Que peut encore Maurice Kamto face au pouvoir de Paul Biya? Sa dernière apparition publique date du 1er avril. En compagnie de six autres représentants de partis de l’opposition, ils donnaient une conférence de presse à Yaoundé pour informer l’opinion qu’ils travaillent ensemble sur une réforme consensuelle du système électoral.
«Nous, partis politiques signataires du présent communiqué, avons décidé de travailler ensemble dans un cadre républicain inclusif, avec toutes les parties prenantes du jeu démocratique, afin de mettre en place un système électoral nouveau ou amendé pour la stabilité et la prospérité de notre pays», peut-on lire dans une déclaration commune.
Cameroun - #Politique
— Pascal McTell (@olacenter) April 1, 2021
[ L'opposition camerounaise réunie autour d'une même table]
Les leaders de l'opposition se sont rencontrés ce jour à Yaoundé autour d'une même table dans l'optique de discuter sur le statut de la réforme du Code électoral Camerounais. pic.twitter.com/qAB9JWvDSj
Les partis signataires du communiqué «assurent le peuple camerounais de leur engagement à aller jusqu’au bout de leur démarche», peut-on encore lire dans ce document signé par plusieurs figures politiques dont Maurice Kamto, leader du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC).
A bout de souffle?
La reforme consensuelle du code électoral est l’un des combats portés par le candidat arrivé officiellement en 2ème position à l’élection présidentielle du 7 octobre 2018. D’ailleurs, c’est face à la persistance de Yaoundé à organiser des élections régionales en décembre 2020, sans une révision de ce code ni la résolution du conflit séparatiste, que l’opposant avait appelé au boycott de ce scrutin. Cet appel et les manifestations qu'il a organisées lui ont valu une assignation à résidence de fait, durant plusieurs mois, ainsi que l’arrestation de plusieurs figures de son parti. Une centaine de membres du MRC est encore détenue à travers les prisons du pays. Depuis la levée de son assignation à résidence en décembre 2020, celui qui a longtemps revendiqué une victoire volée à la dernière présidentielle poursuit timidement son combat contre Paul Biya.
Mais aujourd'hui, il ne s'agit plus de continuer à lancer ces nombreux appels à manifestations pour faire tomber le pouvoir. Maurice Kamto et ses partisans tentent, plutôt, d’occuper l’espace autrement. À travers des prises de position sur les sujets d’actualité, notamment. Est-il permis d'y voir une manifestation d'un essoufflement? Aristide Mono, enseignant des sciences politiques à l’Université de Yaoundé 2, met plutôt cela sur le compte de «l’absence de fenêtres d’opportunité de mobilisation» réduisant le parti à se rabattre sur des activités moins vendeuses politiquement.
«Il y a absence d’opportunité de mobilisation parce que ces derniers temps, en dehors de la réactualisation de la question de la réforme électorale faite par Elecam (organe en charge de l’organisation des élections, ndlr), le MRC n’a pas réellement fait face à une actualité politique pouvant servir de prétexte ou de justification à d’autres mobilisations spectaculaires, de même qu’il n’a pas essuyé de coup justifiant une réaction de haute facture communicationnelle», analyse l’universitaire au micro de Sputnik.
«Le MRC devrait continuer à mobiliser des Camerounais, tout en évitant de mettre toujours en avant la question de la conquête du pouvoir. Cela suppose qu’il doit beaucoup plus mettre en avant son côté société civile pour rassurer les plus sceptiques que son objectif n’est pas tant l’arrivée au pouvoir en soi, mais le changement», suggère l’universitaire.
Le destin des «Présidents élus»
Malgré la bataille permanente pour l’occupation de l’espace politique, Maurice Kamto peut-il connaître le même sort que de nombreux autres «Présidents élus» (auto-déclarés) qui ont récusé les résultats officiels, annoncé une lutte pour obtenir la vérité des urnes, avant de renoncer dans les faits à toute action pour faire prévaloir leur «victoire volée»? Martin Fayulu en RDC en 2019 a longtemps récusé sa qualité de «candidat malheureux», endossant plutôt le statut de «Président élu», face à Étienne Tshisekedi, qui lui-même était passé par la case Président auto-déclaré, en 2011. Ce fut également le cas de Jean-Pierre Fabre, au Togo, en 2015, ou encore de l'ancien président de la Commission de l'Union africaine, le Gabonais Jean Ping, en 2016.
Décryptant le magistère éphémère des «Présidents élus» sur le continent, Hippolyte Éric Djounguep, chercheur à l’École supérieure des sciences et techniques de l’information et de la communication de Yaoundé et consultant en géopolitique, souligne d’emblée un rapport de force défavorable qui plaide pour le Président en fonction: «Face à des régimes tyranniques, obsédés par la conservation du pouvoir, plusieurs candidats aux élections présidentielles en Afrique qui ont vu leur victoire arrachée et confisqué par un candidat-Président sortant détenteur absolu de l'ensemble des dispositifs étatiques (armée, justice, administration) ont essayé d'opposer à la forfaiture électorale une résistance nationale.»
«Entre arrestations arbitraires de leurs partisans, les assignations à résidence, l'interdiction de sortir du territoire et autres méthodes de répression, les pouvoirs en place pour la plupart répressifs et agressifs, ont imposé un musellement à toute voix discordante», poursuit le chercheur à Sputnik.
«Le destin des Présidents élus n’est donc pas toujours l’installation au trône mais la maintenance d’une pression politique permanente du principal opposant durant l’intersaison électorale», conclut l’universitaire.