Partenariat spatial Afrique-Russie: deux experts listent les avantages pour le continent
22:01 30.04.2023 (Mis à jour: 15:57 01.05.2023)
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Les pays africains souhaitent être complètement indépendants et garantir leur sécurité alimentaire et militaire. Un partenariat avec la Russie dans le domaine des technologies spatiales pourrait leur être profitable, déclarent à Sputnik un expert de l'Institut Schiller et un chercheur au Centre russe d'études sur le Moyen-Orient et l'Afrique.
Un partenariat avec la Russie dans le domaine des technologies spatiales profiterait aux pays africains dans plusieurs sphères, dont l’agroalimentaire, la lutte contre le terrorisme et la sécurité, ont estimé à Sputnik Sébastien Périmony, responsable du bureau Afrique de l’institut Schiller, et Ivan Lochkarev, chercheur au Centre d'études sur le Moyen-Orient et l'Afrique de l’Institut d’État de Moscou des relations internationales (MGIMO).
"L'Afrique connaît une vraie renaissance, une vraie politique continentale ou quasi continentale de développement de ses infrastructures, de recherche, de partenariat pour le développement des technologies, que ce soit dans le spatial, le nucléaire et bien d'autres domaines. Donc la coopération dans le domaine spatial avec la Russie, évidemment, va devenir de plus en plus importante dans ce contexte", a indiqué M.Périmony.
Le sommet Russie-Afrique, une occasion pour discuter des satellites
Moscou manifeste clairement sa volonté d’élargir le partenariat et "d’augmenter l’offre de ses technologies spatiales aux pays d’Afrique", note l’expert français de l’Institut Schiller.
Et "le sommet Russie-Afrique qui aura lieu fin juillet en Russie sera une des occasions", avance-t-il.
Sécurité alimentaire et climatique
Les technologies spatiales proposées par la Russie peuvent aussi apporter un plus à l'objectif d’autosuffisance alimentaire africaine, qui contribuerait au développement durable, estime M.Périmony.
Les satellites permettent entre autres de relever "les défis sécuritaires, environnementaux, agricoles d’accès à l'eau, de lutter contre l'orpaillage clandestin, les défis climatiques", a-t-il expliqué.
"La sécurité alimentaire est clairement liée au déploiement d'une vaste constellation de satellites qui couvrent les changements qui se produisent sur le continent africain en termes de climat et de mouvements côtiers. En ce qui concerne, par exemple, les mouvements des criquets, c'est particulièrement pertinent pour l'Afrique de l'Est. Et collectivement, une compréhension plus précise des mécanismes de déplacement de certains phénomènes météorologiques ou d'associations naturelles, comme celles de la Russie", pense pour sa part M.Lochkarev.
Souveraineté nationale et lutte contre le terrorisme
Les deux experts interviewés par Sputnik s’accordent sur la nécessité pour les pays africains d’avoir leurs propres satellites.
"C'est la question de la souveraineté nationale. C'est pour ça d'ailleurs que la plupart des pays d'Afrique aujourd'hui essayent de fabriquer leurs satellites 100% avec leurs ingénieurs, avec leurs scientifiques. Justement pour avoir cette souveraineté des données, cette souveraineté militaire et cette souveraineté spatiale, on pourrait dire grâce aux technologies", souligne M.Périmony.
Pour M.Lochkarev, il ne s'agit pas seulement de la souveraineté spatiale de pays d'Afrique, de la Russie, de l'Inde ou d'autres États. À une époque où l’on assiste à la militarisation de l’espace, au développement d’armes antisatellites, "il importe d'unir les efforts et d'établir un ensemble clair et transparent de règles de conduite dans l'espace extra-atmosphérique". La Russie et la Chine ont déjà proposé de signer un traité sur l’utilisation pacifique de l’espace, mais leurs efforts ne trouvent pas assez de soutien auprès d’autres pays.
"Nous parlons de la militarisation rapide de l'espace […] et de la possibilité de détruire des satellites alors qu’ils pourraient apporter d'énormes avantages aux États africains […]. Il est très important que les États africains adoptent une position claire et compréhensible selon laquelle la militarisation de l'espace et l'imposition unilatérale de règles de conduite dans l'espace sont, bien entendu, inacceptables".
Quels pays d’Afrique pourraient devenir partenaires de Moscou dans l’espace?
L’agence spatiale russe Roscosmos a nommé l’Algérie, l’Égypte et l’Afrique du Sud parmi les pays avec lesquels la Russie réalise déjà des projets dans l’exploration spatiale.
Selon M.Lochkarev, cela s’explique par le fait que ces trois pays "ont un certain potentiel pour construire leurs propres satellites".
"En ce qui concerne l'Algérie, plusieurs des satellites qui fonctionnent actuellement pour l'agence spatiale algérienne ont été conçus avec la participation de scientifiques algériens. La situation est similaire en Égypte, où il existe même une entreprise entière qui produit des satellites. Par conséquent, les possibilités de développement des relations avec ces États et leurs agences spatiales impliquent, entre autres, le renforcement des échanges technologiques", analyse le chercheur russe.
D’ailleurs, d’autres pays du continent peuvent aussi lancer des projets prometteurs avec la Russie dans ce secteur, estime Sébastien Périmony.
"Il est vrai que la Russie travaille plus directement avec l'Algérie, l'Égypte, l'Afrique du Sud, qui sont des partenaires historiques […]. Mais il ne faut pas oublier l'Angola", selon lui.
En effet, en octobre 2022, la Russie a placé en orbite le satellite angolais Ango SAT-2.
Quid des satellites à vocation militaire?
Pour M.Lochkarev, "tout satellite peut être utilisé à des fins pacifiques ou militaires […]. Si nous parlons de pays comme l'Algérie, elle fait face à de sérieux risques liés à la propagation de l'intégrisme islamique dans la région nord-africaine et aux déplacements de groupes terroristes mobiles (par exemple, d’Al-Qaïda au Maghreb islamique*) dans les zones désertiques".
Les satellites permettent de contrôler ou du moins de "mieux comprendre ce qu’il se passe, quels sont les mécanismes d'approvisionnement en armes et de mouvement de ces groupes. Cela nous permettra de répondre plus efficacement à ces menaces", explique M.Lochkarev.
Dans cette optique, il estime que l’Algérie pourrait bien collaborer avec la Russie sur la mise en orbite de satellites qui seront utilisés à des fins sécuritaires.
* Organisation terroriste interdite en Russie