Pourquoi l’Afrique mise sur l’énergie nucléaire?

© AP Photo / Schalk van ZuydamLa centrale nucléaire Koeberg en Afrique du Sud
La centrale nucléaire Koeberg en Afrique du Sud - Sputnik Afrique, 1920, 21.10.2023
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Face à la croissance continue de la population africaine, aucune source d’énergie, hormis celle du nucléaire, ne peut satisfaire la demande énergétique du continent, a estimé une chercheuse russe du Centre d’études africaines et proche-orientales. De plus, cette énergie peut assurer une production stable et respectueuse des engagements climatiques.
Ne disposant que d’une seule centrale nucléaire sur son territoire, l’Afrique exprime de plus en plus l’intérêt pour le développement de l’énergie atomique. C’est ce qui correspond le mieux à son aspiration pour sa souveraineté générale, a estimé auprès de Sputnik Afrique une chercheuse du Centre d’études africaines et proche-orientales de l’université MGIMO.
"Le plus important est probablement le désir des pays africains à une souveraineté dans tous les sens du terme. Et cela est valable également pour le secteur de l’énergie", a déclaré Lora Tchkonia.
Pour l’heure, plus d’une dizaine d’États se sont prononcés pour la construction de centrales nucléaires, alors que le Burkina Faso vient de signer un mémorandum avec le géant russe Rosatom sur la création d’une telle infrastructure sur son territoire. Une centrale atomique en Égypte est déjà en cours de construction, à l’aide de ladite entreprise russe.

Juguler la faible électrification

En effet, la moitié des habitants africains vit toujours sans accès à l’électricité, et ceci malgré l’amélioration de la situation depuis 20 ans, précise la chercheuse.
À cela s’ajoutent les attentes du doublement de sa population d’ici 2050 et les défis de développement:
"Le problème est que l’Afrique est grande, que sa population augmente et que ce facteur énergétique constitue en réalité un obstacle majeur pour le continent sur la voie de la réalisation de ses objectifs continentaux à si grande échelle. L'Afrique dispose d'un certain nombre de documents stratégiques qui définissent la voie africaine de développement. Il s’agit de l'agenda 2063, de nombreux projets de l'Union africaine, de la Banque africaine de développement, des communautés régionales, y compris économiques".
Cette nécessité a été qualifiée de cruciale lors du forum African Energy Week au Cap, car le continent risque d’être frappé par une catastrophe énergétique dans les 30 prochaines années, selon le secrétaire de l’AFCONE (la Commission africaine de l'énergie nucléaire). Pour Enobot Agboraw, aucune des sources d'énergie, à l'exception du nucléaire, ne sera en mesure de satisfaire la demande croissante du continent.

Assurer la stabilité de la production

En deuxième lieu, le libre accès à l’énergie permettrait au continent d’atteindre ses objectifs, avance la chercheuse. À ce sujet, elle a cité l’exemple de l’Afrique du Sud qui avait été confrontée en février dernier à des délestages électriques:
"Cela réduit la productivité du travail, ralentit de nombreux processus de la vie de la société et, surtout, crée également certains problèmes dans le domaine de la sécurité".
Enfin, les Africains semblent subir une pression de la communauté internationale absorbée par l’idée de la transition écologique vers les sources de l’énergie verte:
"Les Africains subissent des pressions à cet égard, et c’est très injuste. Si l’on évalue la part de l’Afrique dans l’empreinte carbone de l’humanité, elle contribue très peu à la pollution environnementale par rapport aux pays plus développés", nuance Mme Tchkonia.

Répondre aux défis climatiques

Cependant, le continent se retrouve affecté par les conséquences du changement climatique, sans possibilité de les contrecarrer. Par exemple, il a un accès limité aux technologies agricoles plus modernes qui pourraient aider à éviter les conséquences négatives de la sécheresse, souligne la chercheuse.
"Comme nous l’avons vu, lors de la dernière COP-27 sur le changement climatique, il a été reconnu que l’énergie nucléaire est ‘propre’. Par conséquent, les Africains y voient une solution durable qui ne nuira pas à l’Afrique à long terme, contrairement à d’autres sources d’énergie, peut-être actuellement plus disponibles".
Face à la perspective de l’augmentation de la population africaine jusqu’à 3 milliards de personnes vers 2050, le continent n’ayant pas assez de moyens financiers, ne devrait toutefois pas tout miser sur l’énergie nucléaire, poursuit-elle.
"Il existe donc un certain nombre d’obstacles objectifs, tels que le coût élevé de la technologie nucléaire et la défaillance de certains pays africains. Autrement dit, en général, les Africains aspirent à la technologie nucléaire, mais pour le moment, il n’existe aucune opportunité financière".
De plus, il s’agit d’un processus à très long terme, associé à "de très longs travaux préparatoires menés, avant même la décision de construire une centrale nucléaire".
Il est également à prendre en compte la dynamique rapide de la transformation du continent, très peu prévisible:
"Il est difficile pour les pays africains de prendre aujourd'hui des décisions à long terme très coûteuses, car peut-être n'ont-ils pas encore suffisamment confiance dans l'avenir en raison de la rapidité à laquelle tout change aujourd'hui en Afrique et du chemin parcouru au cours des 20-30 dernières années. Il y a 30 ans, tout le monde disait que c'était un continent perdu, maintenant nous disons que c'est le continent de l'avenir".

Comment réussir?

Tout d’abord, il est très important de développer divers instruments de prêt et de financement adaptés pour l’Afrique, a avancé Lora Tchkonia.
Puis, il conviendrait aux pays africains de mettre en place plutôt des petits réacteurs car le coût de leur installation est moindre. Une telle solution pourrait également répondre aux particularités de l’électrification du continent dont les localités sont très éloignées les unes des autres, a-t-elle indiqué.
Selon la chercheuse, il serait également important d’étudier d’éventuels projets nucléaires non énergétiques, notamment dans le secteur de la santé, peu développé en Afrique.
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