Intervenir contre une condamnation à mort des revenants: «une perspective très difficile»

La ministre de la Justice Nicole Belloubet a annoncé que l’Etat négocierait si un ressortissant français était condamné à mort en Irak ou en Syrie et plaide pour « que le gouvernement ait une politique là-dessus qui soit claire et portée par tous ». Une position qui traduit une certaine gêne au sein de l’exécutif.
Sputnik

La question fait de nouveau l'actualité sans qu'aucune réponse claire ne lui soit apportée: que faire des djihadistes français détenus en Irak et en Syrie? Invitée dimanche du Grand Jury RTL/LCI/Le Figaro, la ministre de la Justice Nicole Belloubet a affirmé que la France « interviendrait » en cas de condamnation à mort de l'un de ses ressortissants.

Djihadistes français en Syrie et Irak: Paris interviendra-t-il en cas de peine de mort?
« Il est évident que l'Etat français est mis dans l'embarras par cette question », commente Gérard Bapt (PS), qui considère que: « L'Etat, dans lequel ils ont agi, perpétré leurs forfaits, est totalement en droit de les juger, selon sa propre juridiction».

Or, le gouvernement entend faire du « cas par cas »: « En tant que ministre de la Justice, je suis évidemment attachée à un procès équitable. Je considère que les règles élémentaires du procès équitable doivent être mises en œuvre, a-t-elle souligné. C'est un traitement au cas par cas qui doit être effectué. […] Bien entendu, s'il y avait une question de peine de mort, l'Etat français interviendrait en négociant avec l'Etat en question».

« Intervenir auprès d'eux, pour que la condamnation à mort ne soit pas appliquée, sans doute? Mais cela voudrait dire qu'on serait prêt au transfert pour les mettre en prison en France…avec tous les problèmes que cela posera, je pense que c'est une perspective très difficile ». D'autant plus qu'un éventuel rapatriement poserait « des problèmes d'accueil », et d'enquête: « Nous, les juger ici? Mais sur quels éléments, sur quels témoignages? C'est très, très difficile. Il y a aussi le problème de l'emprisonnement de ces djihadistes ». Avec en suspens, la question de savoir si l'Etat « ayant subi des pertes de nationaux ou des agissements d'individus », accepterait ces rapatriements.

Retour des djihadistes: le plus grand danger, c'est la passivité
Pour la ministre de la Justice, la situation est « différente selon les Etats ». « Avec la Turquie, nous avons des accords qui sont clairs et qui nous permettent de faire revenir les personnes, avec l'Irak, c'est un Etat qui est reconnu comme tel et donc bien entendu les Français qui sont là-bas peuvent être jugés par l'Etat irakien. La Syrie, c'est un peu plus compliqué puisque l'Etat n'est pas reconnu en tant que tel, et bien entendu c'est un traitement au cas par cas qui doit être effectué », a expliqué la ministre de la justice, Nicole Belloubet.

Une position qui tranche avec celle de la ministre des Armées. En octobre dernier, au Grand Rendez-Vous Europe 1, les Echos et CNEWS, Florence Parly déclarait: « Si des djihadistes périssent dans ces combats, je dirais que c'est tant mieux, et s'ils tombent entre les mains des forces syriennes, ils dépendront de la juridiction syrienne ». Mais que faire dans le cas du Kurdistan? Le porte-parole du gouvernement français, Benjamin Griveaux, déclarait en janvier sur RMC et BFMTV que les femmes djihadistes françaises arrêtées dans le "Kurdistan syrien" seront "jugées là-bas" si les "institutions judiciaires sont en capacité d'assurer un procès équitable" avec des "droits de la défense respectés". Or, la zone contrôlée par les Kurdes, n'est pas un État reconnu et ne dispose pas d'institutions judiciaires à proprement parler: « Il ne s'agit pas d'un Etat où le cadre juridique est tout à fait partiellement ébauché, ou qui ne répond pas, en tous cas, aux normes internationales ».

«Revenants»: quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup… djihadiste
Pour l'heure, quelques 676 Français, dont 295 femmes, se trouveraient encore sur le théâtre irako-syrien, selon le procureur de la République de Paris, François Molins.

« C'est un problème extraordinairement difficile, et le gouvernement tâtonne à l'heure actuelle », estime Gérard Bapt.

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