Pourquoi le nombre de tankers transportant du gaz américain en direction de l’Europe explose?

© AP Photo / Houston Chronicle, Steve CampbellUn tanker US, image d'illustration
Un tanker US, image d'illustration - Sputnik Afrique, 1920, 28.12.2021
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Le fait que le nombre de tankers transportant du GNL américain vers l’Europe se multiplie peut s’expliquer par le prix plus élevé du gaz en Europe qu’en Asie, avance un expert russe auprès de Sputnik. Certains préfèrent payer plus cher en optant pour le marché spot, un modèle "ultra-libéral", que de collaborer avec Gazprom à des tarifs avantageux.
Les navires-citernes transportant le gaz naturel américain en direction des côtes européennes deviennent de plus en plus nombreux, rapporte Bloomberg, au plus fort de la crise gazière sur le Vieux Continent.
Selon les données compilées par l’agence, une vingtaine de tankers supplémentaires se dirigent vers l’Europe, alors qu’une quinzaine avait été observée avant les vacances de Noël. Quatorze autres navires pourraient également emprunter ce chemin, mais attendent les ordres définitifs.
Au total, d’ici la fin janvier, jusqu’à 40 navires-citernes supplémentaires transportant du GNL pourraient faire escale dans les ports européens, avance le Financial Times.
Après leur envolée spectaculaire jusqu’à près de 2.200 dollars (1.940 euros) pour 1.000 mètres cubes, les prix du gaz en Europe ont chuté pratiquement de moitié suite à la diffusion d’informations sur un approvisionnement en gaz américain.

"Zéro politique", juste "du business"

Interrogé par Sputnik sur les raisons de ces fluctuations sur le marché gazier, le directeur du Fonds russe de développement énergétique Sergueï Pikine qualifie ce phénomène de purement économique. Il rappelle que le gaz naturel a coûté très cher en Asie pendant toute l’année, c’est pourquoi il se vendait plutôt sur ce continent.
"Comme les prix européens affichés sont largement plus élevés que ceux asiatiques ces derniers temps, le GNL a été redirigé là où le prix est meilleur."
M.Pikine insiste sur le "zéro politique" dans cette question, pointant un "jeu classique économique".
"Le GNL est livré là où il se vend plus cher. Par exemple, si les prix montent demain jusqu’à 1.500 dollars en Asie, les tankers changeront de cap de nouveau. Aucune politique, juste du business. D’autant plus que ce sont notamment les entreprises privées qui vendent et achètent cette matière privée et non les États. Il n’y a là ni la main de l’Oncle Sam ni de la Commission européenne. Ils travaillent pour en tirer profit. C’est pour dire que personne n’a privilégié personne."
En d’autres termes, il s’agit "d’un simple arbitrage entre les marchés européen et asiatique", poursuit-il.
Revenant sur la hausse spectaculaire des prix qui l’a précédé, M.Pikine estime que les Européens ont "accordé trop d’attention à ce que Gazprom ne réserve pas de capacités supplémentaires du gazoduc Yamal-Europe".
L’information sur le changement de cap des navires chargés de GNL en direction de l’Europe a entraîné la baisse des prix du gaz après leurs nouveaux historiques. Cette ascension est étroitement liée à l’absence de réservation par Gazprom de capacités supplémentaires du gazoduc Yamal-Europe.
La société russe dément les accusations de limiter ses exportations vers l’Europe et explique que certains clients comme la France et l’Allemagne ont déjà reçu tous les volumes établis dans leurs contrats, sans les prolonger.

Moins cher chez Gazprom

Expliquant les raisons pour lesquelles les Européens ont choisi de payer plus cher que de signer de nouveaux contrats avec la Russie à des tarifs plus avantageux, Sergueï Pikine fait valoir le fait que certains pays de l’UE, dont l’Espagne, n’aient pas accès aux pipelines par lesquels ils pourraient obtenir le gaz russe. Par conséquent ils sont contraints de consommer du GNL.
Quant à certains pays qui peuvent se faire livrer par gazoducs, ils utilisent un modèle "ultra-libéral" de commerce sur les marchés spot. "C’est leur choix", pointe M.Pikine, tout en soulignant que la Moldavie, la Serbie et la Hongrie bénéficient actuellement de tarifs plus intéressants, car ils ont conclu de nouveaux contrats avec Gazprom.
Bien qu’elle ne fournisse pas en dehors de ses obligations contractuelles, ses tarifs sont "réellement plus avantageux, car conditionnés par les prix spot du gaz et du pétrole".
Dans le cas de la Moldavie, Gazprom lui vend son or bleu pour 450 dollars (397 euros) les 1.000 mètres cubes, soit deux fois et demie moins cher que le prix spot du gaz à l’époque, d’environ 1.000 dollars (882 euros), indique-t-il. L’Allemagne l’achète même encore moins cher, selon lui. La Pologne pourrait leur emboîter le pas l’année prochaine, quand son contrat touchera à sa fin.

Vers une nouvelle baisse des prix?

D’après les dires de M.Pikine, cette nouvelle sur l’augmentation du nombre de tankers n’influencera pas davantage les prix du gaz, car ils ont déjà chuté de moitié et oscillent autour de 1.000 dollars, "un prix correct pour l’Europe ces derniers temps".
"Il ne faut pas s’attendre à un retour à 500 dollars pendant la saison de chauffage. Même la présence d’une centaine de tankers ne fera pas baisser les prix de manière significative".
Enfin, interrogé au sujet du Nord Stream 2, il confirme que sa mise en service pourra largement changer les prix. Comme son autorisation ne se fera pas avant le deuxième semestre 2022, selon l’Agence fédérale des réseaux, "l’Europe devra vivre dans cette nouvelle réalité", conclut-il.
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