Kokochniks inspirés des tiares de Cartier: ce que ces coiffes russes apportent à la culture mondiale
06:25 17.01.2022 (Mis à jour: 09:40 17.01.2022)
© Photo Johann NikadimusUn kokochnik-tiare. Johann Nikadimus
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Johann Nikadimus redonne ses lettres de noblesse à la coiffe russe authentique, le kokoсhnik. Interviewé par Sputnik, l’artiste a parlé de la longue histoire de cet accessoire dont divers types pouvaient révéler des détails sur sa porteuse, comme le "lounnik" arboré par Manizha, candidate russe à l’Eurovision 2021.
Né à Kazan, Johann Nikadimus a des racines mixtes: son père est Assyrien (peuple du Moyen-Orient qui a trouvé refuge en Russie en début du XXe siècle, ndlr) et sa mère est Russe. Il y a sept ans, il s’est lancé dans la création de kokochniks, mais pas des ordinaires. En 2018, cet accessoire est devenu un symbole de la Coupe du monde de football et en 2021, l’une des œuvres de Johann a été portée par la chanteuse Manizha sur le tapis rouge.
Au micro de Sputnik, il dit ne pas craindre les nouvelles technologies et espérer qu’il y aura de plus en plus d’artisans comme lui, qui pratiquent des techniques anciennes de broderie. Et que le monde découvre ces traditions à travers leurs œuvres.
Lorsqu’il a créé son premier kokoсhnik, qui ressemble à un flocon de neige et est affectueusement nommé en son honneur, il a pensé:
"Il serait beau si, outre la matrioсhka, une bouteille de vodka et le caviar, on pouvait rapporter avec soi de Russie un kokoсhnik, pour soi-même ou pour en faire cadeau", se souvient Johann. "Un vrai kokoсhnik, une copie d’une coiffe ancienne. Partout dans le monde on peut dire +balalaïka, ouchanka, vodka, matrioсhka, kokoсhnik+ et tous comprennent vite de quoi il s’agit. Vous ne pouvez acheter, sous sa forme réelle, que le kokoсhnik."
Sa première œuvre était une couronne du gouvernorat d’Arkhangelsk.
© Photo Johann NikadimusLa première œuvre de Johann Nikadimus, une couronne du gouvernorat d’Arkhangelsk
La première œuvre de Johann Nikadimus, une couronne du gouvernorat d’Arkhangelsk
© Photo Johann Nikadimus
Et voilà que cette authentique coiffe russe "est effectivement devenue" un objet traditionnellement rapporté comme souvenir.
"En effet, les gens tendent à aimer le porter. Je supposais qu’on serait intéressé par un tel objet décoratif pour sa maison ou pour l’offrir à quelqu’un, mais il s’avère qu’on veut plutôt le porter", constate l’artisan, qui se réjouit du fait que des couturiers contemporains s’inspirent récemment des costumes nationaux, locaux.
© Photo Johann NikadimusJohann Nikadimus
Johann Nikadimus
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Parmi les clients de Johann Nikadimus, figurent surtout des Russes, dont certains vivent à l’étranger. L’un des kokoсhniks a été acheté comme cadeau pour étoffer la collection de la légendaire actrice Fanny Ardant, qui adore la culture russe.
Il y a diverses théories sur l’apparition de cet accessoire féminin sur le territoire russe.
"La vraie histoire reste inconnue. D’après une hypothèse, il s’agit d’une influence byzantine. En outre, une étude a démontré que les fouilles archéologiques attestent de racines russes archaïques", explique l’artiste.
"J’aime l’idée suivante: des gens habitent partout et se heurtent aux mêmes manifestations de la nature, au sens propre ainsi que de la nature humaine, c’est pourquoi presque les mêmes choses y apparaissent en conséquence. Il ne s’agit pas de mouvement, mais plutôt d’une logique naissance des mêmes choses. Ainsi, toute culture peut se vanter de grandes coiffes."
Types de kokochnik
Globalement, les coiffes féminines ont deux grandes subdivisions: celles portées avant de se marier et celles arborées après. Avec les premières, la jeune femme peut montrer ses cheveux, tressés ou détachés: ce peut être des bandeaux, des couronnes. Alors que les secondes couvrent l’ensemble de la chevelure.
© Photo Johann NikadimusUn "lounnik", type de kokochnik, créé par Johann Nikadimus
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Un "lounnik", type de kokochnik, créé par Johann Nikadimus
© Photo Johann NikadimusUn "lounnik" créé par Johann Nikadimus
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Un "lounnik" créé par Johann Nikadimus
© Photo Johann Nikadimus Une coiffe russe conçue par l'artiste Johann Nikadimus
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Une coiffe russe conçue par l'artiste Johann Nikadimus
© Photo Johann NikadimusDes œuvres de Johann Nikadimus
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Des œuvres de Johann Nikadimus
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Un "lounnik", type de kokochnik, créé par Johann Nikadimus
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Un "lounnik" créé par Johann Nikadimus
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Une coiffe russe conçue par l'artiste Johann Nikadimus
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Des œuvres de Johann Nikadimus
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Des œuvres de Johann Nikadimus
"La Russie est un énorme pays, il y a un grand nombre de traditions locales qui peuvent différer fortement. De plus, il existe des traditions de village, de ville (dans la ville on parle plutôt des tendances de mode) et de statut (démontrer son statut dans la société, comme aujourd’hui)", précise Johann.
Le kokochnik de Manizha, "comme un iPhone" du XVIIIe siècle
La chanteuse Manizha, candidate russe à l’Eurovision 2021 née au Tadjikistan, a porté un "lounnik", semblable à une demi-lune, "un kokochnik absolument traditionnel du gouvernorat de Vladimir" dont des prototypes des XVIIIe et XIXe siècles sont exposés au musée.
"C’est une coiffe russe traditionnelle. Il n’y a aucune coiffe similaire dans le monde. C'est d'autant plus amusant que des gens qui n'ont pas aimé Manizha ont écrit: +Il n'existait pas de tels kokochniks, c’est quoi, une sorte de demi-lune de Satan+", pointe le créateur, espérant que le public en apprendra plus sur ce sujet dorénavant.
"Les lounniks étaient plus grands ou plus petits. C'est le kokochnik russe le plus traditionnel au sens le plus pur, répandu dans toute la région de la Volga et le centre de la Russie. Ce sont les citadines qui le portaient. […] Au XVIIIe siècle, on le retrouve dans les villes comme une coiffe habituellement chère. Comme un iPhone ou une Jeep actuellement: c'est tout aussi cher, mais très à la mode."
© Photo Johann NikadimusUn "lounnik" porté par la chanteuse Manizha
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Un "lounnik" porté par la chanteuse Manizha
© Photo Johann NikadimusUn "lounnik" porté par la chanteuse Manizha, créé par Johann Nikadimus
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Un "lounnik" porté par la chanteuse Manizha, créé par Johann Nikadimus
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Un "lounnik" porté par la chanteuse Manizha
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Un "lounnik" porté par la chanteuse Manizha, créé par Johann Nikadimus
À la base des tiares de Cartier
En 2021, Cartier a invité Johann Nikadimus à utiliser ses diadèmes comme source d'inspiration. L’exposition consacrée à la nouvelle collection de la maison de mode française se tenait dans un manoir fermé, pour des hôtes triés sur le volet, et l’artiste russe y a fait sa contribution.
"L’idée consistait à créer quelque chose de russe. Parallèlement à la présentation de la nouvelle collection, Cartier a apporté des diadèmes anciens, dont ceux qu'ils fabriquaient pour les princes et princesses russes. À la fin du XIXe siècle, la maison Cartier s'est inspirée des ornements et des kokochniks russes, et aujourd’hui a voulu m’inviter pour fabriquer des kokochniks en s'inspirant des œuvres que Cartier a faites il y a 100 ans. Et voilà j’ai conçu, en utilisant les technologies anciennes russes, plusieurs kokochniks inspirés des tiares de Cartier", raconte-t-il.
© Photo Johann NikadimusUn kokochnik-tiare. Johann Nikadimus
Un kokochnik-tiare. Johann Nikadimus
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En 2022, l’artisan envisage de créer plusieurs collections de kokochniks traditionnels, de poursuivre sa recherche sur les œuvres inspirées par les diadèmes et de travailler avec des bijoux. Tout en étant ouvert à d’autres campagnes internationales.
© Photo Johann NikadimusDes œuvres de Johann Nikadimus
Des œuvres de Johann Nikadimus
© Photo Johann Nikadimus
Une technique de broderie très ancienne
Attristé par le fait que les kokochniks présentés dans les magasins de souvenirs ne ressemblent en rien aux vrais, l’artiste rappelle ce qu’il faut garder à l’esprit en contemplant ses œuvres:
"Ce sont des coiffes anciennes ayant une longue histoire. La technique que je pratique, broder à la perle, a été mentionnée pour la première fois au IXe siècle. Cette méthode n’existe plus nulle part, développée à un tel niveau. Les perles, en général, étaient considérées partout comme une pierre purement russe, car la Russie jusqu'à la seconde moitié du XIXe siècle était sa principale consommatrice", résume Johann Nikadimus.