Cameroun: une cérémonie de dédicaces littéraires tourne à la "séquestration" du principal opposant

© Sputnik . Anicet SimoUn dispositif sécuritaire
Un dispositif sécuritaire  - Sputnik Afrique, 1920, 03.12.2021
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Alors qu’il était annoncé à une cérémonie de dédicaces de ses ouvrages littéraires à Douala le 1er décembre, l’opposant Maurice Kamto a été placé sous haute surveillance policière pendant plus de 24 heures. Si ses soutiens dénoncent "une séquestration", le dispositif sécuritaire mis en place a paralysé une partie de la circulation dans la ville.
Le lieu-dit "feux rouges Bessengue" à Douala, point de rencontre de plusieurs voies principales reliant de nombreux arrondissements de la ville, étouffe ce 2 décembre, sous le poids d’une circulation difficile. Si d’habitude, le carrefour a déjà du mal à contenir le lot de véhicules qui passent par ici, ce jeudi matin, la situation est encore plus compliquée. Et pour cause, l’une des routes menant à Akwa, le quartier des affaires, a été partiellement coupée de la circulation par des camions anti-émeutes des forces de maintien de l’ordre, qui forment comme un cordon sécuritaire autour de l’hôtel Vallée des princes. Les usagers de la route comme Crépin Mbizi, chauffeur taxi, essayant autant que faire se peut de slalomer sur quelques voies secondaires pour éviter les bouchons, ne cachent pas leur exaspération.
"Depuis hier [1er décembre, ndlr], c’est pénible de rallier Akwa. On nous a dit que Maurice Kamto est dans cet hôtel, mais je ne comprends pas pourquoi on doit barrer la route. C’est nous qui souffrons. S’il est coupable de quelque chose qu’on l’interpelle et qu’on ouvre la circulation", lance-t-il dépité au micro de Sputnik.
© Sputnik . Anicet SimoLa circulation rendue difficile ce matin du 2 décembre dans le 1er arrondissement de Douala
La circulation rendue difficile ce matin du 2 décembre dans le 1er arrondissement de Douala - Sputnik Afrique, 1920, 03.12.2021
La circulation rendue difficile ce matin du 2 décembre dans le 1er arrondissement de Douala

La menace Kamto à Douala

"Je ne sais pas pourquoi cet homme fait autant paniquer. La ville est pratiquement en état de siège parce qu’il a annoncé sa présence pour une cérémonie de dédicaces?", s’interroge un autre passager. En effet, le principal opposant du chef de l’État Paul Biya et qui est arrivé deuxième à la présidentielle de 2018 -une élection dont il conteste toujours les résultats- est dans la ville de Douala depuis le 30 novembre pour une série d’activités. D’après le programme détaillé par son parti, Maurice Kamto s’est rendu "discrètement" à son arrivée à la prison de Douala pour apporter son soutien à ses militants et sympathisants arrêtés dans le cadre des marches dites pacifiques, organisées par son parti le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), pour dénoncer la gestion du pouvoir par Paul Biya. Dans l’après-midi du 30 novembre, l’opposant s’est rendu au siège du MRC dans la ville pour une réunion avec les responsables de son parti dans la région. Il y sera accueilli par une foule nombreuse face à laquelle Maurice Kamto va rappeler son désir d’un "changement dans la paix", soulignant tout de même ne pas craindre "la bagarre" s’il faut en arriver là pour faire bouger les lignes.
© Sputnik . Anicet SimoUn dispositif sécuritaire posté non loin de l’hôtel où se trouve Maurice Kamto
Un dispositif sécuritaire posté non loin de l’hôtel où se trouve Maurice Kamto - Sputnik Afrique, 1920, 03.12.2021
Un dispositif sécuritaire posté non loin de l’hôtel où se trouve Maurice Kamto
Selon son agenda, le président du MRC était également annoncé le 1er décembre à une cérémonie de dédicace de ses ouvrages littéraires dans un restaurant de la ville. Si début novembre Maurice Kamto a tenu une cérémonie similaire dans la capitale Yaoundé sans heurts, les choses se sont compliquées à Douala. Dès les premières heures du mercredi 1er décembre, son hôtel tout comme le lieu de la cérémonie et la route principale y conduisant ont été envahis par une escouade d’hommes en tenue et des camions anti-émeutes. Dans un communiqué rendu public, le MRC crie à "la séquestration" de son leader et à "la violation flagrante de ses droits".
"Si Maurice Kamto n’est plus un citoyen camerounais libre de ses mouvements dans son propre pays, si sa liberté d’expression lui est retirée et s’il est persona non grata à Douala, le régime doit avoir le courage de le dire, de le lui signifier et d’assumer ses actes ainsi que leurs conséquences", s’indigne Christopher Ndong, secrétaire général du MRC.

Un climat de répression permanent

Si aucune communication officielle n’a été faite par les autorités de la ville sur les raisons de mise sous haute surveillance de l’opposant, il va pourtant y rester jusqu’à la mi-journée du 2 décembre avant d’être conduit sous bonne escorte pour un retour selon certaines sources à Yaoundé, sa ville de résidence. "Une séquestration du président Maurice Kamto", déplore Christopher Ndong, "sans motif ni notification", et qui "rappelle celle qui a eu lieu l’année dernière à son domicile à Yaoundé".
En septembre 2020, Maurice Kamto sans faire l’objet d’aucun mandat d’arrêt ni d’aucune mesure judiciaire d’assignation à résidence, a vu son domicile encerclé par une centaine d’éléments de la gendarmerie et de la police durant plus de trois mois. Le président du MRC et d’autres partis de l’opposition avaient alors appelé à manifester pour exiger la résolution de la crise séparatiste dans les régions anglophones et la réforme consensuelle du code électoral avant la tenue prochaine des élections régionales.
Maurice Kamto, président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), le 30 septembre 2018, Cameroun - Sputnik Afrique, 1920, 12.04.2021
Au Cameroun: Maurice Kamto a-t-il jeté l'éponge?
En effet depuis la présidentielle de 2018, le MRC s’est illustré par de nombreuses manifestations pour contester la victoire de Paul Biya, alors donné vainqueur selon les chiffres officiels. À la suite de manifestations qualifiées de "démarches insurrectionnelles" par les autorités, des centaines de partisans et sympathisants du MRC ont été emprisonnés, parmi lesquels son propre leader. Dans cet élan contestataire, le parti avait cristallisé l’actualité, contestant la légitimité de Paul Biya à travers son "plan de résistance". Si beaucoup de militants ont été progressivement libérés, des centaines d’autres demeurent en détention à travers les prisons du pays. Alors que l’opposant semblait en retrait de l’actualité politique, les événements de Douala viennent relancer les hostilités dans le combat qu’il mène contre le pouvoir de Paul Biya, 88 ans dont 39 au pouvoir.
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