Qu’est-ce que l’adhésion au G20 signifie pour l’Afrique?
© AFP 2024 SAJJAD HUSSAINSommet G20 à New Delhi en septembre 2023 (image d'illustration)
© AFP 2024 SAJJAD HUSSAIN
S'abonner
L’acquisition d’un siège au G20 permettra à l’Union africaine de défendre les intérêts de l’Afrique à l’échelle mondiale, a indiqué à Sputnik Afrique l’expert malien Aly dit Agali Welé. Le continent pourrait même être représenté par régions, selon Oumar MC Kone, président de la Mission d'appui à la refondation de l'État.
L’adhésion de l'Union africaine au G20 est une opportunité pour les pays africains de participer à la prise de décisions, notamment économiques, vu que le groupe des 20 a pour vocation de "gérer le plus souvent des aspects économiques", a affirmé auprès de Sputnik Afrique Aly dit Agali Welé, vice-président du Bloc pour le redressement et le développement du Mali.
"Ça va aider l'Afrique à être au cœur de certaines décisions, d'avoir une implication. Et ça nous donne normalement l’opportunité à nous, les Africains, de participer à la prise de beaucoup de décisions et, ce qui va aider vraiment les Africains, de défendre leurs intérêts directs."
L'Union africaine a toujours souhaité rejoindre cette organisation, a poursuivi l’expert. Selon lui, "cette concrétisation est le résultat d'une longue lutte" et "d’une ligne de longue date". Maintenant, "tous les Africains doivent se sentir heureux et être solidaires pour affirmer leur unité", a-t-il suggéré.
"L'Afrique qui adhère cette fois-ci, va mettre les bouchées doubles pour l'intérêt des Africains […].C'est vrai qu'il y a déjà l'Afrique du Sud qui fait partie de ce groupe et mais quand on a l'Union africaine, c'est encore un plus", a conclu Aly dit Agali Welé.
Même statut pour l’UA que pour l’UE
Le rapport de forces au sein du G20 et dans le monde en général devrait changer après cette adhésion, l'Union africaine ayant désormais le même poids et le même statut au G20 que l'Union européenne, a estimé M.Welé. À l’échelle économique mondiale, l’influence de l’UA ne peut pas être négligeable, étant constituée des "poids économiques de ses différents pays".
"Notre poids économique se base sur nos réserves, nos ressources minières, les potentialités naturelles qui font de l'Afrique un poids très utile, très important pour l'économie mondiale. Et ça va permettre d'avoir un contrepoids par rapport à certaines décisions qui seront prises au niveau du G20."
Garder l'Afrique hors de toute question économique, sans sa participation, aurait forcément de graves conséquences et des difficultés, a continué l’expert interviewé par Sputnik Afrique.
"Parce que l'avenir est en Afrique", a-t-il suggéré.
D’ailleurs, l’adhésion au G20 créera un contrepoids pour que les préoccupations des pays africains, ignorées par le passé, soient maintenant prises en compte, a espéré le vice-président du Bloc pour le redressement et le développement du Mali.
Un siège pour 54 pays d’Afrique, mais ce n’est que le début
Comptant 54 pays, l’UA n’aura pourtant qu’une place et qu’une voix au sein du G20. Cependant, cela représente déjà une avancée importante, selon Aly dit Agali Welé, qui a rappelé qu’avant cette adhésion, il n’y avait que l’Afrique du Sud pour représenter le continent africain au sein de l’organisation.
Une voix distincte pour l’Afrique du Sud plus une autre pour toute l’Union africaine, "c’est donc déjà bien pour un début", a-t-il estimé.
En comparant la situation avec l'Union européenne qui, en principe, a aussi beaucoup de pays et une seule voix au G20, M.Welé a exprimé l’espoir que les autres pays d’Afrique auraient bientôt leurs propres sièges au sein du groupe.
"Nous espérons que la donne va changer parce qu'on va continuer à ajouter des pays. Il y aura peut-être d'autres stratégies qui feront en sorte que les Africains seront mieux représentés; les Africains seront mieux écoutés pour la prise de décision", a-t-il confié, ajoutant que les autres pays africains devaient "s'affirmer et chercher à adhérer".
L’expert malien se demande si, avec cette seule voix, les pays africains auront effectivement un "poids unique, unitaire, qui montre l'unité africaine".
Il a invité les différents chefs d'État africains à travailler dans ce sens pour qu'ils n'aient pas de divergences ou bien pour que les choses ne soient pas décidées de façon unilatérale, "comme on le constate souvent dans les organisations africaines".
"C'est des organisations qui sont souvent prises en otage à travers d'autres organisations à travers d'autres pays", a déploré M.Welé.
Une représentation par régions comme suite possible
Un autre expert malien, Oumar MC Kone, président de la Mission d'appui à la refondation de l'État (MARE), a également jugé positivement auprès de Sputnik Afrique le fait que l'UA soit désormais membre du G20.
Pour lui, un moyen de représentativité efficace en interne de l'UA doit être trouvé "pour pouvoir défendre les intérêts et préoccupations de chaque pays du continent africain". Selon cet expert, le continent africain doit travailler davantage pour élever son niveau de représentation au sein de cette organisation:
"À mon avis, le G20 aurait dû être ouvert à plus de représentants de l'Afrique au lieu de la seule UA. On aurait pu imaginer, une représentation pour le Maghreb, une pour l'Afrique de l'Ouest, une pour l'Afrique de l'Est, une pour l'Afrique centrale et une pour l'Afrique australe (partie sud de l'Afrique): 5 représentants pour l'Afrique. Toutefois, cette ouverture de l'Afrique au G20 par la venue de l'UA est à saluer et permettra d'évoquer les enjeux et défis majeurs qui s'imposent aujourd'hui au continent".
Pour aller plus loin, cette transformation doit être opérée également au sein de l'Onu, où aucun pays africain n’a toujours de droit de veto et où "les résolutions les concernant soient écrites par d'autres nations qui le plus souvent sont en déphasage avec leurs propres opinions", martèle l’expert.
"Un progrès certes par l'intégration de l'UA dans le G20 mais insuffisant pour atteindre un équilibre dans les prises de décisions dans les institutions internationales", a-t-il conclu.
Un parallèle avec le récent élargissement des BRICS
Avec l'élargissement du G20 à l'Afrique, un parallèle se fait inévitablement avec les BRICS, s’agissant de nouvelles adhésions pour le continent, a continué l’expert malien.
"Ça donne plus de poids à l'Afrique parce que ça permet de participer, d'être impliqué, de prendre certaines décisions ensemble, plutôt que ce soit décidé à notre place. Et en plus de cela, la logique qu'il y a actuellement, dans le cadre de la géostratégie, de la géopolitique […] va forcément influencer les questions économiques", a-t-il estimé.
Certains pays qui sont dans les BRICS et qui ont de bons rapports de collaboration et de partenariat avec l'Afrique se renforcent de façon visible, a-t-il affirmé.Pour M.Welé, cette évolution témoigne de ce que "les choses vont de mieux en mieux". Pour lui, il n’est désormais possible de "faire les choses" sans Afrique qui, au bout de 25 ans, se transformera en un groupe "très fort":
"L'Afrique ne doit plus rester en marge et l'Afrique ne sera plus en marge parce que l'Afrique commence à s'imposer. Qu'on le veuille ou pas, on est tenu, on est obligé de voir la participation accrue de l'Afrique dans tout le processus mondial, dans toutes les actions mondiales, que ce soit sur le plan économique, que ce soit sur le plan climatique... Bref, l'Afrique est incontournable dans tout ce qui se fait" a-t-il assuré, ajoutant que "dans les 25 ans à venir, l'Afrique sera un groupe très fort parce que toutes les potentialités que nous avons, dans les 25 ans qui vont venir seront mises à niveau pour l'utilisation, l'exploitation et le développement harmonieux du continent africain. Et j'invite tous les Africains à prendre conscience de cet atout, de cette opportunité".