Face au silence de l'intéressée, un petit mystère plane toujours sur les raisons de la démission d'Asma Mrabat, la chercheure au sein de la Ligue Mohammadia des Oulémas, une institution officielle marocaine, s'était fendue, le 19 mars, d'un tweet laconique où elle annonçait simplement qu'«une étape est finie»
Il n'aura pas fallu longtemps pour que sa démission soit interprétée comme la conséquence d'une pression exercée par l'institution religieuse où elle opérait en tant que directrice du Centre des études féminines en islam. Des médias marocains n'ont pas hésité, pour leur part, à parler de «révocation».
«Le fait d'accorder à la femme une part égale à celle de l'homme fait partie intégrante des finalités poursuivies par l'Islam. Ce n'est nullement à l'encontre de l'Islam» avait par exemple prêché Asma Lamarabet lors d'un événement organisé à Rabat, au mois de mars, avant d'appeler à la constitution d'une commission chargée d'étudier cette question et de proposer des réformes.
Une initiative qui fait écho à celle, lancée l'été dernier, par le Président tunisien Béji Caïd —Essebsi. Le Chef de l'État tunisien, qui a mis en place une commission chargée de proposer des réformes en matière de libertés individuelles et d'égalité des sexes, s'est clairement prononcé pour l'égalité en matière d'héritage. Une mesure s'inscrivant en droite ligne de la Constitution postrévolutionnaire, promulguée en janvier 2014. Toutefois, en Tunisie, comme au Maroc, l'idée est loin de recueillir l'assentiment général.
Une résistance sociale, qui fait écho au renoncement du leader Habib Bourguiba, pourtant promoteur en 1956 du très progressiste Code du Statut personnel (CSP), à toucher à ces règles successorales ancestrales.
«Cette résistance sociale est anti-coranique, puisque cette égalité s'inscrit dans l'esprit même du texte. Le Coran évoque, en définissant les parts respectives de l'héritage, de la notion de "had" qui est une limite minimale, pour garantir à la femme un minimum pouvant évoluer, dans un contexte où elle était complètement exclue de l'héritage. D'autant plus que l'institution de cette règle entendait répondre à la pratique sociale de l'exogamie [les époux qui cherchaient leurs femmes à l'extérieur de leur propre tribu, ndlr]. Dans ce contexte, l'égalité dans l'héritage aboutirait à appauvrir la tribu de la femme qui, en héritant d'une part conséquente, placerait les biens en question en dehors du cycle économique local», a déclaré à Sputnik l'anthropologue Youssef Seddik.
Entre-temps, sur la toile marocaine, c'est un déferlement de soutiens à la chercheure, appelant à faire bouger les lignes.
Un soutien salué par l'intéressée elle-même, confirmant implicitement les circonstances de sa «démission».
Monarchie constitutionnelle conservatrice et puissance régionale montante, le Maroc est à l'heure des choix pour construire son propre modèle, qu'il veut sui generis. Quoique sollicitée par nombre d'intellectuels, l'égalité en matière d'héritage est bien loin d'être une revendication populaire.
«Le Maroc avance, mais dans la douleur. C'est un combat qui n'est pas facile, parce qu'il implique des choix», avait récemment résumé à Sputnik le géopoliticien Hichem Ben Yaïche.