"Tous savaient que l’Irak n’avait aucune arme de destruction massive", dit un ex-ministre égyptien
© AP Photo / PETROS GIANNAKOURISUn officier US en Irak obserbe la démolition d'un stock de munitions, 2007
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Quelles étaient les raisons de l’intervention militaire américaine en Irak en 2003? Quelles en sont encore les conséquences aujourd’hui? Interrogé par Sputnik, Nabil Fahmy, ancien chef de la diplomatie égyptienne et ancien ambassadeur à Washington, analyse les circonstances de cette invasion.
Lancée sous un faux prétexte, l’intervention américaine en Irak a suscité l’apparition et la propagation de Daech* dans la région, laquelle en souffre toujours, a déclaré Nabil Fahmy, ex-ministre égyptien des Affaires étrangères, dans une interview à Sputnik.
L’homme politique, qui travaillait à l’époque comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire égyptien aux États-Unis, est revenu sur cette invasion qui a débuté il y a 20 ans jour pour jour. Selon lui, certains néoconservateurs manifestaient "un intérêt malsain" pour ce pays arabe depuis l’arrivée au pouvoir de George W.Bush.
"L’administration américaine était déterminée à entrer en Irak […]. Cela se voyait dans le discours de Dick Cheney et Paul Wolfowitz [qui étaient à l’époque respectivement vice-Président et secrétaire adjoint à la Défense, ndlr]. Les actions ont été planifiées à partir du 11 septembre", a estimé Nabil Fahmy. Il a également déclaré que Dick Cheney lui avait fait part en personne de son intention de se consacrer à l’Irak.
Cependant, Washington "était contraint de justifier cette opération militaire pour convaincre la communauté américaine de l’existence d’une menace réelle", poursuit-il.
En effet, le secrétaire d'État américain Colin Powell a alors présenté un flacon de poudre blanche, un prétendu échantillon d’armes biologiques de destruction massive élaborées par Saddam Hussein.
"C’est notamment pour cela qu’ils ont joué la carte de la possession par l’Irak d’armes nucléaires, chimiques et biologiques. Mais en réalité, tous savaient que l’Irak n’avait aucune arme de destruction massive", a noté l’ex-chef de la diplomatie égyptienne.
Quelles raisons?
Les autorités américaines ont été prévenues de l’inutilité de cette opération, poursuit Nabil Fahmy. Il a assuré avoir transmis un tel message de la part de Hosni Moubarak, alors Président égyptien, à l’armée américaine.
Une délégation égyptienne s’est même rendue à Washington environ quatre semaines avant le début de l’opération pour dissuader la secrétaire d’État Condoleezza Rice et M.Wolfowitz: "Nous les avons avertis que cette invasion serait un désastre pour la région". En vain.
En tout cas, cette décision a été prise "indépendamment des démarches du Président irakien Saddam Hussein et des souffrances du peuple irakien", a ajouté l’ancien ministre et ambassadeur.
Selon lui, il est possible que Washington ait cherché à réaliser ses ambitions après la libération du Koweït, "car il y avait une polémique à l’époque au sujet de la nécessité de finaliser la guerre de libération. En 1990, l’Irak a pris le contrôle du Koweït suite aux disputes pétrolières. Quelques mois plus tard, les États-Unis y ont lancé une opération militaire.
Une autre raison possible pourrait résider dans l’élaboration par Washington de la conception d’un "nouveau Proche-Orient", a suggéré M.Fahmy. Par exemple, "il était plus simple de commencer à la mettre en place avec un Irak affaibli par les sanctions".
Conséquences
Entretemps, cette guerre a provoqué la résurgence de terroristes de Daech* "au Levant et dans la région du golfe Persique".
Plus tard, elle a conduit à leur émergence aussi dans la région. "Encore aujourd’hui, le Proche-Orient fait face aux conséquences de l’invasion américaine en Irak il y a 20 ans", statue l’ex-ministre égyptien.
Maintenant, les pays arabes se rendent compte qu’il ne faut pas donner la préférence aux États-Unis. Washington est désormais considéré comme un partenaire important mais pas unique, conclut-il.
*Organisation terroriste interdite en Russie