L’accord maritime avec le Somaliland est un "très bon coup" pour l'Éthiopie

© Photo Forces de défense nationale éthiopiennesRencontre entre le maréchal Berhanu Jula (Éthiopie) et le général Nuh Ismail Tani (Somaliland)
Rencontre entre  le maréchal Berhanu Jula (Éthiopie) et  le général Nuh Ismail Tani (Somaliland) - Sputnik Afrique, 1920, 13.01.2024
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L'Éthiopie et la République autoproclamée du Somaliland ont signé un mémorandum qui pourrait grandement bénéficier à Addis-Abeba, comme l’ont expliqué deux experts à Sputnik.
L’accord entre l'Éthiopie et le Somaliland sur l'accès aux ports constitue une belle opportunité pour Addis-Abeba, tant sur le plan économique que géopolitique, a déclaré à Sputnik Afrique Mekuria Mekasha, enseignant en communication à l'Université d'Addis-Abeba.
L'Éthiopie a en effet besoin d'un accès à la mer pour favoriser son développement, alors que la population du pays ne cesse de croître et atteint aujourd’hui 120 millions d'habitants.
"L'Éthiopie compte une population énorme et c'est un territoire immense. Le pays a besoin d'une voie maritime. Pour le développement économique, les ports sont très importants. C’est un très bon coup pour l’Éthiopie" a déclaré l’experte.
L'Éthiopie exporte beaucoup par ailleurs de produits vers Djibouti, la Somalie et d'autres pays de la corne méridionale de l'Afrique. Cette dépendance vis-à-vis du port de Djibouti coûte à l'Éthiopie plus d'un milliard de dollars, selon Mekuria Mekasha.

Atout sécuritaire

Sur le plan géopolitique, le mémorandum mentionne entre autres la création d'une force navale, ce qui permettra à l'Éthiopie de patrouiller dans la mer Rouge contre les pirates et les terroristes, souligne l’experte.
"En réalité, l'Éthiopie possède de nombreux navires. Si vous avez une force navale dans cette zone, il est plus facile de patrouiller en mer Rouge, dans le golfe d'Aden et l'océan Indien. Contre les pirates mais aussi contre les Shebabs*", explique ainsi Mekuria Mekasha.
La chercheuse rappelle d’ailleurs l’engagement éthiopien contre le groupe terroriste ayant ses bases en Somalie. Dans cette optique, la Somalie aurait tout intérêt à ne pas faire monter la tension avec Addis-Abeba.
"Les forces éthiopiennes ont réussi à combattre les Shebabs. Aucun autre pays n’y est parvenu. Si la Somalie est contre l'Éthiopie, les Shebabstravailleront activement dans cette région […] Si les relations sont mauvaises avec l'Éthiopie et avec le Somaliland, les Shebabs survivront et pourraient même contrôler le gouvernement somalien. La Somalie doit réfléchir pour tirer profit de cette collaboration", déclare Mekuria Mekasha.
La coopération entre l'Éthiopie et le Somaliland pourrait en outre faire effet boule de neige et encourager d'autres pays de la région, comme l'Érythrée, Djibouti, le Kenya et le Soudan, à louer leurs ports à l'Éthiopie.

"L'Éthiopie n'a pas l'intention de se perdre dans le prochain siècle africain"

Constat partagé par Hassan Abdi Daud, ancien ambassadeur de Somalie en Russie, qui explique à Sputnik que l’Éthiopie sort renforcée de cette séquence.
"L'Éthiopie a démontré sa volonté de jouer un rôle de leader régional, en définissant sa politique sur les questions économiques et de sécurité. Ce pays n'a clairement pas l'intention de se perdre dans le prochain siècle africain", a déclaré Abdi Daud, ajoutant que l'accord permettra aussi à Addis-Abeba d’établir des liens stratégiques avec les partenaires arabes du Somaliland.
L'Éthiopie "est en train de forger une réalité entièrement nouvelle" en rétablissant le statut international du Somaliland "qui est dans l'ombre de la Somalie depuis 1960", ajoute l’ancien ambassadeur.
Alors que l’autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) a exprimé son inquiétude sur l’accord, Abdi Daud parlent de préoccupations "attendues mais pas tout à fait justifiées". Il souligne lui aussi les facteurs positifs de l'accord, comme le développement de la sécurité maritime face à la piraterie et au terrorisme.
"L’IGAD dit des choses que personne ne peut contester. Mais... la politique ne peut pas toujours plaire à tout le monde. L'Éthiopie, comme le Somaliland, ne peuvent pas, comme le dollar américain, plaire à tout le monde. La question ici est différente – l’Éthiopie et le Somaliland défendent leurs intérêts nationaux sans empiéter sur les autres acteurs de la Corne de l'Afrique", affirme l’ancien ambassadeur.
Abdi Daud déplore en outre la loi signée par le Président somalien qui est censée annuler l'accord entre l'Éthiopie et le Somaliland, y voyant un moyen d’aggraver la situation.
"Un retrait unilatéral ne renforcera clairement pas la confiance entre la Somalie et le Somaliland, ce qui, compte tenu de la menace constante d'un conflit armé, est clairement un signal inquiétant", conclut-il.
*Organisation terroriste interdite en Russie
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