"Les pays européens vont payer les pots cassés" après leurs sanctions contre le Niger
16:11 27.10.2023 (Mis à jour: 14:12 30.10.2023)
© AFP 2024 -Des soutiens du Conseil national de sauvegarde de la patrie (CNSP) du Niger
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Les sanctions contre le Niger vont couper l’Europe des marchés africains, a déclaré à Sputnik l’économiste Issoufou Boubacar Kado Magagi. La France, qui se désindustrialise, risque notamment de le sentir passer.
Retour de bâton. En prenant des sanctions contre Niamey, l’Europe s’isolera un peu plus du continent africain, a expliqué à Sputnik Issoufou Boubacar Kado Magagi, ancien Inspecteur Général d’État du Niger. Une option radicale qui pourrait avoir des conséquences en particulier sur la France, qui importe une partie de son uranium du Niger, pour faire fonctionner ses centrales nucléaires.
Embourbée dans un processus de désindustrialisation, la France est en effet dépendante des ressources du continent, affirme l’économiste. Ce qui explique son embarras après les différents lâchages des pays du Sahel, du Mali au Burkina Faso.
"Les sanctions de l’UE ne vont que l'éloigner des pays africains. Ces derniers vont s'orienter vers les BRICS, c'est certain. Et les pays européens vont payer les pots cassés. La France actuellement n'a rien, même le paracétamol ou l’aspirine,elle les commande à la Chine. La France ne vit que du CFA et des richesses africaines. C'est pour ça qu'elle s'est affolée, qu’elle court dans tous les sens et veut la guerre dans la sous-région. Elle est isolée et ne sait pas comment faire", déclare ainsi l’expert.
Les exportations nigériennes vers l’UE ont déjà été divisées par 40 en août, atteignant tout juste 220.000 euros. La France, qui avait acheté pour 8,3 millions d’euros d’uranium au pays en juillet, est la grande perdante de ce resserrement des vannes, selon les calculs de Sputnik à partir de données du Service statistique européen.
Coup d’épée dans l’eau
Politiquement, les sanctions contre le Niger n’auront d’ailleurs aucun effet et ne freineront pas la reconstruction en cours, souligne encore Issoufou Boubacar Kado Magagi. Les changements politiques se poursuivront, au Niger comme dans toute l’Afrique, pour en finir avec les "roitelets" imposés par l’Occident, qui pillent les richesses du continent, affirme l’expert.
"L’UE a donné un coup d'épée dans l’eau. Les sanctions n'auront aucun effet sur la bonne conduite de la refondation de la république du Niger […] Ces changements contribuent au renforcement de la démocratie en Afrique. Tant qu'il y a mauvaise gouvernance démocratique et économique en Afrique, il y aura toujours des coups d'État militaires ou des insurrections populaires pour ramener l'ordre normal", explique-t-il ainsi.
L’isolement de l’Europe sur le continent africain contribue en outre à faire émerger un monde plus multipolaire. Si l’Occident ne cesse pas ses menaces contreproductives, il perdra ses liens avec l’Afrique, libre de se tourner vers d’autres partenaires, dans un monde devenu un "village planétaire", déclare ainsi Issoufou Boubacar Kado Magagi.
"Le monde est devenu multipolaire. En cas de rupture des relations économiques avec l’UE, les pays africains victimes des sanctions illégitimes peuvent se tourner vers les BRICS, plus attractifs, plus proches des réalités socio-culturelles du continent. Les pays africains sont en droit de conclure des accords de coopération économique, militaire, culturelle, avec des États comme la Russie, la Chine, l'Inde, l'Iran, le Brésil, etc.", explique-t-il.
Ce 23 octobre, les ministres des Affaires étrangères de l'UE avaient approuvé un mécanisme de sanctions spéciales contre les participants au coup d'État au Niger. Ils n’avaient cependant pas introduit de restrictions contre des individus. L’UE avait déjà annoncé soutenir toutes mesures contre le Niger introduites par la CEDEAO, y compris les sanctions.