre, le plus banalement du monde, les vœux d'usage. Sur les plateaux télé, les exégètes pullulent pour interpréter les vœux présidentiels, alors que des hommages pieux fusent, eux, devant des portraits à son effigie.

​En l'espace de quelques mois, c'est le deuxième hommage national que reçoit Abdelaziz Bouteflika. Ou plutôt son portrait. En cette fin de mois de mars, à l'occasion de la journée nationale de l'avocat, son effigie trône sur un chevalet qu'on transporte pour l'occasion à l'intérieur du Centre International des Conférences d'Alger. On y voit un Bouteflika en robe d'avocat, rajeuni de plusieurs années. On se prend en photo avec la photo. De la pure mise en abîme. Abyssal selon beaucoup d'Algériens.

«Au moins, qu'on le ramène sur son fauteuil roulant pour qu'il reçoive cet hommage.»

Un nouvel hommage au portrait du premier avocat (du pays) Bouteflika.

Le barreau décore le portrait de Bouteflika, mais où va donc l'Algérie? se demande cet internaute, lequel, comme beaucoup, trouve qu'au-delà du procédé, c'est l'indépendance de cette organisation qui est mise en cause.

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C'était le Garde des Sceaux, Tayeb Louh, qui a été le récipiendaire privilégié de l'hommage virtuel. À charge pour lui de le transmettre à l'intéressé. En cette occasion, le ministre de la Justice était venu lire, à l'adresse des avocats présents, une lettre du Président. On y dit tout le bien qu'on pense de la noblesse de la profession. On touche un mot, des paragraphes plutôt, des réformes présidentielles décidées en faveur de la Justice algérienne. Pour ce cadre algérien, «les lettres et les portraits» semblent être devenus, ces dernières années, le mode de communication privilégié d'un président gravement diminué.

​Pour étrange qu'il soit, cet hommage indirect n'est pas le plus baroque. A en croire cette vidéo, diffusée quelques années plus tôt, on voit des dizaines de Saoudiens, serrant de vraies fausses mains, pour prêter allégeance, selon la tradition, à des dirigeants qui n'avaient pas, eux non plus, le don d'ubiquité.

Mais cet hommage-allégeance n'est surtout pas le premier, sous les cieux algériens. En janvier dernier, au Congrès des maires d'Algérie, le portrait présidentiel avait été carrément «décoré» en présence du ministre de l'Intérieur et des collectivités locales. «Cela relève de la fiction», commente le site k-direct.info.

​Au tour du site parodique El Manchar de railler à ce propos: «le portrait de Bouteflika annonce sa candidature pour la présidentielle de 2019.»

«Le portrait du Président s'est engagé également à être présent partout sur le territoire national: administrations publiques, entreprises, gares, aéroports, infrastructures sportives, évènements de tous types… etc. afin de montrer à la population sa grande disponibilité malgré les rumeurs qui courent sur lui», poursuit ce site satirique.

Depuis longtemps, les rumeurs les plus folles, comme les plus fondées, circulent, en effet, sur le compte du Président algérien. On attribue même certaines décisions à son entourage, comme son frère Saïd, qui disposerait du spécimen de signature. Des décisions qui seraient prises à l'insu du Président, mis devant le fait accompli, mais non moins validées par lui.

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À l'influence de l'entourage de Bouteflika, on attribue également certaines interventions Deus ex machina. Quand, en janvier dernier, un message présidentiel vient remettre les pendules à l'heure sur les privatisations, et désavouer le Premier ministre lui-même, on y voit le résultat de luttes au sein de sphères du pouvoir pour «disposer» des biens à privatiser, au profit des cercles d'affaires qui font partie des différents clans gravitant autour du portrait… autour du Président Bouteflika.

Dans le discours officiel, cependant, point d'allusion à ces magouilles se tissant à la faveur de l'état de santé de Bouteflika. Le Président est peut-être un peu fatigué. Ses (rares) apparitions, blème et face de carême, le démontrent amplement. Pour autant, il ne gouverne pas moins. Des propos corroborés par des sources diplomatiques.

«Si son état de santé physique s'est bien dégradé, Bouteflika garde une lucidité intacte. Il travaille pendant quelques heures par jour et arrive à parler plutôt normalement. Il n'y a, pour le vérifier, qu'à débriefer les ambassadeurs qui viennent lui remettre leurs lettres de créance lorsqu'il est en mesure de les recevoir. Un ambassadeur asiatique m'a dit une fois que l'entretien a tellement duré, Bouteflika livrant son analyse, ponctuée de nombreuses références historiques et géopolitiques sur la région asiatique en question, que cet ambassadeur s'en était senti gêné», a déclaré une source indépendante et bien informée à Sputnik.

Autant dire que cette vivacité d'esprit ne pourrait qu'accréditer la thèse d'un 5e mandat. À défaut, un désistement à prévoir au profit du portrait…. Pour le bonheur de ceux qui peuvent très bien encadrer le Président.

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