Discours de Xi Jinping: des nuages s’accumulent-ils sur Taïwan?

Le message de Xi Jinping délivré mardi aux députés chinois a été clair: son pays n’abandonnera pas «un seul pouce» de son territoire. Il a réitéré son engagement pour la réunification pacifique de la Chine. Qui devra faire des concessions afin de lancer ce processus?
Sputnik

La Chine ne tolérera aucune tentative de diviser le pays, a déclaré le Président chinois Xi Jinping en s'adressant mardi à l'Assemblée nationale populaire, un organe législatif chinois qui se réunit une fois par an. Il a également prôné la réunification pacifique avec Taïwan. Cette déclaration intervient au moment où les États-Unis adoptent une nouvelle loi qui peut changer le caractère des liens entre Washington et Taipei et nuire aux relations sino-américaines.

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Un principe inébranlable

Dans son discours prononcé mardi en présence d'environ 3.000 délégués chinois, Xi Jinping a qualifié la réunification de la Chine de «désir commun du peuple chinois». Il a également mis en garde contre des actions séparatistes qui peuvent menacer l'intégrité territoriale du pays.

«Les actes et les manœuvres visant à séparer le pays sont voués à l'échec, ils seront condamnées par le peuple et punies par l'histoire», a déclaré le leader chinois, en avertissant que son pays n'accepterait jamais l'abandon d'un «seul pouce» de son territoire.

Bien que le Président chinois n'ait pas précisé de quels territoires il s'agissait, il est évident que ce discours concerne, en premier lieu, Taïwan.

Depuis son arrivée au pouvoir, Xi Jinping a entrepris des tentatives de règlement pacifique du différend historique entre la Chine et cette île dont le statut n'est toujours pas déterminé. Il a été le premier leader chinois à rencontrer le Président Taïwanais Ma Ying-jeou en 2015 à Singapour.

«Nous sommes une famille», a dit le Président chinois lors de cette rencontre historique en s'adressant à M.Ma.

Mais les relations entre les deux parties se sont aggravées en 2015 après l'arrivée au pouvoir de Tsai Ing-wen du Parti démocrate progressiste prônant l'indépendance de l'île. La Présidente taiwanaise actuelle dément, notamment, l'existence du consensus de 1992 sur lequel Pékin veut fonder le règlement pacifique de la question taiwanaise. Selon le gouvernement chinois, en 1992 lors d'une rencontre semi-officielle Taïwan et la République populaire chinoise ont reconnu appartenir à une seule Chine.

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La réaction de Taipei aux dernières déclarations de Xi Jinping ne s'est pas fait attendre.

«Nous ne nous intéressons pas à ce que les autres pays pensent de notre diplomatie. Nous n'avons pas l'intention d'arrêter nos efforts, ni de les relâcher», a déclaré mardi Andrew Lee, porte-parole du ministère des Affaires étrangères de Taïwan, en soulignant que la Chine n'avait pas le droit de faire des «remarques irresponsables» concernant la politique extérieure taiwanaise.

M.Lee a également salué les dernières mesures adoptées aux États-Unis dont le soutien semble être déterminant pour Taiwan.

Le 16 mars, Donald Trump a signé une loi qui permet aux responsables américains de se rendre à Taiwan et de rencontrer les autorités taiwanaises. Auparavant, selon une règle non-écrite, les cinq responsables Taïwanais les plus hautes placés n'étaient pas autorisés à se rendre à Washington, de même que les hommes d'État américains étaient interdits de visite sur l'île contestée.

Cette dernière mesure américaine a provoqué une réaction vive de la part de Chine qui l'a qualifiée comme portant atteinte à la politique d'une seule Chine selon laquelle le gouvernement de Pékin est le seul représentant légitime du peuple chinois. Les États-Unis ont reconnu ce principe en 1979, lorsqu'ils ont établi des relations diplomatiques officielles avec la République populaire de Chine. Cela signifiait que Washington renonçait à son soutien de la République de Chine (un autre nom de Taïwan). Afin de maintenir leurs liens avec Taïwan et de continuer à lui apporter leur soutien, les États-Unis ont adopté le Taiwan Relations Act qui est devenu la base de leurs relations bilatérales.

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Par ailleurs, un conflit armé entre la Chine et Taïwan est susceptible de ne pas laisser Washington inactif. Le Taiwan Relations Act stipule, notamment, que les États-Unis s'engagent à «maintenir la capacité des États-Unis de résister à tout recours à la force ou à d'autres formes de coercition qui mettraient en danger la sécurité ou le système économique ou social, de la population de Taïwan ».

Une option militaire est-elle viable?

Différentes sources chinoises, citées récemment par The National Interest, indiquent que Xi Jinping «perd patience» et peut commencer l'annexion de Taïwan au début des années 2020. Néanmoins, lan Easton, un chercheur américain de l'institut Project 2049 spécialisé en problèmes de sécurité dans la région Asie-Pacifique, estime que Pékin accordera la priorité à «la désinformation et à d'autres techniques» afin de «saper la confiance et la volonté du peuple de l'île».

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Néanmoins, Pékin garde l'option militaire sur la table. En 2005, la Chine a adopté une loi contre-sécessionniste stipulant que le pays pouvait prendre des mesures non-pacifiques si Taïwan tentait de se séparer de la Chine.

Fin 2017, la République populaire chinoise a intensifié des exercices militaires à la proximité de l'île sur laquelle elle revendique la souveraineté, ce qui a fait ressurgir des craintes concernant une invasion imminente.

Le problème du statut de Taïwan date de l'année 1949 lorsque le gouvernement de Tchang Kaï-chek qui refusait de reconnaitre le gouvernement communiste installé à Pékin, s'est installé sur l'île. Depuis ce moment, la réunification avec Taïwan est une question cruciale pour Pékin.

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