Au Maroc, le packaging spécial Saint-Valentin d’une génoise fait réagir la Toile

Rabat, Maroc - Sputnik Afrique, 1920, 13.02.2022
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À l'approche de la Saint-Valentin, une marque marocaine de génoises se retrouve au cœur d’une polémique en raison de son packaging, que certains jugent "osé". Débats sur les réseaux sociaux et appels au boycott, décryptage de ce phénomène avec une experte en communication.
"Tu me manques", "Je t’aime", "Je ne peux pas t’oublier" …. le tout, inscrit en darija (dialectal) sur les emballages d’une célèbre marque marocaine de génoises fourrées. Il n’en fallait pas plus pour provoquer de vives réactions sur les réseaux sociaux, faisant du nom de la marque #Merendina l’une des tendances sur Twitter au Maroc, durant quelques heures, dans la journée du jeudi 10 février. La cause? Le packaging n’est pas du goût de tous, les inscriptions ont été jugés immorales par certains consommateurs, notamment ceux qui considèrent que fêter la Saint-Valentin va à l'encontre de leurs préceptes religieux.
"J’arrive sur Twitter et je vois que tout le monde parle de Merendina, que se passe-t-il?"
La campagne a tellement choqué les plus conservateurs que certains épiciers sont allés jusqu’à retirer le produit de leur boutique, tout en appelant au boycott de la marque.
En un rien de temps, ce qui au départ amusait la Toile s’est finalement transformé en sujet de débat autour d’une "nécessaire protection des mœurs" pour certains, d’une "hypocrisie ambiante" pour d’autres.
Contactée par Sputnik, Khadija Idrissi Janati, experte en communication et en relations publiques, estime que cette polémique est en réalité révélatrice de nombreux maux de la société arabe.

"Le fait d’avoir des voix qui s’élèvent contre une marque qui inscrit sur ses packagings des déclarations d’amour, avec des mots qui n’ont rien de vulgaire, et qui ne sont interdits ni par nos codes sociaux ni par la religion, nous pousse à penser cette société où certains rejettent les valeurs de l’amour, les considérant comme tabou, "hchouma" [honteux] voire parfois haram [péché].Pourquoi une telle relation avec l’amour?", s'interroge l’intervenante.

Elle ajoute: "On se dirige vers une polarisation de la société avec d’un côté les ultra- conservateurs et de l’autre les ultras-libéraux. Au centre, on n'a plus grand-chose. Il ne reste plus que des personnes qui veulent imposer leur point de vue."

Les réseaux sociaux, amplificateurs des maux sociétaux

Comment expliquer qu’en l’espace d’une semaine seulement, le Maroc a basculé d’un élan d’humanisme, de communion et d’entraide suite à la tragédie du petit Rayan, à un mouvement de rejet de ces valeurs même d’amour, se demandent certains sur la Toile marocaine?
Pour la spécialiste, il faut souligner d’une part que les réseaux sociaux ont un rôle d’amplificateur des réactions, avec l’objectif de convaincre, par la forme, les montages ou les vidéos...Ils ont aussi un rôle de sensibilisation à une cause et le pouvoir de rallier une communauté, constate-t-elle. " Leur rôle devient crucial, avec un impact immédiat et dont les limites ne sont plus définies. Ce qui est intéressant ici, c’est que l’on peut faire passer les gens à l’action. On lance une campagne et elle a un véritable impact dans la vie réelle".
Par ailleurs, cette réaction serait également le résultat d’un long cumul chez les consommateurs. En effet, la même marque n’en est pas à sa première polémique. Il y a quelques années, une campagne vidéo mettant en scène deux jeunes amoureux avait également fait réagir la Toile, car jugée par certains comme inappropriée pour un pays arabe et musulman, dont il faudrait protéger les mœurs. Selon l’experte, "les Marocains estiment probablement que ne pas réagir maintenant ouvrirait la porte à des campagne plus ‘osées’".

Un bon coup de buzz?

Une chose est sûre, la marque aura réussi à faire parler d’elle durant plusieurs jours. Les avis divergent toutefois entre ceux qui saluent une campagne remarquable et ceux qui parlent d’un gros ratage. Pour Khadija Idrissi Janati, la situation peut être interprétée des deux manières. "La marque profite actuellement de ce bad buzz. Certains se sont déplacés chez l’épicier pour voir le produit, d’autres ont été agréablement surpris par le contenu qu’ils ont aussitôt relayé en taguant la marque". Certaines marques ont même saisi la perche pour leur propre communication.
Mais cette polémique aurait peut-être fait perdre des clients à la marque, à cause du boycott lancé par certains épiciers. Il n'en demeure pas moins que le résultat final dépendra de la réaction de l’enseigne, estime l’interlocutrice de Sputnik, qui conclut: "L’idée est créative, intéressante et engageante. Et le pouvoir des réseaux sociaux montre si l’initiative crée de l’engagement ou pas".
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