Un jeune Sénégalais défiguré par une maladie retrouve un visage en Russie
CC BY 2.0 / US Army Africa / 170208-A-IO170-071Un chirurgien (image d'illustration)
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Le traitement d’un mélanome a littéralement laissé un trou sur la joue de Khadim, 24 ans. Ce Sénégalais albinos a été pris en charge dans un hôpital russe et les médecins ont pu reconstruire la partie droite de son visage. Après avoir subi plusieurs opérations, Khadim a raconté son histoire à Sputnik.
Aujourd’hui Khadim n’est plus obligé de porter une écharpe autour de son visage pour protéger la plaie sur sa joue et aussi éviter des regards indiscrets. Le trou qui s’y trouvait il y a quelques mois n’existe plus remplacé par une prothèse de titane recouverte d’une peau.
Le chemin vers un nouveau visage a été long. Le jeune homme a dû parcourir plusieurs milliers de kilomètres pour retrouver son apparence. Bien qu’il lui reste encore nombre d’opérations à subir.
Une rencontre décisive
Khadim est issu d’une famille de paysans sénégalais. Il est albinos, ce qui n’est pas rare dans ce pays.
Sa maladie s’est manifestée il y a plus de dix ans par un petit bouton qui a grandi et a fini par s’infecter. C’est comme cela qu’une plaie s’est formée sur la joue de Khadim. Il a alors "fait le tour du pays" pour se faire soigner. Enfin, il a été pris en charge à Dakar, mais a été empêché d’y revenir à cause des restrictions dues au Covid.
Alors que son état s’aggravait, il a été mis en contact avec une femme russe, Mila, qui gère une association caritative.
Depuis de nombreuses années, Mila Anoufriyeva, créatrice de la fondation Mila4Africa aide des enfants et des adultes à traverser des situations difficiles. Elle collecte des fonds via des réseaux sociaux et vend des bijoux pour soutenir les démunis en Afrique.
"Mila a tout fait, a mis ses avoirs, son argent, son temps et tout pour aider", a raconté le papa de Khadim, qui s’est aussi déplacé en Russie pour rester au côté de son fils au cours du traitement.
Khadim a enfin réussi prendre le dessus sur le mélanome, mais le traitement a fortement abîmé son visage. Le jeune homme vivait avec un trou sur sa joue et ne pouvait pas respirer ni parler normalement.
Trouver un médecin, un défi de taille
Une fois la maladie guérie, Mila a commencé à chercher des spécialistes pour refaire le visage de Khadim. Cela a été très difficile.
"Nous avions du mal à trouver de médecins pour réaliser cette opération. Nous avons contacté des médecins aux États-Unis, nous leur avons écrit, mais n’avons pas obtenu de réponse. Puis, nous nous sommes tournés vers la Turquie […], ils ont promis de nous aider, mais ils nous ont donné un devis de 200.000 euros. J'ai dit que c'était impossible, que nous ne pourrions jamais réunir une telle somme", se souvient Madame Anoufriyeva de ce moment.
Malgré ces entraves, Mila n’a pas jeté l’éponge. Sa persévérance a été payante et une équipe de chirurgiens de l’hôpital d’aide médicale d’urgence de Krasnodar, une ville du sud de la Russie, a accepté de s’occuper de Khadim. Cette équipe réunissait plus d’une douzaine de spécialistes, avec à leur tête Alexeï Dikarev, chirurgien oncologue, plastique et reconstructeur. Presque toute son expérience est liée à des cas atypiques et difficiles, comme celui de Khadim.
Un cas unique et complexe
Le docteur Dikarev a expliqué qu’il ne s’agissait pas de refaire uniquement la joue du garçon, mais la zone médiane du visage dans son ensemble: "Nous avons restauré cette zone […] en compensant l’absence d’une grande quantité de tissus, de la muqueuse, des tissu de soutien, c'est-à-dire du squelette facial et de la peau".
De plus, les cavités nasale, buccale et post-résectionnelle ne faisaient qu’une et étaient ouvertes. Enfin, Khadim avait subi une radiothérapie qui est connue pour favoriser le rejet des tissus greffés.
Le médecin a supposé que c’est cette complexité qui avait découragé ses confrères dans d’autres pays.
Pour commencer, les spécialistes russes ont créé un modèle 3D du futur visage. Ensuite, ils ont réalisé quatre interventions chirurgicales, dont la première a duré près de 20 heures. Pour restaurer la mâchoire inférieure, ils ont utilisé une prothèse en titane et pour fermer la cavité, trois lambeaux de peau de Khadim.
Résultat, une joue a pris la place du trou béant. Aujourd’hui, Khadim peut avaler, respirer et parler normalement.
Le rétablissement a pris trois mois, mais ce n’est qu’une étape dans la reconstruction du visage de Khadim. Avec son père, il va rentrer au Sénégal, mais doit revenir au printemps car les médecins entendent s’occuper de ses dents et sa paupière.
"Une très, très grande différence entre le Khadim malade et le Khadim d'aujourd'hui"
Le jeune homme semble très bien se porter, il parle et est complètement autonome. Visiblement, il est très doué pour la peinture; il comble le temps à créer des peintures colorées, inspirées de la nature de son continent.
Le père confirme que son fils va bien. Les deux se disent très contents et sont reconnaissants aux chirurgiens et au reste du personnel hospitalier pour tout ce qu’ils ont fait pour eux.
Khadim avoue qu’une fois complétement rétabli, il aimerait revenir en Russie pour y travailler et ainsi aider sa famille.