Après le constat amer de la réunion 5+5, le Maghreb prendra-t-il son destin en main?

L’économie des pays du Maghreb peine à se développer comme celle de leurs partenaires européens. C’est le constat qu’ont fait les participants à la 14ème réunion 5+5 qui s’est tenue ce week-end à Alger. Les pays du Maghreb ont-ils encore quoi que ce soit à espérer de cette réunion? Que doivent-ils faire pour développer un espace économique intégré?
Sputnik

«Les pays du Maghreb sont au bout de leurs ressources en eau»
Le dimanche 21 janvier s‘est achevée à Alger la 14ème réunion des 5+5 qui regroupe les cinq pays du Maghreb (Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie et la Tunisie) et ceux du Sud de l'Europe (Espagne, France, Italie, Malte et le Portugal). Ce format a été créé lors d'une réunion des ministres des Affaires étrangères « des neufs pays de la Méditerranée occidentale avec Malte » qui s'était tenue à Rome le 10 octobre 1990 avec l'objectif d'engager un processus de coopération régionale. Cependant, 27 ans après, les résultats escomptés ne sont pas au rendez-vous, en particulier en matière de développement. Alors, que peuvent encore espérer les pays du Maghreb de cette forme de dialogue? Et, ne serait-il pas temps qu'ils mettent leurs potentiels humains et économiques en commun, en particulier le Maroc et l'Algérie, afin de créer une dynamique économique qui leur permettrait de résoudre leurs problèmes au lieu de continuer à nourrir leurs rivalités?

Après 27 ans d'existence, quel bilan pour la réunion 5+5?

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Le groupe 5+5 organise des conférences des ministres des pays concernés, pratiquement dans tous les domaines d'intérêts communs. La lutte contre le terrorisme, la lutte contre le crime organisé, la lutte contre l'immigration illégale, la coopération dans le domaine de la protection civile et des collectivités locales, l'éducation, l'enseignement supérieur, la recherche scientifique, l'eau, l'environnement et les énergies renouvelables et le le tourisme. A voir l'étendue des secteurs de coopération, on s'attendrait à des niveaux d'échanges et d'intégrations importants. Or ce n'est pas le cas.

Lors de l'allocution qu'il a prononcée dimanche à ce sommet, le ministre des affaires Etrangères et de la Coopération internationale marocain, Nasser Bourita, abordant la question du développement économique et social inclusif et partagé, a mis l'accent sur le «contraste invraisemblable» entre l'intégration économique au Nord et au Sud de la Méditerranée occidentale, précisant que si les partenaires du Nord se caractérisaient par une forte intégration économique (plus de 70%), au Sud, au contraire, les pays du Maghreb formaient l'une des régions les moins intégrées du monde (moins de 5%).

«L'écart entre les deux rives est, donc, réel. Mais, le gap au sein même de la rive Sud est désolant», a déploré le chef de la diplomatie marocaine, ajoutant que cette situation «nous appelle à un engagement plus fort, pour une approche novatrice, inclusive et durable en matière de développement des échanges, d'investissement et d'emploi», a-t-il fait remarquer.

Il a mis en exergue la nécessité que les problèmes des jeunes, comme le chômage de masse, soient pris en charge par un «Agenda régional pour la jeunesse» auquel sera inscrite la réalisation de projets concrets et novateurs.

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De son coté, lors d'une conférence, tenue les 19 et 20 décembre à Tunis pour dresser un état des lieux des échanges commerciaux dans l'espace de l'UMA (Union du Maghreb Arabe), dont font partie l'Algérie, la Libye, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie, Taieb Baccouche, qui en est le secrétaire général depuis le 5 mai 2016, avait fait savoir que les échanges commerciaux entre les pays du Maghreb ne dépassent pas le taux de 5%, un pourcentage assez faible comparé au taux des échanges commerciaux entre ces derniers et l'Union européenne qui a dépassé les 90%, qui sont pour l'essentiel des importations.

Ce sont ces résultats en faveur des européens qui font dire à Khaled Chagraoui, directeur du Centre d'Études pour l'Afrique et le Moyen-Orient (AMES-Center), à propos des résultats du 14ème Dialogue 5+5, dans un entretien accordé au journal francophone marocain, Libération: « c'est une rencontre mise en place par l'Europe pour servir ses intérêts stratégiques et y apporter les réponses qui les satisfassent à un moment où la coopération et la collaboration entre les pays du Sud de la Méditerranée fait défaut».

Cet amer constat, celui d'une coopération Nord-Sud à sens unique et d'une économie maghrébine faible fait, les pays de l'UMA, qui possèdent d'énormes potentiels, humains et matériels ont toutes les chances de développer une économie régionale intégrée, en comptant avant tout sur eux-mêmes, et ensuite en s'ouvrant à l'Europe, aux USA et aux puissances émergentes telles que la Russie et la Chine.

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Evidemment, pour faire redémarrer la construction du Maghreb, il faut poser les questions qui fâchent, sans faire d'angélisme, et s'atteler sérieusement à les résoudre. En effet, l'Algérie et le Maroc, qui peuvent, peuvent constituer la locomotive de l'UMA, sont en froid depuis longtemps du fait de leurs positions sur le Sahara Occidental, et le trafic de drogue qui a causé la fermeture des frontières entre les deux pays. Si ces questions sont réglées, en évitant toute escalade militaire, comme le fait craindre la course aux armements entre les deux pays, alors un Maghreb arabe fort, uni et développé sera une réalité tout à fait à la portée des cinq pays de la région.

La question de l'énergie et de l'eau. L'Algérie et la Libye sont d'importants producteurs d'hydrocarbures ce que ne sont pas la Tunisie, le Maroc et la Mauritanie. Étant situés au milieu du Maghreb, ils pourraient fournir des énergies fossiles, pétrole et, surtout, gaz, bon marché à leurs voisins en faisant passer leurs oléoducs qui partent vers l'Europe par la Tunisie et le Maroc. Le Maroc et l'Algérie pourraient mettre en commun leurs installations

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nucléaires (les réacteurs d'Essalam, de Nour et de Triga Mark II), pour créer une agence nucléaire maghrébine, qui permettra de former un personnel hautement qualifié pour construire ensemble des centrales électronucléaires dont les productions remplaceraient les hydrocarbures, tout en lançant des projets communs de recherche dans les applications nucléaires, comme la production des radio-isotopes pour des application en médecine, dans l'agriculture et dans l'industrie. Le dessalement de l'eau de mer, l'autre avantage du nucléaire, pourrait être une solution radicale au manque de ressources en eau, en collaboration avec la Russie, le pays le plus avancé sur la question avec les centrales nucléaires flottantes qu'elle propose à ces pays, sujets à une activité sismique importante. Sans oublier l'énorme potentiel solaire, l'agriculture, l'industrie automobile et spatiale que la Chine et la Russie sont prêtes à aider à développer avec un réel transfert de technologies. Les Européens et les Américains se joindraient à cette dynamique de co-développement sous peine de se voir dépasser par les autres.

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