En difficulté, le tourisme marocain mise sur le local

© Sputnik . Alexey Vitvitsky / Accéder à la base multimédiaDes gens dans un café sur un toit à Chefchaouen, au Maroc
Des gens dans un café sur un toit à Chefchaouen, au Maroc - Sputnik Afrique, 1920, 14.12.2021
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Alors qu’ils commençaient tout juste à voir le bout du tunnel, les opérateurs touristiques du Maroc subissent de nouveau les effets de la fermeture des frontières. Les établissements hôteliers tournent quasiment à vide, les responsables du secteur, eux, s’activent pour booster le tourisme interne.
"Un matin, tous les gens comme moi vont prendre leurs bagages et partir […], car à un moment donné, il faut gagner de l’argent", s’indigne ce Français, propriétaire de quatre riads à Marrakech qui songe à plier bagage.
"J’ai une réservation pour une chambre de clients marocains ce week-end, à part ça, le néant, le taux de remplissage est de quasiment 0%", relate-t-il, sous couvert d’anonymat, avant de préciser que "la clientèle locale ne fréquente pas les riads, mais plutôt les hôtels".
Malik Meziane, directeur général d’une unité hôtelière d’une grande chaîne internationale, regrette également "un taux de remplissage qui est actuellement de 20%". La fermeture des frontières décidée par le Maroc fin novembre a noyé les derniers espoirs des opérateurs touristiques. L’entrepreneur français, installé au Maroc depuis 16 ans, pense quant à lui que "la confiance des étrangers va disparaître, personne ne va prendre le risque d’envoyer quelqu’un au Maroc au risque de se retrouver bloqué une nouvelle fois".
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Au point mort durant toute l’année 2020, ce secteur qui peinait à décoller était pourtant sur une pente ascendante depuis le mois de juin 2021, période d’allégement des restrictions sanitaires et d’ouverture des frontières. Cet été, le taux de remplissage de certains établissements hôteliers tournait autour de 60%, jusqu’à afficher quasiment complet pour les mois d’octobre et novembre. "Les chiffres avant la fermeture étaient exceptionnels […] Le taux de remplissage se situait autour de 70% et atteignait parfois le pic de 100% les week-ends", explique Malik Meziane. "Juste avant la fermeture, j’étais à 90% de remplissage, et pour la fin d’année nous étions complets", confirme quant à lui le gérant des riads.
En effet, selon la dernière note de conjoncture du ministère marocain de l’Économie et des Finances, les recettes touristiques ont connu une appréciation, en glissement annuel, de +15,2% au mois de juin, puis de +144,2% en juillet, +289,7% en août, avant de redescendre à +158,4% en septembre (période de restrictions sanitaires et de rentrée scolaire). Au titre du T3 2021, "ces recettes étaient en hausse de 202% par rapport à l’année précédente, demeurant toutefois en baisse de 40,2% par rapport à la même période de l’année 2019", ajoute la note.
Mais l’euphorie aura été de courte durée pour les professionnels qui doivent à présent gérer les annulations en série, et les départs précipités des touristes rapatriés. En réponse à cette situation critique, le gouvernement a prolongé l’octroi d’une indemnité de 200 euros par mois, à certaines catégories de la profession.
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"Trêve de lamentations"

De son côté, Rita Touzani, Casablancaise qui exerce dans le domaine, a choisi de se reconvertir dans le tourisme interne. Pour cette gérante d’agence de voyages qui travaillait principalement avec les touristes italiens et français, les opérateurs touristiques doivent "s’adapter" et "cesser de se lamenter".
"Nous avons fait un grand effort de travail de proximité. Cela fait deux ans que je mise sur le local. Nous avons réussi à développer ce lien avec nos clients nationaux en leur offrant un très bon rapport qualité-prix. Les hôteliers et agences marocaines n’ont pas eu cette réaction à temps, ils se rabattent sur le local dans l’urgence, ce qui les conduit à prendre des décisions à la hâte et à casser les prix", explique-t-elle à Sputnik.
Et d’ajouter, "Je fais dans l’international quand c’est possible, mais ça devient trop risqué. Pourquoi gérer un marché où je suis tributaire d’une décision qui ne m’appartient pas? La seule chose tangible actuellement, c’est le marché local qui n’est pas hypothétique et qui demande à être servi avec sérieux".
C’est également la stratégie pour laquelle a opté l’Office national marocain du tourisme (ONMT), qui vient de relancer la stratégie déployée cet été. Sous le hashtag #ntla9awfbladna (retrouvons-nous au pays), un important dispositif a été instauré via une campagne de communication d’ampleur (télévision nationale, affichage urbain, publicités digitales), et ce, afin de "consolider le marché domestique" en période de fermeture. Le directeur général de l’ONMT, Adel el Fakir invite à travers un communiqué, publié le 13 novembre,
"tous les acteurs du tourisme à se l’approprier et à la relayer largement. Ntla9awFbladna est ainsi la signature de la mobilisation du secteur du tourisme, de son engagement pour rassurer les Marocains et les inspirer en vue de leur faire découvrir de nouvelles expériences".
Les touristes marocains pourront-ils pour autant compenser les pertes de la fermeture des frontières? La tâche s’annonce ardue, mais pour la nouvelle experte du local, c’est une stratégie à déployer au plus vite. "Le Covid nous a appris une grande leçon: tout comme la santé et l’éducation, le tourisme doit répondre à des exigences nationales avant qu’elles ne soient supranationales", conclut-elle.
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