Le génocide du Rwanda a une dimension africaine et internationale, explique un expert

© AFP 2024 Simon MainaCrânes au mémorial du génocide à Nyamata
Crânes au mémorial du génocide à Nyamata - Sputnik Afrique, 1920, 07.04.2023
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Le génocide rwandais, dont on commémore le 29e anniversaire, est d’abord un problème interne à l’Afrique, même si des acteurs internationaux ont contribué à l’alimenter, explique à Sputnik Mamadou Thior, du Conseil pour l'observation des règles d'éthique et de déontologie dans les médias.
Alors que ce 7 avril signe le 29e anniversaire du début du génocide rwandais, des interrogations subsistent sur les véritables ressorts du massacre. La tragédie a une dimension à la fois africaine et internationale, déclare à Sputnik le politologue sénégalais Mamadou Thior, président du Conseil pour l'observation des règles d'éthique et de déontologie dans les médias.
Ce sont d’abord les tensions ethniques entre Hutus et Tutsis qui ont précipité le génocide, les "petites identités communautaires" prenant le pas sur le concept de nation, explique l’expert.
"Le génocide du Rwanda a d'abord une dimension africaine. Ce sont deux ethnies qui se regardaient en chien de faïence, les Hutus et les Tutsis […] À certains moments, les Hutus prenaient tout et les Tutsis se sentaient à l'écart. Forcément, quand ça dure des années, il y a ce ressenti, qui fait qu'on peut arriver jusqu'à ce niveau-là. C’est déplorable, parce que quand on parle d’un million de morts…", déclare-t-il.
Mais d’autres puissances internationales ont également joué un rôle dans la montée des tensions, particulièrement la France, rappelle Mamadou Thior. Paris avait clairement pris position aux côtés du Président hutu Juvénal Habyarimana, déclenchant notamment l’opération Noroît en 1990. L’assassinat de ce dernier marque le début du génocide.
"La France à l'époque s’était rangée du côté du Président d'alors, Juvénal Habyarimana, qui a été tué le 6 avril. La France a tout fait pour protéger le dignitaire du régime […] Ce parti pris pour un des protagonistes n'a pas beaucoup aidé! Cela n'a pas aidé la France à être une médiatrice. C’est ce qui a mis mal à l'aise les différents Présidents français. Durant toutes ces années, ils ont nié la responsabilité de la France alors que cette responsabilité est réelle!", explique le politologue.
La Belgique, un temps associée à l’opération Noroît, l’avait d’ailleurs quittée en octobre 1990 après les arrestations de milliers de Tutsis, qui préfiguraient les massacres à venir.

Impuissance internationale

La France s’est par la suite illustrée durant le génocide par l’inefficacité de l’opération Turquoise, souvent critiquée pour avoir fait preuve de mansuétude vis-à-vis des génocidaires. Mais derrière l’opération organisée par la France, c’est toutes les structures internationales qui ont perdu pied, souligne Mamadou Thior, qui regrette qu’une solution africaine n’ait pu être envisagée.
"L’intervention des Nations unies a été un échec. À sa tête, l’opération française Turquoise s'est aussi soldée par un échec cuisant. C'est un tableau sombre. Malheureusement une perspective africaine ne s'est pas ouverte. Il n’y a pas eu une solution africaine à cette crise africaine, alors que ça aurait pu être le cas. À l'époque, nous n'avions pas l'Union africaine", rappelle-t-il.
Aujourd’hui encore, le laxisme de la justice française avec certains responsables du génocide continue d’interroger. Mi-janvier, Aloys Ntiwiragab, suspecté d’être une cheville ouvrière du massacre, s’était payé le luxe de déposer une plainte contre une journaliste française, lui reprochant de l’avoir traité de "nazi africain".
Félicien Kabuga, souvent surnommé le "financier du génocide", avait également pu vivre plusieurs années en France, sous diverses identités, avant finalement d’être arrêté en mai 2020.
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