Fin de la "volonté néocoloniale françafricaine": un ancien diplomate malien sur le Niger
13:14 04.08.2023 (Mis à jour: 11:50 12.09.2023)
© AP Photo / Sam MednickCoup d'Etat au Niger en 2023
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Les événements au Niger montrent que le pays, tout comme la région du Sahel, se désengage de l’Occident qui s’est enfoncé dans une crise néocoloniale, estime auprès de Sputnik Afrique l’ex-ambassadeur malien. Birahim Soumaré dénonce la politique "paternaliste" de Paris et s’oppose à l’option d’une intervention militaire à Niamey.
La prise du pouvoir par les militaires au Niger est "un coup à l'Occident" pour se désengager de la vision occidentale, et c’est une tendance palpable dans tous les pays du Sahel, avance auprès de Sputnik Afrique Birahim Soumaré, analyste des questions diplomatiques et stratégiques, ancien ambassadeur et conseiller diplomatique de trois présidents de la République du Mali. Il décortique les événements troublants au Niger, quand le 26 juillet le général Abdourahamane Tiani, épaulé par d’autres militaires, a renversé le Président élu Mohamed Bazoum, élu en 2021, en se proclamant le nouveau chef de l’État.
"Si ce n'est une rupture totale avec l'Occident, à tout le moins, on se désengage de plus en plus de liens avec l’Occident", avance l’ancien diplomate, ajoutant que le Niger "s'achemine vers une sorte de décrochage" avec les pays occidentaux. La même tendance est visible au Mali, au Burkina Faso, souligne-t-il.
Intervention militaire
Dans ce contexte, l’intervention militaire, évoquée récemment par la CEDEAO comme un recours ultime pour rétablir l’ordre constitutionnel, "ne fera qu'aggraver la crise sécuritaire que nous vivons". L’usage de la force "aura pour conséquence de troubler l'ordre au niveau du Sahel et voire de façon plus large, de troubler toute la partie de l'Afrique de l'Ouest jusqu'au Golfe de Guinée, et ça va continuer", estime-t-il.
"Aucune intervention internationale armée parrainée par je ne sais quelle organisation ne pourra rétablir l'ordre dans ce pays-là", tranche-t-il.
"On aurait dû lutter contre le djihadisme et non menacer un pays souverain parce qu'il a choisi de régler ses contradictions internes de la façon assez spéciale qui lui appartient", argue-t-il, alors que les militaires ont renversé le Président, élu en 2021.
Ce dernier reste depuis séquestré à son domicile à Niamey.
Politique néocoloniale de l’Occident
Birahim Soumaré voit pour origines la volonté de ce pays de rompre avec la politique néocoloniale de l’Occident et d’affirmer "le changement du paradigme ".
"Vous avez cette conception assez paternaliste qui fait que les gens en ont assez. On ne peut pas continuer comme ça. Et cette conception du sauveur, de celui qui vient amener la civilisation et qui met quelqu'un pour jouer son rôle-là, un rôle néocolonial, un rôle de gardien, c'est terminé", lâche-t-il .
"Toute cette volonté néocoloniale françafricaine est terminée. C'est une nouvelle géopolitique qui est en train de se dessiner dans ce monde-là, avec les BRICS, avec la Russie, avec la Turquie, avec d'autres pays", martèle l’ex-ambassadeur.
Contrairement à la Russie ou la Chine, les pays occidentaux ne sont pas prêts à "travailler gagnant-gagnant du point de vue stratégique" avec l’Afrique.
Les drapeaux russes au vent
Depuis le coup de force militaire à Niamey, quelques manifestations en soutien aux militaires au pouvoir ont été organisées. Durant les rassemblements, les manifestants ont brandi des drapeaux russes en scandant des paroles anti-françaises. Le drapeau russe a trouvé une nouvelle symbolique, avance Birahim Soumaré.
"Le drapeau russe est utilisé comme étendard d'un souffle de liberté, d'un souffle de souveraineté, d'un souffle de volonté d'assumer nous-mêmes nos décisions stratégiques et d'assurer également les intérêts supérieurs de nos peuples. Ce drapeau-là est comme un étendard qui est mis comme ça pour exprimer ce désir-là", considère-t-il.
La stabilisation de la situation sécuritaire dans la région dépend directement du refus des gouvernements des pays sahéliens de "rentrer dans des schémas, des calculs et des visions hégémoniques", résume l’analyste.