Pourquoi le Ghana veut-il maintenant protéger les "sorcières"?

© Photo The Sanneh InstituteFemmes accusées de sorcellerie au Ghana
Femmes accusées de sorcellerie au Ghana  - Sputnik Afrique, 1920, 18.11.2023
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Un projet de loi visant à protéger les personnes accusées de sorcellerie attend d'être signé par le Président ghanéen. Selon l’ONG Amnesty International, environ 500 femmes, pour la plupart âgées, et enfants, vivent dans cinq "camps de sorcières". Sputnik Afrique en discute avec le directeur exécutif de l'Institut Sanneh d'Accra.
Le Ghana est l'un des derniers pays au monde possédant des "camps de sorcières", même si la croyance en la sorcellerie est répandue en Afrique et dans certaines parties de l'Asie. Il en compte cinq. Un projet de loi visant à protéger les personnes accusées enverra un message au Ghana et au monde pour dire que de telles pratiques sont dépassées, a déclaré à Sputnik Afrique le professeur John Azumah, directeur exécutif de l'Institut Sanneh d'Accra.
Le texte vise à protéger les femmes qui sont actuellement battues, expulsées de chez elles et même tuées sur suspicion.

"Nous pensons que, une fois promulgué par le Président, le projet de loi enverra un signal très fort, d'abord à la société ghanéenne et, ensuite, à la communauté internationale, indiquant que de telles croyances et pratiques n'ont pas leur place au 21e siècle", a déclaré le professeur.

Des femmes maltraitées

Si dans le passé, ces camps étaient destinés à servir d'abris aux femmes autour des sanctuaires traditionnels, ils sont devenus au fil du temps des sortes de prisons, a expliqué l'expert.
"Les camps ne sont plus des refuges. Ce sont des prisons ouvertes. Ce sont des lieux d'exploitation et de déshumanisation de ces femmes. C'est pourquoi nous voulons qu'ils soient fermés le plus rapidement possible", a noté M.Azuma.
Les femmes s’y retrouvent soit en quête d'asile après avoir été accusées par leur famille, soit emmenées de force. Elles y sont agressées et exploitées, y compris sexuellement, et se sentent abandonnées parce qu'aucun parent ne les appelle et ne leur rend visite.
Et de décrire le rituel accompli pour les nouvelles venues dès leur entrée dans le camp. Il lui faut abattre un poulet. La tête coupée, le poulet est jeté à terre. S'il atterrit sur le ventre, la femme est considérée comme une sorcière.

Elles ont peur de rentrer

Cependant, même si une femme est déclarée non coupable, les "accusateurs" continueront d’insister sur le fait qu’elle ne peut pas rentrer chez elle.
"Elles [les femmes] auront toujours le sentiment que si elles reviennent dans leurs communautés, elles subiront du tort. C'est pourquoi, par peur, les femmes restent dans les camps", explique M.Azumah.
Le projet de loi prévoit la fermeture progressive des camps de sorcières en l'espace de trois ans. Celles qui peuvent rentrer le feront, et celles qui ne le peuvent pas seront réinstallées dans les communautés, a déclaré le professeur. Le gouvernement devra également proposer des logements alternatifs à celles qui sont trop faibles pour prendre soin d’elles-mêmes, a-t-il ajouté.
Le projet de loi ne découragerait cependant pas les Ghanéens de croire à la sorcellerie, mais viserait uniquement les accusateurs.

Une réintégration est nécessaire

Au Ghana, certains progrès ont été réalisés dans la sensibilisation aux droits de l'Homme en ce qui concerne les accusations de sorcellerie, a déclaré à Sputnik Afrique Lamnatu Adam, directeur exécutif de l'ONG Songtaba. Mais il doit y avoir un débat continu.
"Il y a ce vide que nous devons combler quant à ce en quoi nous croyons et sur la manière dont nos croyances ne sont pas conformes aux principes des droits de l'Homme qui sous-tendent nos convictions", a-t-elle souligné.
En plus de la sensibilisation, l'ONG Songtaba a réalisé des progrès dans la réintégration des femmes dans les communautés de leur choix, selon la militante.
"Nous espérons que le gouvernement viendra soutenir le programme de réintégration afin que nous réintégrions progressivement les femmes tout en poursuivant la sensibilisation au niveau communautaire", a-t-elle fait remarquer.
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