OIF: le virage politique de plus en plus assumé

Sur les trois derniers mois, les communiqués de presse de l’OIF se sont intéressés autant à la situation politique, sécuritaire et démocratique dans la sphère francophone qu’à des aspects techniques ou culturels. Des experts et diplomates burkinabé, nigérien et tunisien se livrent à un décryptage pour Sputnik.
Sputnik

Recherche de positionnement politique pour compenser le déclin linguistique? Répartition de rôles avec la France? Histoire personnelle de sa dirigeante? Comment expliquer la récente montée au créneau de l'OIF sur les dossiers de la sécurité, la démocratie et le terrorisme?

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De la République démocratique du Congo, au Niger, en passant par le Mali, la Centrafrique, et même l'Égypte, l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) durcit le ton. Des positions éminemment politiques se multiplient à une cadence remarquable.

On condamne des violences contre des manifestants, on appelle à la tenue d'élections, on déploie des missions d'évaluations électorales, sans compter les réactions — presque systématiques — qui suivent un attentat terroriste perpétré dans un pays de la francophonie.

Quoi de plus normal, tempère dans une déclaration à Sputnik Abderrahmane Hama, représentant permanent du Niger à l'OIF, puisqu'on est «toujours dans le cadre institutionnel de l'organisation tel que défini par la Déclaration de Bamako».

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Adopté en 2000, ce texte constitue le référentiel de la Francophonie en matière de promotion de la démocratie, de l'état de droit et de la paix dans ses pays membres. Cet ancien ministre nigérien des Affaires étrangères reconnaît, aussi, que la locatrice des 19-21 avenue Bosquet, dans le 7e arrondissement de Paris, s'y livre avec une certaine «emphase».

«Il ne faut pas oublier que Michaëlle Jean (secrétaire générale de l'OIF depuis 2014) est une ancienne réfugiée qui a fui la dictature avec sa famille pour se réfugier au Canada! On comprend, dans ce cas, qu'elle soit particulièrement portée sur certaines thématiques. C'est pour cela aussi qu'on la voit en train de remuer ciel et terre pour l'autonomisation des femmes, la promotion des jeunes, et l'observance des droits humains. C'est donc, avant tout, une question de personnalité du secrétaire général qui façonne son action», a déclaré le diplomate nigérien.

Si «la carte de Bamako est jouée à fond dans l'espace francophone», c'est aussi pour deux raisons, d'après l'ancien secrétaire général de la Francophonie au Burkina Faso, Dramane Konaté. Il s'agit d'abord, d'une raison objective, qui fait que «Jean a hérité de dossiers assez brûlants» avec «la persistance des troubles sur le continent, depuis pratiquement 2010 (…), due surtout aux blocages institutionnels et aux crises post-électorales» en Côte d'Ivoire, en Égypte, en Centrafrique, au Burkina Faso, en RDC, au Togo, etc.

«La seconde raison repose sur l'implication de la France elle-même dans la gestion et la résolution de ses crises. Nécessairement, la Francophonie s'aligne derrière la position de la France au sein de la communauté internationale avec les Nations Unies, l'Union européenne et l'Union africaine», a déclaré l'ancien responsable burkinabé à Sputnik.

C'est ainsi que l'OIF se trouvera, à titre d'exemple, en première ligne pour encourager l'initiative française consistant à rassembler un soutien international à la Force G5 Sahel. Quoiqu'elle s'en défende, la mise en place de cette force a été largement inspirée par la France, qui cherche à revoir les modalités de sa présence militaire dans la région.

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De là à parler d'une simple répartition des rôles entre la France et l'OIF, il n'y a qu'un pas que le Tunisien Ezzedine Zayani ne franchirait pas. Cet ancien ambassadeur en République démocratique du Congo relève tout de même que les nouveaux engagements et défis de la France ont fait que le lien se desserre avec son ancienne sphère d'influence. D'une part, la politique africaine de la France s'intéresse de plus en plus aux pays anglophones, où des taux de croissance plus élevés sont enregistrés. D'autre part, les pays francophones, eux-mêmes, sont en train de sortir du tête-à-tête avec l'ancienne puissance coloniale, avec l'entrée en scène de nouveaux acteurs. Et «l'OIF est là aussi pour compenser» ce rabougrissement, relève Zayani.

Créée en 1970, la Francophonie institutionnelle compte aujourd'hui 58 États et gouvernements membres, et 26 pays observateurs. Elle revendique 274 millions de locuteurs dans le monde, dont 43% en Afrique, où la langue progresse principalement par le fait démographique. Le français n'en demeure pas moins la neuvième langue parlée au monde, en enregistrant une «régression (…) dans toutes les organisations internationales et sur leurs sites, même quand le français y est langue officielle ou langue de travail», relève le journal Le Monde. Devant ce déclin, l'organisation «compense cette perte de terrain par un positionnement politique plus fort sur la scène internationale», conclut Zayani.

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