Les Européens ne pêcheront pas dans les eaux troubles du Sahara Occidental. Pas en vertu de l'accord de partenariat de pêche entre l'UE et le Maroc, en tout cas. C'est ce qu'a jugé, mardi, la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE), qui a estimé que l'accord qui date de 2007 n'avait pas vocation à s'étendre aux eaux du Sahara occidental. Un territoire contesté revendiqué par les Marocains comme une partie intégrante du Royaume.
« L'inclusion du territoire du Sahara occidental dans le champ d'application de l'accord de pêche enfreindrait plusieurs règles de droit international général applicables dans les relations entre l'Union et le Royaume du Maroc, notamment le principe d'autodétermination. », indique la Cour de Justice de l'Union européenne.
« Ces eaux regorgent de richesses exploitées par des chalutiers du Japon, de l'Amérique du Sud, en passant par l'Espagne. La décision constitue dès lors un manque à gagner très important pour le Maroc, qui ne se laissera pas faire. Il va revenir à la charge en essayant de contourner cette décision», a estimé ce Maître de conférences à Sciences Po Paris.
Il ne s'agit pas de la première fois qu'un accord entre l'UE et le Maroc se trouve confronté à cette problématique. La Cour européenne avait décidé, en décembre 2016, d'exclure du champ d'application de l'accord de libre échange entre le Maroc et l'UE, les produits agricoles venant du Sahara Occidental. A l'époque, un accord politique avait été trouvé, après que la diplomatie marocaine était montée au créneau.
A la question de savoir si ces différentes décisions préjugent d'une inflexion de la position européenne sur la question du Sahara Occidental, Abderrahim rappelle que « l'Europe, officiellement, s'aligne sur l'ONU, et considère que le Sahara occidental est un territoire contesté ». La décision n'est, du reste, que de « la pure technicité juridique », qui ne se traduira pas par une montée de ton européen sur la question du Sahara.
« Néanmoins, elle est emprunte d'hypocrisie dans la mesure où dans les faits, le Maroc est présent dans « les provinces du Sud » et cela n'a jamais empêché l'Europe de continuer à déverser des fonds qui sont aussi destinés au développement de ces mêmes régions », souligne le chercheur.
Le Maroc saura, en outre, compter sur l'appui d'alliés indéfectibles, comme la France qui défend à Bruxelles le point de vue marocain, rajoute Abderrahim. Sans compter « les Espagnols qui observent une neutralité bienveillante à l'égard du Maroc, sur ce dossier, à tel point qu'ils sont les premiers à quitter la salle quand il est évoqué».
Maja Kocijancic, une porte-parole de l'Union européenne contactée par Sputnik, ne s'est pas exprimée, pour sa part, sur l'éventuelle portée politique de la décision de la CJUE, en préférant renvoyer à une Déclaration conjointe, donnée mardi à Bruxelles, par le Maroc et l'UE, qui « prend connaissance de l'arrêt rendu ».
« Les deux parties confirment leur attachement au partenariat stratégique entre le Maroc et l'Union européenne et leur détermination à le préserver et à le renforcer. à cet égard, elles ont convenu de poursuivre le renforcement de leur dialogue politique et de préserver la stabilité de leurs relations commerciales», dit le communiqué dont Sputnik a reçu copie.
Les médias et réseaux sociaux marocains, pour leur part, se sont faits l'écho de la position officielle. « Les Marocains sont absolument convaincus qu'ils ont des droits sur ce territoire très anciens», explique encore Abderrahim.
« La justice européenne prend le parti du Polisario (mouvement politique et armée du Sahara Occidental), en considérant que le « Sahara marocain » n'est pas concerné par l'accord de pêche signé avec le Maroc. »
L'Occident veut nous diviser pour exercer son jeu pernicieux. Le Maroc c'est le Sahara, et le Sahara c'est le Maroc.
Loin de se limiter à l'empoisonnement sporadique des relations UE/Maroc, la question du Sahara Occidental est également au cœur du blocage de l'Union du Maghreb Arabe (UMA). Au-delà des principaux protagonistes, qui s'affrontent par machines diplomatiques interposées, la Mauritanie et la Tunisie jouent les équilibristes.