Engins explosifs contre des civils: "un tournant inquiétant" dans la crise séparatiste au Cameroun

© AP Photo / REBECCA BLACKWELLDes policiers au Cameroun
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Plusieurs étudiants ont été blessés suite à l’explosion d’une bombe à l'université de Buea dans le Sud-Ouest séparatiste. Une attaque similaire attribuée aux sécessionnistes s'est produite à Bamenda faisant cinq blessés. Des cas qui font craindre, selon un spécialiste, la naissance d’une nébuleuse terroriste dans le pays.

"L’usage récurent d’engins explosifs contre des cibles civiles marque un tournant inquiétant dans ce conflit qui peine à trouver des solutions. C'est une étape d'une guerre qui s'enlise […]. C'est une autre dimension de la guerre, une sorte ‘d’intifada anglophone’ contre le pouvoir de Yaoundé", explique au micro de Sputnik Hippolyte Éric Djounguep, chercheur à Trends Research and Advisory et spécialiste des conflits en Afrique subsaharienne, décryptant les dernières attaques enregistrées dans les régions anglophones du Cameroun.

En effet, mercredi 10 novembre, une série d’attaques aux engins explosifs contre des civils a été enregistrée dans les deux régions séparatistes du Cameroun. La plus impressionnante s’est produite à l’université de Buea dans le Sud-Ouest anglophone où une dizaine d’étudiants ont été blessés suite à l’explosion d’une bombe dans un amphithéâtre. Selon le professeur Horace Ngomo Manga, recteur de l’université, un séparatiste a lancé un engin explosif sur la toiture de l’amphithéâtre avant de prendre la fuite. Dans sa sortie à la presse, le recteur déplore "des cas graves parmi les blessés et précise que toutes les victimes sont prises en charge dans les différents centres hospitaliers de la ville de Buea".

La naissance d’une nébuleuse terroriste?

Dans la soirée du 10 novembre, une autre explosion s’est produite à Bamenda dans la région du Nord-Ouest séparatiste. La déflagration s’est produite au lieu-dit "Finance Jonction" et aurait fait au moins cinq blessés. Si l’attaque n’a pas été revendiquée, de nombreuses sources locales l’attribuent aux groupes armés séparatistes. Plus tôt en début de semaine, un chauffeur de taxi a été tué par l’explosion d’un engin improvisé. Si l’usage d’engins explosifs improvisés n’est pas récent dans cette crise qui secoue les régions anglophones du Cameroun depuis plus de quatre ans, sa récurrence contre des civils ces derniers jours donne à questionner les motivations des séparatistes et tend à discréditer davantage, de l’avis de certains spécialistes, les revendications à l’origine du conflit. Cependant, décrypte Hippolyte Djounguep, ce changement de modus operandi est pour les séparatistes une volonté manifeste "d’élever le niveau d'insécurité dans cette zone, et mettre en exergue l'incapacité du gouvernement camerounais à assurer la sécurité des civils".
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"Ils veulent aussi attirer et susciter davantage l'intérêt de la communauté internationale sur ce niveau élevé de faillite de la sécurité au Cameroun anglophone", poursuit l’expert.

Dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest où vivent la majorité des anglophones du pays, l’armée et les groupes séparatistes s’affrontent quasi quotidiennement, prenant en tenaille les civils, victimes collatérales d’exactions des deux camps. Selon le dernier rapport de l’ONG Human Rights Watch (HRW) publié en février 2021, ce conflit a déjà fait plus de 3.500 morts (civils et militaires) et poussé plus de 700.000 personnes à abandonner leurs foyers. Des milliers d’hommes et de femmes ont besoin d’assistance. Dans un communiqué du ministère de la Défense rendu public le 20 septembre à la suite d’une autre attaque, Yaoundé soulignait déjà que l’utilisation d’engins explosifs improvisés (EEI) et l’usage d’un armement sophistiqué consacrent "indubitablement un changement de paradigme dans les opérations en cours".

"Si aucune solution n'est trouvée dans l’immédiat pour sortir de ce conflit, ce modus operandi va se généraliser et s'éterniser. Le gouvernement camerounais risque de voir naître sur son territoire une nébuleuse séparatiste, qui deviendra endémique comme en Somalie avec les al-Chabab [groupe terroriste islamiste somalien, ndlr.]", prévient Hippolyte Éric Djounguep.

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En 2017, les séparatistes anglophones ont pris les armes contre le gouvernement de Yaoundé pour revendiquer la création d’un territoire indépendant. Les tensions avaient auparavant commencé en novembre 2016 sous la forme de revendications corporatistes: des enseignants déploraient la nomination de francophones dans les régions anglophones et des juristes désapprouvaient la suprématie du droit romain au détriment de la Common Law anglo-saxonne. Au cours de l’été 2019, alors qu’il était acculé de toutes parts par la communauté nationale et internationale, le Président Paul Biya avait convoqué un "grand dialogue national" (GDN), du 30 septembre au 4 octobre à Yaoundé, pour résoudre la crise. Si à Yaoundé, l’heure est à la mise en place de ces recommandations, sur le terrain des opérations, l’impact sur la résolution du conflit demeure marginal au vu des récents événements.
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