Pass sanitaire: l’arme ultime de Macky Sall pour imposer la vaccination aux Sénégalais
16:26 02.11.2021 (Mis à jour: 17:43 10.01.2022)
© AP Photo / Seth WenigMacky Sall
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Alors que la vaccination anti-Covid semble marquer le pas, le Président sénégalais vise l’obligation du pass sanitaire pour renforcer la lutte sanitaire. Une offensive qui obéirait en partie au besoin de rentabiliser des investissements, dont la construction d’une usine de vaccins ARN messager par BioNTech au Sénégal.
Les Sénégalais vont devoir peut-être, très bientôt, présenter un pass sanitaire avant d’accéder à certains services et établissements publics. Cette perspective, peut-être pas très lointaine, a été brandie le 30 octobre par le Président Macky Sall lors de la pose de la première pierre du Centre national d’oncologie de Diamniadio, à une trentaine de kilomètres de Dakar).
"Il faut que les gens aillent se faire vacciner, car les vaccins sont là. J’ai dit au ministre de la Santé qu’il faut que l’on commence à [organiser, ndlr] l’accès à certains services publics pour ne pas porter tort aux autres. Que ce soit dans les universités ou d’autres services, dans les stades, les lieux de culte, les marchés, etc., je demande au CNGE [Comité national de gestion des épidémies, ndlr] de nous faire des propositions dans ce sens. Il n’est pas normal que l’État ait fait tout son possible pour obtenir des vaccins et que les gens refusent de se faire vacciner à partir de préjugés qui ne tiennent sur rien de scientifique. C’est inadmissible", a souligné Macky Sall.
Dans le style martial qui est le sien en certaines occasions, le Président sénégalais a indiqué que, "dans d’autres pays, développés notamment, les victimes du Covid-19 sont ceux qui ont refusé la vaccination". À cet effet, il a donné instruction aux autorités compétentes de "relancer le programme de vaccination" contre le virus au Sénégal à travers "des mécanismes" efficaces et opérationnels.
"Malheureusement, le Covid-19 ne nous quittera pas. Il est là dans la durée, comme une endémie, à l’instar d’autres maladies comme le paludisme. [Mais, ndlr] il disparaîtra des pays où les gens acceptent la vaccination."
Au Sénégal, le virus est dans une dynamique de reflux depuis plusieurs semaines avec une très forte baisse des contaminations. Le bulletin statistique quotidien du ministère de la Santé et de l’Action sociale publié le 2 novembre fait état de deux cas positifs au coronavirus sur un échantillon de 784 tests réalisés. "Mais il faut être prudent", conseille le chef d’État sénégalais, qui souligne que "la maladie est en train de refaire surface dans d’autres pays. Nous devons nous prémunir". Cette prévention passe-t-elle pour autant par l’obligation du pass sanitaire pour l’accès dans les lieux publics?
"Je ne le pense pas. Il faut que nos autorités tiennent compte de notre contexte qui est différent de celui d’autres pays comme la France et les États-Unis. Nous avons un taux de létalité assez faible au Sénégal. C’est une opportunité formidable qui devrait nous encourager à intensifier la sensibilisation des populations, en particulier dans ses tranches d’âge jeunes", estime Seydi Gassama, directeur exécutif d’Amnesty International Sénégal interrogé par Sputnik.
"Imposer le pass sanitaire accroîtrait la défiance envers l’État"
Concrètement, cette nouvelle offensive du Président Sall concernerait les lieux publics fréquentés chaque jour par des milliers de Sénégalais pour obtenir des documents administratifs. Ce sont les tribunaux, ministères, préfectures et sous-préfectures, centres d’état civil, entreprises publiques et parapubliques, mosquées et églises, etc. Elle ne serait peut-être pas sans lien avec l’annonce faite le 26 octobre dernier par le laboratoire allemand BioNTech de la construction de sites de production de vaccins anti-Covid au Rwanda et au Sénégal à partir du second semestre de l’année 2022.
"Si le Président voulait passer à l’acte, il est clair que le pass sanitaire serait voté. Mais cela ne ferait qu’augmenter la défiance des populations à l’endroit de l’État et des autorités. Elles diraient encore une fois que nous sommes trop enclins à copier ce que les autres [font, ndlr] sans tenir compte des spécificités qui sont les nôtres. On va pousser les étudiants en grève, les enseignants certainement, et peut-être d’autres catégories professionnelles. Après, on va se retrouver avec de nouveaux désordres à gérer", avertit Seydi Gassama qui insiste sur un travail de sensibilisation permanent.
En février dernier, après s’être vacciné sous les caméras de la télévision d’État, le Président Macky Sall avait menacé d’offrir les lots de vaccins obtenus par le Sénégal à d’autres pays si les Sénégalais prolongeaient leur défiance à l’égard du virus. Son plaidoyer en faveur de la vaccination avait été soutenu par plusieurs experts sénégalais dont les infectiologues Moussa Seydi et Cheikh Sokhna, mais combattu par d’autres comme le docteur Babacar Niang, médecin-urgentiste et directeur de l’établissement privé Suma Assistance.
Mr le Président @Macky_Sall
— Medza Ndoye (@medzaproduction) February 25, 2021
Pourquoi tout cette arrogance
"Si on ne prend pas les vaccins,je vais les donner à d’autres pays africains"#Kebetu pic.twitter.com/Wz1nRDN0B8
Le Sénégal vise un taux vaccinal de 80% avant la fin de 2022 afin d’"atteindre l’immunité collective", selon son ministre de la Santé Abdoulaye Diouf Sarr. À la date du 2 novembre 2021, 1.294.205 personnes étaient vaccinées, selon le bulletin quotidien du Centre des opérations d’urgences sanitaires (COUS).