Trois diplomates russes qui sont restés en France

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Les presque mille ans de relations diplomatiques entre la France et la Russie sont ancrés aussi bien dans les mémoires que dans la pierre. À l’occasion de la Journée du Diplomate russe, Sputnik vous présente trois lieux emblématiques de cette relation et les trois fortes personnalités qui y sont associées.

970 ans! Les relations diplomatiques entre la France et la Russie débutent il y a près d'un millénaire. En 1048, une délégation française fut envoyée à Kiev, première capitale de la Russie, afin d'obtenir pour Henri Ier la main d'Anne, fille de Iaroslav le Sage. Depuis, ces relations n'ont jamais cessé et ont marqué de leur empreinte le patrimoine français. À l'occasion de la journée du diplomate russe, Sputnik vous présente trois adresses parisiennes et trois fortes personnalités qui n'ont fait que renforcer des relations.

28, rue Saint-Dominique, l'hôtel d'Auvergne (actuellement, Maison de la Chimie)

C'est en novembre 1740 que le prince Antioche Cantemir, ambassadeur de Russie, loue cet élégant hôtel du XVIIIe, dont la superficie avec cour et jardin atteignait 4.800 m2, pour dix mille francs par an.

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Arrivé à Paris en septembre 1738, ce fils du souverain moldave Dimitrie Cantemir avait dû se loger jusqu'au là dans un hôtel garni, faute d'argent. Né à Constantinople en 1708, le prince est extrêmement cultivé. Sa connaissance des Cours princières d'Europe, sa maîtrise des dossiers, ses contacts diplomatiques incitent la chancellerie du tsar à lui réserver les missions diplomatiques les plus délicates. Il paraît même que c'est lui qui a introduit dans la langue russe le mot «députât», député.

Auteur de satires en vers, compilateur du premier dictionnaire russe-français (qui n'a été publié à Moscou qu'en 2004), traducteur et correspondant de Montesquieu et Voltaire, ce qui lui vaut sa disgrâce auprès de la Cour, il se comporte avec l'extravagance d'une personne admise dans les hautes sphères. Dès qu'il sort de sa demeure Rue Saint-Dominique en équipage à quatre chevaux, Cantemir aime rouler à vive allure, au grand dam des policiers chargés de le suivre.

Mais le destin n'a réservé qu'une très courte vie à cet homme, ami du poète Vassili Trediakovski et souvent considéré comme l'un des fondateurs de la littérature classique russe. Il meurt à l'âge de 35 ans dans son hôtel particulier, le 11 avril 1744 et son corps embaumé est transféré à Moscou, pour être enterré dans le Monastère Nicolo-Grec, détruit en 1935.

51, rue de l'Université, l'hôtel de Soyécourt

Singulier destin que celui de Charles André Pozzo di Borgo, un jeune aristocrate corse. Artisan de l'incorporation politique de la Corse à la France, député de l'Assemblée législative, puis réfugié politique à Rome et émigré involontaire à Londres, il entre au service de la diplomatie russe en 1804. C'est à l'influence du prince Adam Jerzy Czartoryski, alors ministre des Affaires étrangères de Russie, qu'il doit ce poste. Au début du XIX siècle ou la plupart des nominations se font sur recommandation des puissants de ce monde, Pozzo di Borgo fait une carrière fulgurante: il est nommé conseiller d'État au conseil des affaires étrangères le 28 septembre 1805.

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À la Restauration de la maison de Bourbon, commence la carrière diplomatique de Pozzo di Borgo, qui est nommé ambassadeur de Russie à Paris. C'est notamment à lui que l'on doit l'apaisement des tensions entre la France et la Russie, quand, après la révolution de Juillet 1830, le tsar Nicolas Ier se montre réticent à reconnaître Louis-Philippe. Mais son étoile diplomatique décline, comme elle a monté: il est subitement transféré à l'ambassade de Londres, visiblement suite aux manœuvres de diverses factions de Saint-Pétersbourg, qui le soupçonnent d'être favorable aux intérêts français.

En 1834, année de sa nomination à Londres, le comte Charles André Pozzo di Borgo achète l'hôtel de Soyécourt, noble demeure de la fin du XVIIe siècle. Il s'y retire en 1839 et y meurt le 25 février 1842.

79, rue de Grenelle, hôtel d'Estrées

« L'adresse la plus ancienne de la diplomatie russe et la plus connue est l'ancienne ambassade de Russie, rue de Grenelle. L'hôtel d'Estrées a été acquis en 1863 comme propriété de l'Etat Russe, pour y installer l'ambassade en 1867. » Remanié considérablement dans son aménagement intérieur pour les besoins de l'administration de l'ambassade, l'hôtel a reçu d'illustres hôtes, tels que Napoléon III et l'impératrice Eugénie, ou encore Félix Faure et la veuve de Sadi Carnot.

Un diplomate s'y est pourtant retrouvé dans une situation on ne peut plus ambiguë. Vassili Maklakov, fils d'un professeur en ophtalmologie de Moscou, avocat et parlementaire libéral, un des leaders du Parti démocratique constitutionnel russe, a été nommé comme ambassadeur en France en octobre 1917. Et quand il arrive à Paris, Maklakov apprend la prise de pouvoir par les bolcheviks. Ainsi, il n'a pas le temps de présenter ses lettres de créance.
Malgré cette situation incongrue, il a continué à occuper la splendide demeure de l'ambassade, l'hôtel d'Estrées, pendant sept ans, jusqu'à ce que France reconnaisse le gouvernement bolchevique. Tout le long de cette période, il a été vu par les autorités françaises, comme «un ambassadeur qui n'a pas encore été accrédité».

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Même si les démarches diplomatiques entreprises par Maklakov semblent osées, comme partir en Crimée pour rencontrer Pyotr Wrangel et d'autres leaders russes blancs en 1920, sa réputation et son talent pour la médiation lui ont permis de manœuvrer entre les nombreuses factions qui composaient la communauté émigrée russe et de les représenter dans leurs relations avec le gouvernement français. Après avoir occupé des postes importants dans toute une liste de «Société des Amis», conseils et comités franco-russes, après avoir passé plusieurs mois dans les geôles de la Gestapo, Vassili Maklakov, à la tête d'une délégation de plusieurs membres survivants du gouvernement provisoire de 1917, s'est rendu à l'ambassade soviétique pour exprimer leur fierté et leur gratitude pour l'effort du peuple russe dans la Seconde Guerre mondiale.

C'est à Paris, sans avoir jamais revu la Russie depuis 37 ans, que Vassili Maklakov est décédé, pour être enterré au cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois.

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