970 ans! Les relations diplomatiques entre la France et la Russie débutent il y a près d'un millénaire. En 1048, une délégation française fut envoyée à Kiev, première capitale de la Russie, afin d'obtenir pour Henri Ier la main d'Anne, fille de Iaroslav le Sage. Depuis, ces relations n'ont jamais cessé et ont marqué de leur empreinte le patrimoine français. À l'occasion de la journée du diplomate russe, Sputnik vous présente trois adresses parisiennes et trois fortes personnalités qui n'ont fait que renforcer des relations.
28, rue Saint-Dominique, l'hôtel d'Auvergne (actuellement, Maison de la Chimie)
C'est en novembre 1740 que le prince Antioche Cantemir, ambassadeur de Russie, loue cet élégant hôtel du XVIIIe, dont la superficie avec cour et jardin atteignait 4.800 m2, pour dix mille francs par an.
Auteur de satires en vers, compilateur du premier dictionnaire russe-français (qui n'a été publié à Moscou qu'en 2004), traducteur et correspondant de Montesquieu et Voltaire, ce qui lui vaut sa disgrâce auprès de la Cour, il se comporte avec l'extravagance d'une personne admise dans les hautes sphères. Dès qu'il sort de sa demeure Rue Saint-Dominique en équipage à quatre chevaux, Cantemir aime rouler à vive allure, au grand dam des policiers chargés de le suivre.
Mais le destin n'a réservé qu'une très courte vie à cet homme, ami du poète Vassili Trediakovski et souvent considéré comme l'un des fondateurs de la littérature classique russe. Il meurt à l'âge de 35 ans dans son hôtel particulier, le 11 avril 1744 et son corps embaumé est transféré à Moscou, pour être enterré dans le Monastère Nicolo-Grec, détruit en 1935.
51, rue de l'Université, l'hôtel de Soyécourt
Singulier destin que celui de Charles André Pozzo di Borgo, un jeune aristocrate corse. Artisan de l'incorporation politique de la Corse à la France, député de l'Assemblée législative, puis réfugié politique à Rome et émigré involontaire à Londres, il entre au service de la diplomatie russe en 1804. C'est à l'influence du prince Adam Jerzy Czartoryski, alors ministre des Affaires étrangères de Russie, qu'il doit ce poste. Au début du XIX siècle ou la plupart des nominations se font sur recommandation des puissants de ce monde, Pozzo di Borgo fait une carrière fulgurante: il est nommé conseiller d'État au conseil des affaires étrangères le 28 septembre 1805.
En 1834, année de sa nomination à Londres, le comte Charles André Pozzo di Borgo achète l'hôtel de Soyécourt, noble demeure de la fin du XVIIe siècle. Il s'y retire en 1839 et y meurt le 25 février 1842.
79, rue de Grenelle, hôtel d'Estrées
« L'adresse la plus ancienne de la diplomatie russe et la plus connue est l'ancienne ambassade de Russie, rue de Grenelle. L'hôtel d'Estrées a été acquis en 1863 comme propriété de l'Etat Russe, pour y installer l'ambassade en 1867. » Remanié considérablement dans son aménagement intérieur pour les besoins de l'administration de l'ambassade, l'hôtel a reçu d'illustres hôtes, tels que Napoléon III et l'impératrice Eugénie, ou encore Félix Faure et la veuve de Sadi Carnot.
Un diplomate s'y est pourtant retrouvé dans une situation on ne peut plus ambiguë. Vassili Maklakov, fils d'un professeur en ophtalmologie de Moscou, avocat et parlementaire libéral, un des leaders du Parti démocratique constitutionnel russe, a été nommé comme ambassadeur en France en octobre 1917. Et quand il arrive à Paris, Maklakov apprend la prise de pouvoir par les bolcheviks. Ainsi, il n'a pas le temps de présenter ses lettres de créance.
Malgré cette situation incongrue, il a continué à occuper la splendide demeure de l'ambassade, l'hôtel d'Estrées, pendant sept ans, jusqu'à ce que France reconnaisse le gouvernement bolchevique. Tout le long de cette période, il a été vu par les autorités françaises, comme «un ambassadeur qui n'a pas encore été accrédité».
C'est à Paris, sans avoir jamais revu la Russie depuis 37 ans, que Vassili Maklakov est décédé, pour être enterré au cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois.